Les 10 critiques de Manu temj sur Bd Paradisio...

Une vraie BD noire, un rien morbide même. Chassé-croisé d’adolescents paumés, de parents alcooliques, d’anti-dépresseurs et de pilules du bonheur, Le Roi des Mouches suit une veine sociale, chère au graphic-novelists d’outre-atlantique. Mais là où Burns, Clowes ou Tomine proposent des récits volontairement linéaires et frustes, se gardant des péripéties et des astuces scénaristiques pour explicitement nous inviter à voir la satyre sociale derrière le récit, Mezzo et Pirus ne la revendiquent pas et choisissent la voie d’un scénario magnifiquement ciselé, pour un vrai récit de fiction. Etrange ambiance donc que celle de cette petite ville, résolument peuplée de codes graphiques américains (casquettes, maisons en bois, etc) mais où on paye en euros et les voitures sont françaises. Le graphisme que le premier venu apparentera immédiatement à celui de Charles Burns accentue encore cette impression, mais cette histoire là, sans la puissance allégorique de Black Hole, mais avec des accents cruels qui e rapprochent par moment de Ghost World, a quelque chose de vraiment nouveau. Un vrai travail d’auteurs, complet et réussi, qui mérite déjà sa place dans une certaine sélection, pour janvier 2006…
The summer of love par Manu Temj
J’ai lu les trois ou quatre premières planches et je me suis dit que rien n’était fluide, que ces petites bulles entrecroisées, dans lesquelles le texte semblait trop à l’étroit nuisaient à la lecture, que l’intérêt de la bichromie marron et verte ne sautait pas aux yeux… j’ai quand même lu la suite… et j’ai eu raison. Debbie Dreschler nous campe la vie quotidienne d’une poignée d’adolescents sans histoire (ou presque), de ces adolescents que nous avons tous été (ou presque). Rien ne les différencie de leurs semblables, ils ont les mêmes préoccupations amoureuses, les mêmes petites histoires de cours de lycée, qui suffisent à les préoccuper, les noyer, les torturer… Et c’est là que le pari est risqué. Il aurait été finalement assez facile de choisir la misère sociale, l’enfer de la drogue ou de la violence pour alimenter un scénario, créer une ambiance. Debbie Dreschler ne garde rien de tout cela et pourtant ses adolescents sont incroyablement réels, formidablement palpables, ils sont vous il y a quelques années. Parce que ces petites bulles entrecroisées, ces textes trop à l’étroit, finissent pas rendre à merveille le discours syncopé, toujours essoufflé, toujours au bord du gouffre de l’ado. moyen. Parce que le trait de ses personnages a ce mélange de fraîcheur juvénile et de disgrâce physique qui préoccupe tant les ado. Parce que ces drôle de bichromie vient parfaire le tableau d’inachevé, d’insatisfaction… The Summer of Love est une très belle réussite d’ambiance et un modèle de mise en bande dessinée du mal être quotidien, temporaire et universel de l’adolescence. Je n’ai pas souvenir d’avoir lu beaucoup de choses aussi justes. Il manque sans doute à ce livre un soupçon de péripétie, une trame de récit un tout petit peu plus étoffée ou anecdotique, qui l’aurait rendu plus accessible et aurait permis au talent de Debbie Dreschler de sauter aux yeux de tous. On pourra le regretter, ou admirer l’absence de concession de l’auteur… au choix… mais avant cela, il faut lire The Summer of Love.
Le premier album de la collection Mirages qui m’ait vraiment marqué. Un récit forcément dur sur l’inceste, traité pas son auteur avec pudeur et profondeur, témoignage personnel pour ne pas oublier. Je n’ai pas lu le roman mais l’adaptation est superbe, servie par un dessin sobre, traité par des lignes noires fortes, presque floues. Le témoignage personnel s’en trouve tiré vers une forme d’universalité, pour mieux interpeller… et il y parvient complètement, sans agressivité ni voyeurisme. Certains passages se payent même le luxe d’une belle inventivité narrative qui sert le récit sans tomber dans le piège de l’esbrouffe. A lire, c’est certain !
