Les 4 critiques de larry underwood sur Bd Paradisio...

Donjon Monster 9. C'est certainement l'album le plus osé de la série, ou du moins le plus angoissant. Le moindre de ses paradoxes sera de proposer une histoire d'une cruauté nauséabonde sous le trait rond et caressant de Killofer. On a rarement vu un tel débalage de sévices et de tripaille, mais ce n'est pas encore par là que ce Donjon marque les esprits. Il s'agit de nous décrire véritablement la perte de l'innocence d'un personnage que tout destinait à une vie exemplaire, et dont l'existence bascule sous le coup de l'absurde, de la farce. Le malaise que j'ai ressenti à la lecture provient de la démonstration implacable menée par Trondheim et Sfar : l'horreur et la torture viennent à bout de la résistance des âmes les plus nobles. La jeune héroïne se retrouve plongée dans un enfer peuplé de monstres délirants, un authentique bestiaire de cauchemar, comme une sorte de Max et les Maximonstres pour adulte version hard, et il ne semble jamais possible qu'elle puisse s'en sortir. Et c'est là que le piège se referme sur le lecteur, car il apparaît à terme qu'elle accepte sa nouvelle condition, se laisse emporter par le monde dégénéré qui lui a tout enlevé, et qu'il nous faut accepter que les circonstances brisent parfois un être dans ce qu'il a de plus intime, au point de le transformer en quelqu'un d'autre. L'univers aquatique de Donjon est visuellement éprouvant : les monstres et les tentacules débordent de chaque case, les couleurs ne laissent se perdre aucune goutte du sang qui noie littéralement les pages. Il y a du Lovecraft chez Killofer quand il créé des monstruosités sans visages, où l'on devine ça et là un oeil aveugle, une bouche édentée ou un sexe tentaculaire. L'atmosphère de viol et de meurtre qui traverse tout l'album m'a presque donné la nausée : il n'y a plus trace d'humour ni même d'aventure. Je l'ai vécu comme une charge terrible contre les guerres et la cruauté, menée à l'aide d'une démonstration par l'absurde, où les trois auteurs ne nous épargnent aucun détail sur le sadisme et le raffinement de l'être humain à faire souffrir son prochain. Je dirais donc merci, merci à Lewis, Joann et Killofer, pour m'avoir secoué, révolté, parfois dégouté, mais toujours impressionné. La bande dessinée, même un délire supposé non sensique comme Donjon, est capable de remuer les tripes. C'est sans doute ça que l'on nomme oeuvre d'art.
Il en est de certaines illustrations de couverture comme d'un croissant à la frangipane sur le présentoir d'une boulangerie : on craque, sans réfléchir, ça semble si bon. "Où le regard ne porte pas..." s'ouvre sur une toile de Magritte. Ce dessin extraordinaire, bleu comme l'enfer, aux deux enfants suspendus dans le vide, est le plus beau que j'ai vu depuis, peut-être, le premier tome de Blacksad. (attention, l'image fournie pas BDP n'est pas la bonne : le lettrage du titre a changé, et surtout s'inscrit en blanc sur le bleu, petit nuage accroché aux rêves des deux gamins...) Un album double, déjà, à peine plus cher qu'un format standard... Olivier Pont aux dessins : tiens, c'est lui qui a réalisé cette couverture ? Le mec qui dessine les guides de La Honte, avec ces filles anguleuses qui ont toutes la même tête ? Vous pouvez ricaner, un peu, jusqu'à ce que les décors vous agrippent le regard pour ne plus vous faire penser à autre chose pendant les 90 pages du récit. C'est l'explosion du cadre, les collines italiennes arides et écrasées de soleil qui cherchent à déborder des frontières du livre : Pont est un grand gosse avec une boîte de peinture, qui s'amuse à reproduire la démesure du paysage ouvert devant lui. Toute l'italie paysanne du début du siècle m'a envahi les narines, je me suis retrouvé en plein Carlo Lévi, comme si "Le Christ s'est arrêté à Eboli" avait soudain croisé les collines de Pagnol. La chaleur, le bleu azur de la méditerrannée qui se confond avec celui du ciel, le mode de vie des paysans rudes et incultes, attachés à la terre de leur clan... impression étrange de voir un album de Philippe Francq qui aurait lâché règles et compas pour mettre de la rondeur partout, jusque dans les escarpes rocheuses des petites criques où se baignent les quatre héros. Un univers foisonnant de personnages secondaires, depuis le père citadin effectuant son "retour à la terre" et persuadé de faire fortune dans la pêche grâce au progrès, dans lequel on ne peut s'empêcher de retrouver Jean de Florette avec qui il partage le même optimisme fanatique et le goût des calculs prévisionnels, jusqu'au chef de clan incapable de raisonner autrement qu'en termes de tradition et d'autarcie, que l'on pourrait croire sorti de Astérix en Corse. Au coeur de l'histoire de ces adultes qui s'affrontent, moins pour la possession de la terre que pour une question d'incompréhension séculaire, les auteurs m'ont régalé de la naissance d'un amour encore incertain entre deux gamins, William le citadin, venu de Londres avec son père, et Lisa, adorable Lisa aux cheveux noirs qui connaît tous recoins de la garrigue. On pense à Pagnol, une nouvelle fois, pour l'amitié qui se crée entre Marcel et Lili, le coureur des collines... Quelle pudeur dans les regards, dans les sentiments ! Quelle justesse de ton aussi : là où certains font tomber amoureux des personnages le temps d'une page puis passent à autre chose, les auteurs font durer les rapports de tendresse chez ces enfants qui n'ont encore que dix ans. Tout est dans les attitudes, dans