Attention coup de coeur !
"Le Singe et la sirène"



"Le singe et la sirène", par Dumontheuil et Angéli.
(Casterman)

Découvert avec son deuxième album ("Qui a tué l'idiot ?", paru en 96 et primé à Angoulême), Nicolas Dumontheuil s'est surtout fait attendre, depuis. Un seul album, "Malentendus", est paru en 1999. Ça fait peu en cinq ans. Mais à chaque fois, Dumontheuil explose de talent.

C'est encore le cas dans "Le singe et la sirène" qui vient de sortir chez Casterman. Mais cette fois, il y a autre chose. L'auteur s'est associé à une scénariste. Et le résultat est pour le moins décoiffant. La galerie de portraits d'Eliane Angeli sent bon l'observation sur le terrain. Cette fille de la Gironde a manifestement passé du temps sous les piles du pont d'Aquitaine, dans la quartier de Bacalan où se situe l'action de cette histoire très noire marquée par la misère sociale.

 

Cette chronique des parias est une plongée truculente dans un univers que Dumontheuil prend un malin plaisir à enlaidir tant qu'il le peut. Museline, l'ancienne fille du trottoir qui s'est établie à son compte après avoir estourbi son souteneur dans un train est un vrai remède contre l'amour (ce qui n'empêche pas les mâles du quartier de faire la queue (sic) devant son lit) : grasse, dégoulinante et vulgaire, on a du mal à imaginer qu'elle sort de l'imagination d'une femme. Il faut dire qu'Eliane Angeli n'y est pas allée avec le dos de la cuiller. Tous ses personnages sont glauques à souhait.

Il est évident que "Le singe et la sirène" ne plaira pas à tout le monde. Trop noir, trop miséreux, trop violent, même. Mais pour ceux qui n'ont pas peur de lire une BD qui appelle un chat un chat et qui montre la banlieue dans tout ce qu'elle a de sordide et de folklorique à la fois, "Le singe et la sirène" est un album parfait. Le ton est finalement plus proche de la satire sympathique que du misérabilisme ou du voyeurisme. Evidemment, on n'évite pas toujours le cliché, mais comment faire de la caricature sans y avoir recours ?

Bref, cette histoire de serial killer pathétique est un de ces bouquins qu'on se prend en pleine tronche de la première à la dernière page. De toute façon, se priver d'un Dumontheuil serait déjà tellement dommage en soi... On regrettera juste qu'un dessinateur possédant une personnalité aussi forte se soit commis à bêtement copier le style de Dany pour le personnage de "Perle". Dès la couverture, cet emprunt saute aux yeux.

Thierry Bellefroid.

Images Copyrights © Angeli & Dumontheuil - Casterman 2001


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