L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï N° 42 (Juin 2001)
de Damien Perez

De la BD format cinémascope sur l’écran de votre Bo Doï de juin qui s’intéresse au phénomène du boom des adaptations de série à succès au cinéma dans un dossier très justement intitulé « Le pacte des sous ». Car BD + Cinéma = potion magique – Astérix fait des envieux – et Neige, Blueberry, Jack Palmer ou le Colonel Olrik semblent bien décidés à suivre les traces du petit gaulois. Christian Clavier devrait d’ailleurs assurer le suivi du phénomène en incarnant le professeur Mortimer. Je plaisante.

Coté prépublications, certaines intrigues n’en sont qu’à leur balbutiements lorsque d’autres s’achèvent. C’est le cas ce mois-ci de « Plume aux vents » (Cothias et Juillard) - impeccable mais standard - et de « Pacush Blues » (P’tiluc) - implacable mais bavard - qui déploient leurs dernières pages ensembles. Et c’est sans doute là le seul point commun de ces séries aussi réputées que dissemblables. A noter un bonus conséquent en encart central puisque les Humanoïdes Associés vous proposent les 15 premières planches d’« Angus Powderhill », à paraître le 20 juin, sous le haut patronage de Luc « Le pouvoir des innocents » Brunschwig et Vincent Bailly. Ca c’est de la pub. Il faut dire qu’au vu de leur baisse d’activité des derniers mois, les Humanos ont un public à reconquérir. Voir à ce sujet l’intervention du scénariste de « L’esprit de Warren » dans le forum (sujet « Les Humanos existent-ils toujours ? »)

Ariane de Troïl et les rats ont beau quitter le navire, la relève se presse déjà. Du grand spectacle en perspective avec la prépublication de Thorinth tome 1. Aux commandes de cette saga futuriste, Nicolas Fructus, dont les amateurs de jeux vidéos auront pu admirer le travail puisqu’il participa à l’élaboration de « Ring » et « Pilgrim » avec… Druillet et Moebius. Ceci expliquant cela. On sait d’où ça vient, certaines influences narratives et picturales sont visibles mais diablement bien digérées, car on ne sait pas où on va : Amodef a le pouvoir de lire les consciences, il fonde la caste des Pellegen pour pérenniser ce savoir, mais en ouvrant la voie de la compréhension du cerveau humain, il suscite la convoitise d’Esiath la maître-architecte chargée de la construction de Thorinth, la tour de la Caste. Du grabuge en perspective… et en couleurs

Et puisqu’on y est, restons dans la science-fiction pour le second épisode d ’«Edena » (Moebius) à la suite de Stel sur les traces de sa bien-aimée Atana. On n’y comprend souvent rien - ça part loin, très très loin tout ça - mais tout de même, quel dessin. Et puis on comprendra tout à la fin. Enfin c’est ce qui se passe normalement, hein ? Non ?

Et pour terminer si je vous parle d’une « publication crypto-pétainiste de supermarché » pour certains (L’association) ou plutôt « néo-trotskyste » pour d’autres (les éditions du Triomphe) voire essentiellement composée de « Fouille-merdes » (par les gros éditeurs) et même de « valets du libéralisme éditorial » (par les fanzineux). A quel journal pensez-vous ? à Bo Doï bien évidemment. Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est dans le courrier des lecteurs, sous la plume de Loulou (l’une des mascottes du mensuel) en réponse à un petit coup de gueule d’Henri Filippini au sujet de l’hommage rendu à Michel Crespin - lire le numéro 41 - hommage que le directeur littéraire de chez Glénat trouve d’autant plus incongru que Pierre Brochard – disparu également - n’a lui pas eu droit au honneurs du magazine. Que voulez-vous, on ne peut pas plaire à tout le monde. Et l’exhaustivité a ses limites. Peut-être tout simplement celle des impératifs de la pagination.

Bo Doï - 13, rue de l'Ancienne Comédie à 75006 Paris - France - Tel : + 33 1 44 41 00 58 - e-mail : lz.bd@wanadoo.fr / Belgique : BoDoï - Partner Press - 11, rue CH. Parenté à 1070 Bruxelles

____________ Pour ce que j'en pense ... ____________

Prochainement sur vos écrans

De " Largo Winch " à " Tramp ", du " Lièvre de Mars " à " Jérémiah ", de " XIII " à " Balade au bout du monde ", les projets d'adaptation cinématographique ou télévisuelles se multiplient. La plupart des grandes séries du neuvième art attisant les ardeurs financières d'un pool aux yeux d'or où les marchands d'image découvrent avec ravissement qu'un bon album est avant tout un excellent story board..