le non-dit : c'est dans les silences que l'histoire prend réellement forme, à la manière d'un récit de Larcenet... cet album, c'est Larcenet qui aurait dessiné un scénario de Claude Sautet. Les expressions des enfants, leurs visages, leurs petits gestes presque invisibles aux yeux des autres... C'est scandaleux d'être aussi doué, d'émouvoir à ce point avec une histoire qui n'a pas d'intrigue proprement dite, en dehors du mystère qui semble réunir les quatre enfants. On retiendra de nombreuses scènes déjà cultes, n'en doutez pas : les enfants qui jouent à "GeooOOOoorges" avec des herbes de provence, la tronche fabuleuse de l'âne à qui ont insère un piment rouge dans la rotondité charnue en guise d'épreuve initiatique, ou encore une poignée de main entre deux hommes, si discrète que personne ne la remarque, et qui scelle une amitié au premier regard. Les dialogues sont en accord avec le reste : sans faute. Le récit, tout à tour raconté par William ou Lisa, se laisse porter par des réflexions enfantines parfaitement écrites, où décidément Pagnol aurait sa place. Ce n'est ni puéril ni infantile : c'est simplement "juste", tel que cela doit l'être, et souvent très drôle, aussi. Qui s'en plaindra ? Une critique honteusement longue pour un album qui se défend très bien de lui-même. Ces derniers temps Dargaud semble décidé à publier de grandes bandes dessinées de qualité, et après Le Combat Ordinaire, "Où le regard ne porte pas..." est la première à m'émouvoir à ce point. La fin, aussi triste qu'elle est excitante, m'a achevé. Je compte déjà les jours d'ici le deuxième et probablement dernier tome.
Je me permets, en tant que fan de Travis et de Carmen McCallum qui a suivi ces séries dès leur début, de pousser un "marf !" envers cet album. Les scénarios ineptes et puérils de ces courts récits ne font vraiment pas honneur au talent habituel de Monsieur Duval, qui se borne ici à caricaturer ses personnages sans aucune retenue, faisant de héros aux caractères solides des bouffons prisonniés d'intrigues ridicules. C'est non seulement sans intérêt pour la psychologie et le passé de Travis et Carmen (alors comme ça ils se connaissent ? C'est pas croyable ça comme révélation...), mais aussi pour l'univers futuriste tout à fait crédible que les séries principales avaient pris soin de développer. On aurait sans doute vite oublié cet album manqué si les dessinateurs n'avaient pas lourdement calqué leur travail sur la paresse de Duval : les traits sont épais, grossiers, sans aucune touche personnelle. Voir des auteurs débutants s'attaquer à un univers déjà bien établi aurait pu être une expérience amusante et novatrice, il n'en résulte qu'une bouillie graphique s'apparentant vaguement à une bande dessinée. Les personnages ne ressemblent plus à rien, et les efforts désespérés pour donner au recueil une "touche Vatine" en raccord avec la couverture sont trop visibles pour être pris au sérieux. Quant aux couleurs, alors là c'est l'extase, le Grand Cancer de la Rétine, la déchirure instantanée de vos iris, la cornée qui vous retombe dans les mains. Jamais vu un album émettre autant de rayons Gamma, j'espère qu'il vous reste des lunettes anti-éclipse. Ne l'ouvrez pas en plein jour, ça ferait un deuxième soleil. Mais qu'est-ce que le coloriste (ou les) avait absorbé pour s'acharner à ce point sur son Photoshop ? C'était un test de rodage ultime pour sa bécane ou quoi ? A côté, "Batman et Robin" à l'air d'un film en noir et blanc. Pour faire simple, c'est à la fois affreux et idiot. Faites-comme moi, ne l'achetez pas, et attendez le prochain Travis. (Noooon ! mes yeux ! mes yeux !)
Anja (Le Jour des Magiciens) par larry underwood
Un achat impulsif, l'envie de dépenser des sous, désir de découvrir un album sans en avoir lu une seule critique... et puis la couverture aussi, magnifique. Plus claire, presque transparente, comme un dessin sur papier calque aux couleurs douces et légèrement effacées. C'est un premier album, avec toutes les maladresses que cela implique, comme un découpage académique un peu rigide qui énerve dans les premières pages mais auquel on finit toujours par s'habituer, ou encore une mise en couleurs hélas différente de la couverture. Mais le charme de l'histoire, ce sentiment de magie indéfinissable qui traverse les pages, la candeur des personnages et la tristesse qui les enserre, tous ces détails si justes sur l'amour et la perte des êtres que l'on a adorés, font que l'on adhère, sans condition, à la poésie d'un récit généralement exploité par la littérature de fantasy et qu'il est bon de découvrir dans une bande dessinée de grande qualité. Si vous avez lu (et donc aimé) le formidable triptyque de Philip Pullman, "A la croisée des mondes", ainsi que, dans une autre mesure, le cycle de La Tour Sombre de Stephen King, cette ouverture du Jour des magiciens assure la continuité des récits subtils et mélancoliques, emprunts de mystères et de poésie. C'est évanescent, presque impalpable, et très étonnant car il n'y a là en somme rien de très original. Le dessin, annonciateur de futures mises en pages somptueuses, se cherche encore et offre tout de mêmes de jolies compositions, et le scénario quant à lui n'est ni réchauffé ni follement audacieux. Les auteurs ont trouvé un juste milieu, un équilibre délicat et maîtrisé entre le classique et la petite pointe personnelle, qui fait de ce premier album l'introduction idéale à une grande histoire.

 
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