On se chamaillait voilà quelques années pour savoir si elle était ou non centenaire, alors que la bande dessinée, assurément est un art trentenaire. C’est du moins, grosso modo, la moyenne d’âge des artistes de la « nouvelle vague » auxquels Bo Doï consacre sa une et un dossier dont la limite constitue curieusement l’intérêt le plus notable : qu’il s’agisse de Joann Sfar, David B, Christophe Blain Nicolas de Crécy ou encore Pascal Rabaté, tous se démarquent de la BD des années 70-80 – années de la « dégénérescence de la discipline » - où des « armée[s] de suiveurs sans âmes » s’inspiraient de références communes, principalement Moebius, pour accoucher d’un « dessin mort : du dessin qui s’inspire du dessin qui s’inspire du dessin ». A l’arrivée, donc, beaucoup de constantes – de redites même- d’une interview à l’autre : on sent à la fois le besoin de casser la logique maladive du détail à tout prix, aux profit de planches plus épurées, instinctives – personnelles - mais aussi celui de métisser la bande dessinée d’influences novatrices, qu’elles soient cinématographiques, littéraires ou même religieuses. Si la vision de tous ces artistes est diablement structurée et tout à fait valable, leur juxtaposition tourne finalement au bourrage de crâne, et Bo Doï, qui cherche manifestement à se donner une image « jeun’s » avec cette trouvaille ( ?) de la « nouvelle vague » achève d’installer un brin d’ennui guère coutumier à la lecture du mensuel. Un dossier à picorer plus qu’à disséquer si l’on souhaite en profiter. Avec un tel casting d’Auteurs c’est vraiment dommage.

A noter également dans ce numéro de Février, une excellente interview d’Alan Moore – « L’âme Moore toujours ! » (eh oui chez Bo Doï on cède parfois facilement à l’hu-Moore) – où le scénariste inspiré de Watchmen et From Hell déchire un peu la nappe de brouillard gothique et mystérieuse dans laquelle il aime à se draper pour nous livrer quelques-unes des clés de son œuvre. Interview toujours, « sans filet » mais moins gothique, celle de Martin Veyron, président du festival d’Angoulême 2002, manifestation incontournable dont on vous offre d’ailleurs le programme complet en encart. Avec les rubriques habituelles toujours hautement recommandables : critiques d’albums courtes et saignantes, actu Manga et Comics – avec Batman à l’honneur pour les deux – le Pinailleur et les bulles croisées de Roger Brunel.

Côté prépublications, on découvre le premier épisode de « Blackjack » tome 3 par Steve Cuzor, la suite du « Grunge en génétique » (Zalozabal et Bayeto), et la fin de « James Healer » (De Vita et Swolfs). Bien distrayant tout ça, mais ça manque quand même de représentants de la dite Nouvelle vague… surtout quand certaines séries tombent manifestement pile poil dans les travers dénoncés par ces auteurs exigeants.