Bon, ce phénomène de métissage culturel n'est pas une découverte. Il est question de certaines adaptations - " Blueberry " pour ne citer qu'elle - depuis plus de dix ans, mais l'émergence d'un cinéma mondialiste aux ressources financières inépuisables semble en mesure de permettre enfin la transposition d'univers dessinés plus foisonnants qu'un péplum hollywoodien et qu'interdisaient jusque-là des contraintes techniques que résolvent pour la plupart des techniques commodes autant qu'onéreuses telles que les images de synthèse. James Huth, futur réalisateur de " La marque jaune " sur grand écran - auquel on doit " Serial Lover " avec Dupontel et Laroque - le confirme dans Bo Doï à Jean-Pierre Fueri : " Je vous promets une Marque jaune à tomber par terre ". Aucun risque donc d'assister à des cascades à la Jean Marais dans Fantomas.

De quoi s'épargner également la résurgence des chroniques de société qui encombrèrent les salles tout au long des années 80 - seules œuvres alors " adaptables " - telles " Je vais craquer " d'après Lauzier ou " Le roi des cons " d'après Wolinski, autant de films souvent navrants dont l'esthétisme eighties continue d'habiller à bas prix les deuxièmes parties de soirée de TMC, RTL9 ou M6 et qu'on revoit, parfois, par pure perversion, le sourire aux lèvres, comme on se prosterne d'un air coupable devant le monument superbe et pompier d'une kitscherie révolue.

Puisqu'il devrait à terme nous offrir du spectacle… spectaculaire (attendons de juger sur pièces avant de nous prononcer sur sa qualité) il n'y a rien à redire quant à cette évolution, si ce n'est qu'elle aboutit parfois à de curieux phénomènes d'inversion identitaire. Je m'explique : le premier Largo Winch ressort à petit prix et grand fracas, présenté comme … la BD du feuilleton. Mu par ma part latente de consumérisme aveugle je me suis saisi d'un album (pas le premier de la pile -que dis-je du bac - mais en fouillant un peu en profondeur, vers ces territoires inexplorés où la main de l'homme n'avait jamais collé ses sales doigts profanes) et puis je me suis dirigé vers la caisse avant de me rendre compte de l'inutilité de ma démarche et de m'enfuir en hurlant, abandonnant ce nouveau Largo qui ne l'était, nouveau, que parce qu'il s'adressait à un nouveau public.

Car c'est là que se situe le fond du débat : on n'adapte finalement que pour réécrire à l'adresse d'un nouveau public, simplement parce que la recette a marché sur cet échantillonnage que constitue le lectorat bédéphile. Le savoir et l'admettre c'est sans doute s'éviter pas mal de déceptions. Même si l'interview de Didier Convard - interviewé dans Bo Doï à la l'occasion de la transposition de Neige (dessins de Gine) - reflète l'honnêteté d'un homme admirablement lucide et soucieux de l'intégrité de son œuvre comme du besoin de séduire " des millions de spectateurs potentiels ", mais il s'agit sans doute là d'une exception notable. La réaction d'Hermann à l'annonce de la prochaine adaptation de " Jérémiah " ? : " Et bien tant mieux " dixit Ervin Rustemagic, interface entre l'auteur et Hollywood pour ce projet. Franquin quant à lui n'avait pas souhaité voir adapter Gaston autrement que par ses gags mais sans jamais nommer le personnage - tour de passe-passe plutôt commode - c'est dire si les réactions en la matière peuvent être contrastées. Le problème de nos jours est sensiblement différent. Car nombreux sont les jeunes auteurs qui n'ont plus le choix. De jeunes auteurs qu'on décharge fréquemment de leur droits audiovisuels à la signature du premier contrat. On ne sait jamais. Des fois que la série marche.

PS : Encore quelques lignes au sujet de Largo Winch. Je n'ai rien contre lui, mais à l'adresse de ceux qui ne supporteraient plus Paolo Seganti (Largo dans la série), louez-vous " L.A. Confidential ", un excellent polar adapté d'un roman du grand James Ellroy. Vous y verrez Paolo dans le rôle d'une homme de main de seconde main qui finit par se faire dérouiller par Russel Crowe (Gladiator). Et ça vous donnera également l'occasion de voir ce qu'une adaptation cinématographique réussie se doit d'être. Ca aide à garder les yeux ouverts pour la suite.

Pour ce que j'en pense, de Damien Perez


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