L'actualit� de la presse BD comment�e



La Lettre (de Dargaud) N° 65 (Juin 2002)
de Damien Perez

Par delà les nombreux entretiens qui tendent à devenir la vitrine de la Lettre - pas moins de 14 pages consacrées à Derib, Christian Durieux, Tabary ou Widenlocher - la publication de référence du neuvième art se penche à son tour sur certains problèmes inhérents au statut d'auteur, régulièrement abordés d'ailleurs par Bo Doï et Pavillon Rouge, qui n'hésitent plus à vulgariser les aspects purement fiscaux ou sociaux des métiers de scénariste et dessinateur.

L'article dont il est question, signé Patrick Gaumer (à qui l'on doit pas mal d'ouvrages de référence sur la BD dont le plus récent " la fureur de rire " était consacré à Tibet) découragera pas mal de vocations, c'est le cas de le dire. Rêveurs qui s’imaginaient vivre de leurs aspirations créatrices s'abstenir ! Car l'analyse comptable de Gaumer est redoutable. A ce point perverse et inventive que l'on souhaiterait sa prose issue d'une imagination débordante plutôt que du juste reflet d'une situation invraisemblable où des professions artistiques pas forcément fiables sont finalement les plus taxées. Comme toujours quelques arbres cachent la forêt et les quelques gros vendeurs de la profession ne doivent pas faire oublier que derrière eux c'est toute une piétaille acharnée qui travaille aussi, plus importante encore depuis que la BD connaît les prémisses d'un phénomène de surproduction jugé inquiétant par pas mal d'auteurs, dont Widenlocher plus précisément dans ce numéro de la Lettre.

Conclusion prévisible de cette juste démonstration de Gaumer : un appel à la solidarité artistique, à la revendication, pour que toutes ces personnes qui peinent à trouver un juste statut social puissent faire valoir leur droit à la création. Cet appel, pour louable qu'il soit, semble bien vain au lu de " L'humeur " habituelle de ce diable de Larcenet en page 2. L'auteur du récent " Temps de chien " s'y représente, comme souvent, indigné cette fois par une décision de justice condamnant Bourgeon à 1000 euros d'astreinte par jour de retard dans la livraison de ses planches à son éditeur (Casterman, avec lequel les relations tournent à l'orage depuis le rachat du groupe cf Bo Doï 50).

S'ensuit un dialogue savoureux entre Larcenet et Dieu, que je ne peux m'empêcher de reproduire ici :

Larcenet : " Aaarrh ! Mais pourquoi notre métier est-il si mal compris ? ! Pourquoi sommes-nous si méprisés ? ! "

Dieu : " Eh ben vous n'avez qu'à faire un syndicat ! "

Larcenet : " Impossible… Nous nous méprisons entre nous. "

Entre ces deux visions de la profession, que de chemin à parcourir encore !

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