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Lanfeust Mag N° 35 (Juillet - Août 2001)
de Damien Perez

Un Lanfeust mag copieux avec un petit goût de vacances malgré sa sortie tardive. Au programme LA prépublication de l'année : celle du nouveau Lanfeust… des étoiles pour une transition sur quatre pages tout à fait réussie (lire à ce sujet le " Pour ce que j'en pense " ci-contre). Avec un Scotch Arleston décidément très en forme qui offre aux lecteurs du magazine à parution irrégulière des éditions Soleil un jeu de plateau stratégique inspiré des " Forêts d'Opale ", " Les guerres d'Opale " dessiné par Philippe Pellet, son collaborateur habituelle sur cette série d'héroïc fantasy. Lanfeust Mag nous avait déjà habitué à divers retards - cela fait partie de son charme - mais la barre est cette fois placée très haute grâce à la performance sublime des quatre planches de " Paradis perdu " (Ange, Varanda, Van Den Abeele) intégralement livrées en noir et blanc et qui donne à cette mouture datée juillet-août un délicieux petit parfum de tirage de tête… et une bonne dose d'humour lorsque l'on prend la peine de lire l'interview de Varanda qui signale - tout à fait sérieusement - " que les couleurs qui passent dans Lanfeust Mag ne sont pas celles qui passeront dans l'album ! ". Ou Varanda s'est laissé surprendre par les événements, ou alors je ne suis plus réceptif au second degré. Cette présentation dépouillée permet toutefois - et nul ne s'en plaindra - d'admirer quelques magnifiques décors architecturaux. Il est à noter, au sujet des retards du studio Gottferdom, que l'équipe se justifie par l'incroyable révélation du " TCM " - Le Terrifiant Complot Mondial- sombre machination fomentée par des extra-terrestres dans la plus pure tradition des X-files, que je vous laisse découvrir page 4, et qui donne lieu à certains dessins signés Bianco tout à fait savoureux comme celui de la page 3 ou l'on assiste à la mort d'un vieillard, ruiné par l 'émotion d'avoir enfin reçu le numéro 3 de son magazine qu'il attendait depuis son adolescence… On dirait du vécu.

Ce Lanfeust-mag estival se complète bien évidemment de vos rubriques et séries habituelles : " Atalante " (Crisse), " Slhoka " (Godderige, Floch, Lyse), " Le fléau des dieux " (Mangin, Gajic ", " Les royaumes de Borée " (Latil, Lenaerts, Grigoli), " Les maîtres cartographes " (Arleston, Glaudel, Penloup), UW1 (Bajram), " Trolls de Troy " (Arleston, Mourier, Guth) ainsi qu'une nouvelle série, " Robin Hood " (Brr, Loche), variation séduisante sur le personnage de Robin des Bois. Ouf, quelle énergie.

Lanfeust Mag - Le Grand Hôtel, place de la Liberté à 83000 Toulon - France - Tel : + 33 4 94 185 185

____________ Pour ce que j'en pense ... ____________

Le Scotch nouveau est arrivé

La fin du premier cycle de Lanfeust de Troy, ou le pauvre Lanfeust, sauveur de l'univers, se révélait être un éjaculateur précoce, ultime pied de nez à la virilité sans tache que l'on attendait venant d'un tel héros, avait déjà fait couler de l'encre -fut-elle virtuelle, lire à ce sujet diverses interventions du forum- mais l'annonce du futur " Lanfeust des étoiles " avait enfiévré les plus ultras des gardiens du temple, ceux-là même qui relevaient chez Christophe " Scotch " Arleston une hypothétique baisse d'inspiration scénaristique.

L'heure du jugement sur pièces est arrivé puisque le numéro de rentrée de Lanfeust Mag coïncide avec la prépublication de ce nouvel opus très attendu, " Une, deux, Troy ". Sans vouloir empiéter sur les attributions de mon collègue Thierry Bellefroid, force est de constater à la lecture de ces premières planches que la continuité semble logique et tout à fait crédible dans un univers où l'illogisme reste un élément revendiqué, et qui aurait pu justifier n'importe quel revirement facile. L'explication de l'origine du terme même de " Troy " dès le début de l'album est en ce sens assez savoureuse dans un contexte où Arleston peinait parfois à convaincre - tel Georges Lucas - que la suite de sa série fétiche était programmée de longue date bien avant le succès que l'on sait.

Arleston n'a pas cédé à la facilité. Lanfeust accompagné du troll Hébus traîne ses guêtres comme un Don Quichotte désœuvré, bardé d'un encombrant pouvoir absolu qui le marginalise dans un monde où la paix rend les héros inutiles puisqu'il n'y a plus d'adversaire à sa taille. Le sauvetage par Lanfeust de Glippy, espèce de chat troyen qu'une petite fille n'arrive pas à faire descendre de l'arbre où il s'est perché est réellement irrésistible - Lanfeust, pathétique, y gagne un supplément d'âme - et convainc de belle manière les esprits les plus sceptiques que non, décidément non, il n'a plus rien à faire sur Troy.

C'est là une très habile et très intelligente manière pour Arleston de (re)dire à son lectorat qu'il a fait le tour de son personnage dans sa dimension actuelle, qu'il est maintenant nécessaire de passer à autre chose. L'introduction d'une héroïne de l'espace moins tiède que Cyann et plus réfléchie que Cixi - avec des protubérances mammaires inverses aux siennes - achève pour ma part d'enfoncer le clou, de se détacher des poncifs de l'héroïc fantasy et des donzelles sculpturales pour repartir sereinement sur des bases connues tout en changeant radicalement d'univers. Cette introduction amorce un virage certes périlleux mais elle reste très respectueuse du lecteur - prudente diront les esprits chagrins - tout en laissant présager du meilleur.

Charge à d'autres critiques et lecteurs de juger maintenant de manière plus approfondie - et sur la durée - ce nouveau cycle. Arleston, même si on lui reproche fort injustement son stakhanovisme imaginatif - qui conduit parfois il est vrai à certaines constantes dans ses différentes productions - s'est rarement montré décevant. Et l'histoire se chargera sans doute de l'inscrire durablement sur les tablettes à bulles du neuvième art. Il sera toujours temps de regretter Maître Arleston si d'aventure, à l'instar de Blake et Mortimer, d'autres scénaristes reprennent un jour avec plus ou moins de bonheur cette fresque exemplaire de rythme et d'imagination qu'est Lanfeust de Troy. La comparaison avec l'original remettra peut-être alors les pendules à l'heure. On peut décalquer le talent. On ne le recréera pas dans ce qu'il a d'unique et d'un peu magique.

Pour ce que j'en pense, de Damien Perez


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