Ce troisième tome du Marquis D'Anaon est, à mon sens, le meilleur. Fabien Vehlmann a souvent été critiqué (et je suis le premier de ces critiques) pour ses fins de scénarios un peu téléphonées. Ici, rien de tout ça, même si la construction scénaristique est en tout point semblable aux deux premiers volumes (c'est de toute évidence un challenge d'auteur). La montée en suspens est bien menée, la révélation survient à la fin du second tiers de l'album, et le dernier tiers - sans être très original - maintient la tension jusqu'à une dernière planche très ouverte, qui plaira ou décevra. Elle m'a bien plu... On pourra reprocher à l'ensemble de n'être traité que sur un album, de passer trop vite sur certains éléments, de ne pas assez laisser s'installer les ambiances. C'est la règle des one-shots et donc celle de cette série. On peut difficilement avoir le beurre et l'argent du beurre... L'histoire aurait peut-être mérité 8 ou 10 planches de plus. Peut-être... mais le compromis réussi par les auteurs est plutôt bon. Que dire du dessin, sinon que Matthieu Bonhomme est toujours aussi impressionnant. On retrouve ici comme ailleurs son encrage maîtrisé. Parfaite synthèse de modernité (sobriété, sécheresse du trait) et d'une maîtrise classique, empruntant autant à la ligne claire qu'à Jijé ou Hubinon (dont on retrouve presque la patte sur certaines cases... Impression de lecteur due au thème maritime ou influence plus ou moins consciente de l'auteur ? Je ne saurais le dire). Si vous cherchez une aventure maritime à la fois classique et moderne, servie par un dessinateur remarquable, n'hésitez pas une seconde !
Après la démonstration de virtuosité réaliste et de sensualité de La Terre Sans Mal, le nouvel opus d'Emmanuel Lepage chez Aire Libre était légitimement très attendu. Muchacho tient-il ses promesses ? La réponse est Oui. Oui, mais... Lepage signe un récit gonflé d'héroïsme romantique et d'émois juvéniles. A la fois rassurant et révoltant, Muchacho se lit d'un trait, et avec beaucoup de plaisir. Pourtant, le dessin de Lepage - toujours magnifique dans l'absolu - est moins à son aise dans la fournaise des villages du Nicaragua qu'il l'était dans l'ombre moite de la canopée. Presque trop parfait, trop lisse. Délicat à exprimer, mais il manque la poussière qui colle à la peau, les odeurs de sueur, la crasse des cheveux... De l'ensemble, résulte une impression de "politiquement correct", qui ravira les uns et aggacera les autres. Muchacho est un bel album, gentiment "engagé", dans la grande tradition de la collection Aire Libre, celle de l'Oiseau Noir, d'Azrayen et du Sursis. De ces albums qu'on peut offrir sans crainte de décevoir. Il lui manque sans doute un petit quelque chose pour entrer au panthéon des grand albums de bande dessinée. Petit quelque chose que pourrait lui apporter un second tome endiablé et encore un peu plus de souffle romantique. Pour ma part, je l'attends déjà avec une certaine impatience.
Savez-vous ce qu'était vraiment un samouraï ? Un ninja alors ? Avez-vous la moindre notion d'histoire du Japon avant le début du XXème siècle ? Sans doute pas... Je suppose... Alors lisez Kaze No Sho ! Taniguchi vous entraînera au coeur de l'histoire de son pays, comme il a su vous entraîner dans le récit de son enfance réelle ou phantasmée. Kaze No Sho fonctionne à deux niveaux, d'abord l'historique pur, l'affrontement de deux puissances politico-militaires. Les coups-bas diplomatiques, les jeux d'influences, les chantages odieux... Evidemment, les premières pages paraissent peu évidentes, les noms des personnages, des lieux, des organisations sont obscurs au beotien occidental. Pourtant l'histoire nous entraîne rapidement et la difficulté s'estompe devant le suspens qui nous prend aux tripes. Car Kaze No Sho, c'est aussi le récit de l'affrontement entre deux hommes, deux virtuoses du sabre, un samourai et un ninja, justement... Mais point de simplifications hâtives, de nième récit de ronin solitaire et vengeur, fauchant les têtes comme vous les marguerites. Chez Taniguchi, l'art ancien du sabre prend toute sa dimension technique et philosophique. Chaque botte est expliquée, enseignée, comme un morceau de sagesse orientale, mais toujours en gardant à l'esprit sa terrible efficacité ! Entraînés dans la tourmente de l'histoire de leur pays et leurs codes de l'honneur, les deux guerriers se défient, se mesurent, s'affrontent ! Le suspens monte progressivement vers un final inévitablement violent et sage, désespérément brutal et incroyablement calme... Un manga d'action, véritablement, un peu intello, sûrement, et magnifiquement mené, par un grand artiste de la bande dessinée.
