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La Lettre (de Dargaud) N° 62 (Novembre - Décembre 2001)
de Damien Perez

La Lettre rend fort justement dans son numéro 62 un hommage appuyé à Morris sous la plume de… Zep (Titeuf), que l'on n'attendait certes pas dans ce genre d'exercice mais dont le propos offre un éclairage tout à fait intéressant sur un auteur majeur peut-être trop souvent victime du rayonnement de son scénariste principal, René Goscinny. " Les albums [que Morris] a réalisés seul sont de bons albums. En fait, il allait toujours vers l'efficacité […] au niveau des couleurs, il a choisi des partis pris complètement fous et réalisé des choses impressionnantes, parfois presque incompréhensibles[…] Par ses choix étranges de couleurs, il essayait d'y introduire de la musique […] car il avait envie qu'on entende de la country ou de la slide guitar…[…] il connaissait énormément de choses graphiquement et narrativement, et la synthèse de tout cela, c'est Lucky Luke". Un bel hommage donc, plutôt original, pour un texte juste et respectueux, traitant à la fois des limites de l'œuvre de Morris et de ses valeurs, un point de vue honnête et intéressant comme il bon d'en lire

Même s'il a perdu l'un de ses fondateurs historiques, le western dessiné n'en est heureusement pas mort pour autant, puisque dans un tout autre registre, Michel Blanc-Dumont et Corteggiani reviennent en détail sur l'élaboration du " Dernier train pour Washington ", prochain album de la " jeunesse de Blueberry " qui, rappelons-le, doit prendre cadre - pour respecter la chronologie globale de la saga - durant les années de guerre de sécession. Bien loin des passes d'armes Giraud-Charlier fils quant à l'évolution du Lieutenant Mike, il est amusant de constater que Blanc-Dumont et Corteggiani s'amusent pour leur part à jouer le jeu, revendiquant une certaine continuité dans l'écriture feuilletonesque propre à Jean-Michel Charlier, et profitant de l'absence de personnages emblématiques - Mc Lure ou Chihuahua Pearl, rencontrés à partir de " Fort Navajo " - pour recréer autour de Blueberry un monde répondant à la fois aux envies scénaristiques de l'un et aux envies graphiques de l'autre.

Jeunesse toujours, Froideval et Ledroit sont heureux de vous annoncer la naissance de leur petit dernier : Ghorghor bey , un quintal, 2 mètres cinquante. Les pères et l'enfant se portent bien merci. Ghorghor Bey, pour les lecteurs que la Fantasy picaresque des " Chroniques de la Lune Noire " n'aurait pas séduits, est un demi-ogre jovial et barbare, le genre qui plutôt que de se prendre la tête arrache celle des autres. Un personnage récurrent des " Chroniques " dont le premier tome des " Arcanes de la Lune Noire ", cycle parralèle à la série-mère, présente la jeunesse. Les amateurs y retrouveront avec plaisir Olivier Ledroit qui avait abandonné le dessin du cycle principal au profit de Cyril Pontet.

Plus ancré dans notre siècle et sa réalité, Bernard Cosey nous revient avec une nouvelle aventure de Jonathan - " la saveur du Songrong " chroniqué sur la page de Thierry Bellefroid - et une interview menée par Jean-Louis Lechat où Cosey revient sur son propre parcours, souvent parallèle à celui de son personnage phare dont il dit être " l'ombre […] son côté sombre [et] moins lumineux ". Cet entretien constituera un agréable prologue à la série comme une intéressante relecture pour les aficionados. Intelligent et indispensable.

Sans doute tout aussi intelligent et indispensable, David Chauvel (" Arthur ", " Le poisson Clown ") s'échappe des pages de Pavillon Rouge pour répondre avec sa franchise habituelle aux questions de Boris Henry. Boris Henry : " Quel est d'après vous le fil conducteur à tous vos albums ou votre problématique ? " Réponse de Chauvel : " Si j'étais de mauvaise humeur, je vous répondrais que je trouve ce genre de question particulièrement haïssable. Mais comme je suis de bon poil […] je me contenterai de dire que je n'en sais rien et que je m'en fous complètement " etc etc. A tel point qu'on ne sait finalement plus si l'on préfère que Boris Henry pose des questions moins attendues qui nous priverait de ce genre de salves meurtrières…

Avec un retour sur l'œuvre déjà prolifique et incontournable de Christophe Chabouté (" Sorcières ", " Un îlot de bonheur "), un entretien avec Olivier Berlion, à l'occasion de la sortie du second tome d' " Histoires d'en Ville " (Glénat), une présentation par les auteurs de " Max et Zoé " (Davodeau et Joub, chez Delcourt), un texte en en hommage à Gérard Lauzier signé Frédéric Beigbeder, qui a force d'enchaîner préfaces - il a signé celle du récent " les années 70 " du même Lauzier - articles de presse (dans " Voici ") et télés (sur " Paris première ") en oublie de confirmer tout le bien qu'on pense de lui après la lecture de son célèbre roman " 99 F ", un " Coup de pouce " à Mark Siegel, auteur franco-américain récemment publié dans KOG - coup de pouce qui par un coup du sort ironique prend tout son sens maintenant que KOG a cessé sa parution – une présentation du "Cri du peuple" (Vautrin, Tardi), une autre du premier volume de "Tout Vance ", et puis des infos des infos des infos, bref tout ce qu’il faut savoir pour brillamment converser en bonne société bédéphile.


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