Si d’aventure – en bédéphile avisé – vous désiriez offrir à vos proches une des nombreuses intégrales prévues pour Noël, osez l’originalité, offrez slovène ! Stripburek c’est un pavé de l’Est, une copieuse anthologie de tout ce que « l’autre Europe » peut offrir en matière d’illustrations et de bandes dessinées. Stripburek, comme son nom l’indique, est une émanation directe de Stripburger, fanzine slovène branché récompensé lors du dernier festival d’Angoulême, mais il s’en démarque à mon sens par son ambition, son exhaustivité et la démarche dont il est le fruit : dès l’éditorial tout en anglais signé Darko Macan, le ton est donné. « Stripburek […] est le véritable visage du continent gris. Tu crois y être préparé pour avoir finalement croisé un ou deux dessinateurs de l’Est au hasard de ta longue expérience de lecteur. Grzegorz Rosinski, Zoran Janjetov […] des gens sympas, peignés et bien lavés. […] les types de StripBurek ne leur ressemblent pas. Ils n’ont pas pu s’extirper à temps des griffes de l’Est – comme Bilal […] ou Gil Kane – et ils durent grandir au carrefour du Christianisme et du Communisme. […] ils ne viennent pas poliment frapper à votre porte ; ils ont franchis la clôture pour dévorer vos gardénias, touchant vos précieux albums avec leurs mains crotteuses et regardant votre chat castré avec une drôle de faim.[…] Pourrez-vous les aimer […] avec leur manque de repères sociaux et d’hygiène ? […] Etes-vous prêts à les accepter ? Serez-vous le Christophe Colomb qu’attend le continent gris ? ».

Provocation gratuite? Même pas. Car cet éditorial, même s’il est volontiers est une véritable perche tendue aux amateurs de BD de tous horizons – aimez-nous ! – constitue un document tout simplement historique et passionnant puisqu’il retrace l’histoire de la bande dessinée dans les pays de l’Est, rien de moins. Je mentirais toutefois en prétendant avoir dévoré Stripburek. Il m’a même fallu un certain temps pour oser l’ouvrir, pour l’aborder sérieusement. Stripburek est un énorme fourre-tout, d’apparence bigarrée malgré le noir et blanc communs à des planches parfois inégales ou conceptuelles, mais qui peuvent réserver quelques bonne surprises. Ces images torturées, naïves, hachurées au bic sur un bout de nappe vont à l’inverse des productions disons plus sereines qu’il nous est habituellement donné de lire. Mais quelle énergie, quelle noirceur, quelle sincérité. La bande dessinée, nul ne le niera, même quand elle aborde des sujets délicats reste un vecteur de divertissement. Stripburek bien au contraire fait de la bande dessinée une arme politique, un cri, quelque chose d’indéniablement vivant par delà son apparente noirceur. L’instantané d’un présent sans futur qui peine sous le poids du passé. Mais un voyage qui vaux la peine d’être tenté, rien que pour l’ambiance.