En attendant l'interview, coup d'œil sur les expos de Lorenzo Mattotti
à Paris (jusqu'au 23 février) et à Louvain (en Belgique, jusqu'au 1er avril)



Lorenzo Mattotti expose à la fois à Paris où il vit désormais et à Louvain, près de Bruxelles, en Belgique. Les deux expositions sont très différentes. Celle de Paris propose une quarantaine de planches de BD. Celle de Louvain est une vaste rétrospective en provenance de Milan ; elle offre un panorama complet de l'ensemble des activités de ce grand dessinateur avec un peu plus de 350 œuvres. C'est dire si Mattotti fait l'actualité, à l'heure où les éditions du Seuil rééditent « Murmure », un album des années 80 scénarisé par Jerry Kramsky.

L'exposition de Paris.
(A l'Istituto Italiano di Cultura, 50, rue de Varenne, dans le 7ème arrondissement)

C'est dans le quartier très sérieux de l'Hôtel Matignon que l'Istituto Italiano di Cultura vous attend. Passé le porche, une bâtisse magnifique conçue sur les modes baroque et classique. Au fond de la cour, une aile abrite l'exposition. il s'agit en fait d'une grande pièce donnant sur un jardin intérieur. Hauts plafonds, lustres de cristal, peintures baroques sur les murs voûtés, l'ensemble mériterait déjà la visite. Dans ce somptueux écrin, un parcours de planches originales vous fera découvrir les étapes essentielles du travail de Lorenzo Mattotti en bande dessinée. Il y a peu d'œuvres, mais elles ont été choisies avec soin. A gauche en entrant, on trouve les débuts en noir et blanc et, très vite, en couleur. Le trait est d'abord rond, très seventies, puis le noir et blanc plus tranché rappelle Munoz/Sampayo. On passe de Tram Tram Rock (1978) à Agata Blues (1979) puis on s'arrête à Incidents (1980-81). La couleur apparaît de plus en plus vive, véritable signature de l'artiste. Dès le milieu des années 80, Mattotti est définitivement conquis par le pastel et le crayon. Cinq planches de 1983 on particulièrement attiré mon regard. Il s'agit d'un noir et blanc obtenu avec un pastel gris-beige à la place du noir, pour Doctor Nefasto. Magnifique. Comme le sont les huit planches de « Murmure », récemment réédité au Seuil. Il faut trouver un qualificatif plus élogieux encore pour les planches du Voyage de Caboto (1992, chez Albin Michel). On termine le parcours par du noir et blanc. Traditionnel, d'abord, c'est-à-dire au pastel noir (Le Saint Crocodile, 1996) puis tourmenté ensuite, à l'encre et à la plume. (Stigmates, paru au Seuil en 98). Un bref mais intéressant aperçu des qualités exceptionnelles développées par Lorenzo Mattotti en 25 ans de carrière.

L'exposition de Louvain, en Belgique.
(Au centre « Twee Bronnen », situé Diestsestraat, 46, à Leuven (vingt minutes en voiture de Bruxelles, autoroute E40 direction Liège). Ouvert du mardi au dimanche de 12 à 18 heures (mercredi jusqu'à 20 heures) jusqu'au 1er avril. Prix d'entrée : 220 francs belges, soit environ 20FF)

Deux étages distincts d'un gigantesque bâtiment art déco dessiné par le grand architecte belge Vandevelde accueillent en tout plus de 350 œuvres de Lorenzo Mattotti. On est ici de plein pied dans l'exposition pluridisciplinaire : bande dessinée, dessin, publicité, peinture, animation (avec des extraits de dessins animés montrés sur vidéo), illustration… toutes les facettes de l'artiste sont abordées.

Dans le premier espace, situé au premier étage côté rue se trouvent essentiellement les travaux publicitaires et la peinture (réduite à une demi-douzaine d'acryliques de grande dimension, c'est peut-être le seul reproche qu'on peut faire aux organisateurs). On y trouve des couvertures pour Vanity, l'affiche du Festival de Cannes 2000 et bien d'autres choses. Mattotti a travaillé pour des journaux de mode comme Cosmopolitan (les portraits de femmes réalisés pour ce magazine et exposés ici sont sidérants !), Vogue ou Vanity. Il a aussi réalisé un nombre impressionnant de couvertures pour The New Yorker (beaucoup de ces dessins, restés inédits, sont également visibles) ainsi que pour des romans, recueils de nouvelles ou autres produits d'édition. Bref, vous ne saurez pas où donner des yeux tant tout cela éclate de couleurs et de talent. C'est sans doute la salle la plus inattendue.

Passez à travers la grande cour et vous voilà dans la seconde salle, qui donne sur la Rijschoolstraat. Ici, c'est le monde de la BD au sens large qui prévaut. Au sens large car il n'y a pas que des planches à voir. Dessins de couverture inédits, variations sur des thèmes exploités dans certains ouvrages… il y a beaucoup à voir. Le parcours est chronologique, comme à Paris. Vous y trouverez les débuts, avec par exemple cette stupéfiante illustration inédite faite en 1979 pour Quadragono mais aussi -surtout- l'âge d'or qui s'étale du milieu des années 80 à nos jours. Avec des planches éclaboussantes de rouge et de noir extraites de Feux, d'autres, d'une construction complexe et pourtant fluide provenant du Voyage de Caboto (sur un scénario de Jorge Zentner), d'autres en noir et blanc au pastel ou à la plume, d'autres encore en couleur, avec un sens de la couleur qui s'affirme sans jamais sombrer dans le mauvais goût. Le bleu sous toutes ses formes, le rouge tranché, les oppositions de lumière et de formes, tout y est. Le vert des planches inédites de Romanza (1998), des planches où l'on voit une scène avec des fantassins dans une clairière, par exemple, est d'une incroyable pureté. Bref, voyager parmi ces planches, ces originaux souvent inédits, ces illustrations ou ces travaux de couverture achèvera de vous convaincre du talent de ce grand monsieur.

Thierry Bellefroid.

Une interview de Lorenzo Mattotti sera bientôt visible sur le site

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