Je n'aurais pas donné une appréciation aussi favorable juste après avoir lu le tome 1 de Lupus. Enthousiasmé par Pilules Bleues, j'avais trouvé le démarrage de Lupus un petit peu poussif, un rien surchargé en concessions à une forme de jeunisme revendicatif, sur un mode "drug and rock n'roll", bref, un peu trop potache à mon goût. On pouvait toutefois espérer que la fin du récit marquait justement une rupture avec cette vie "adolescente" et que la suite allait partir vers une autre direction. C'est sur ce pari que j'ai acheté le tome 2. Je n'ai pas été déçu ! Le tome 2 est magnifique. Mieux, il donne au premier tome une nouvelle dimension et pose la série au rang des incontournables. Ce tome 2, nous offre un ton contemplatif, en suspension permanente entre deux eaux. Peeters marque bel et bien une rupture dans son récit, mais s'offre un album entier de transition, au sens noble de l'expression. Ne vous attendez donc pas à une multiplication de péripéties, il ne se passe RIEN, ou presque rien... Cet album ne vaut pas par les événements qu'il décrit, mais par ses silences. Et là, la virtuosité narrative de Peeters éclate à nouveau, dans les regards, les non-dits, le sillages des poissons et l'envol des oiseaux. Vous plongez avec Lupus dans cette période de répis, comme un baigneur dans les eaux calmes d'un lac de montagne. Vous fermez les yeux avec lui, posez votre sac avec lui, tombez amoureux en même temps que lui. Monsieur Peeters, vous êtes un sorcier ! Si vous aimez la SF qui bouge, les space-opéras grandioses, j'ignore si Lupus vous plaira... Si vous avez aimé Pilules Bleues et L'homme qui marche, achetez Lupus #2... et puis aussi le tome 1, pas seulement pour comprendre, mais parce qu'il prend toute sa dimension à la lumière du second. J'attends le tome 3, cette fois, avec impatience !
Drôle d'impression en refermant cet album. Une seule phrase m'est venue en tête : "Quel dommage" ! Le concept de départ est séduisant : faire s'identifier le lecteur au "correspondant secret" du journal intime d'une jeune fille. L'auteur y parvient avec talent, douceur et charme. Passé la surprise des premières cases, l'astuce fonctionne parfaitement. D'autant plus que le personnage de Catherine est magnifiquement campé. Le dessin sert délicatement la psychologie de l'adolescente, fragile et déterminée, pas tout à fait femme mais plus une enfant. Clairement, le lecteur masculin (je ne parlerais pas au nom des lectrices, j'en serais bien incapable !) y retrouvera la petit amie qu'il aurait aimé avoir au lycée, un sentiment mêlé de séduction, d'admiration et d'envie de la rassurer. Malheureusement, cette jolie réussite est ternie par une synopsis sous-jacent d'une affligeante banalité : un cocktail prostitution + mafia russe + drogue, présenté sans nuance ni originalité, comme dans la plus banale des séries formatées qui pullulent dans les rayons des libraires. Du coup, le contraste apparemment recherché par l'auteur entre une narration intimiste et un scénario musclé est totalement déséquilibré et peine à fonctionner. Une impression mitigée donc pour ce premier volet... Mais si la suite est servie par un synopsis plus nuancé ou ambigü, nous toucherions là une série de très grande qualité ! Je fais confiance à Thierry Bouüaert !
Les enfants par Manu Temj
Si les bandes dessinées dont l'action se déroule en Afrique sont nombreuses, celles qui parlent de l'Afrique sub-saharienne avec justesse sont rares. Les Enfants, comme Deogratias il y a quelques années, est de celles là. Evidemment pour qui est allé traîner son sac sur ce continent, parler de "l'Afrique" comme d'un tout uniforme et sans nuances n'a pas plus de sens que d'écrire que Varsovie et Barcelone sont deux villes identiques et qu'avoir visité l'une c'est avoir visité l'autre. Non, l'Afrique est aussi diverse que l'est l'Europe ou l'Asie et Stassen a toujours insisté sur cet aspect : il a jusque là parlé du Rwanda, et seulement du Rwanda. Pourtant cette fois-ci il tente de présenter un pays d'Afrique Centrale ou de l'Ouest un peu indéterminé. Une forme de réalité africaine, générale, cruelle et pessimiste. C'est dire si l'exercice est difficile. Il est réussi aves maestria. Les rapports entre coopérants blancs, toujours plus ou moins guettés par le néo-colonialisme, et populations locales sont dépeints sans la moindre consession ; comme jamais la BD ne l'avait encore fait. Si vous êtes allé dans l'un ou l'autre pays d'Afrique noire, vous reconnaîtrez ces figures de bon samaritains blancs incapables d'appréhender la réalité de leurs amis africains, de jeunes africains fanfarons et afabulateurs, de chefs locaux respectés et naturellement corrompus... Si vous ne connaissez pas même un tout petit bout d'Afrique, croyez ce que vous écrit Stassen et laissez aux placards les fables hollywoodiennes. Bien-sûr cet album n'a pas le suspens, le couperet final morbide de Deogratias, mais si le récit est plus filant, plus terne, il l'est à dessein, certainement encore plus aboutit. Bien-sûr, on peut critiquer le point de vue de Stassen, le trouver trop pessimiste. Le débat reste à ouvrir. Mais si vous vous intéressez un tant soit peu à la vie du monde qui nous entoure, ne ratez pas Les Enfants !
Ben voilà... Un cycle bouclé ! Je me suis fait piégé par le premier tome. J'ai continué par curiosité et par habitude. Je n'acheterai sûrement pas le second cycle ! Au départ, Marlysa c'était une couverture accrocheuse, un trait dynamique, coloré, facile à lire, un scénario pas vraiment neuf mais bien mené, sans trop se prendre au sérieux. Un bon moment de détente quoi ! Et puis mine de rien, on avait bougrement envie de savoir ce qui se cachait sous ce foutu masque ! Après, même si le dénouement tardait à venir, on avait quand même envie de savoir qui était le méchant, qui tirait les ficelles et pourquoi. Maintenant on sait... J'ai trouvé le découpage de ce dernier tome confus. J'ai peiné à suivre l'intrigue, pourtant très simple. Les cadrages font la part belles aux plans moyens, très chargés en personnages secondaires, au mépris de la lisibilité. Comme le trait est devenu plus léger, moins appuyé, les contours moins noirs, les éléments principaux peinent d'autant plus à ressortir. On en vient presque à devoir suivre les contours des bulles pour déterminer quel personnage parle dans le fouilli. Je me permets rarement d'être sévère avec un auteur, mais là vraiment ça m'a sauté aux yeux ! Quant au dénouement de l'histoire ! Quelle déception ! Tout ça pour ça ! Je me garderai de spoïler, mais rien n'est à la hauteur des attentes sucitées par les premiers volumes. Quand on voit qu'un second cycle est annoncé avec des ficelles grosses comme des cordages de 3 mats, ça m'a dépité ! Il y a peu, j'aurais défendu le catalogue de Soleil avec force contre ses détracteurs. La BD a besoin de récits simples qui se lisent facilement, juste pour se vider la tête, comme un bon film d'action. Si toutes les série que j'ai entamées s'achèvent comme celle là, je ne tiendrai pas longtemps encore cette position !

 
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