L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï N° 54 (Juillet 2002)
de Damien Perez

Un Bo Doï parfaitement Innommable en ce mois de juillet, puisque le mensuel a le bon goût de recevoir Yann, scénariste prolifique, auquel on doit non seulement, excusez du peu, Pin Up, Le premier Sambre mais aussi Spoon and White et… les Innommables. Cette grande saga délirante narrant les tribulations d’une intrépide brochette d’aventuriers exotiques, souffre, on le sait, d’un discrédit d’image que lui confère une ligne scénaristique en montagnes russes. C’est bien simple, cette belle dizaine d’albums a été plus couturée, dégraissée, retapée qu’une bimbo californienne. Intégrales retouchées. Albums comportant plusieurs fins différentes. Rééditions redessinées par salves. Livres objet aux couvertures phosphorescentes ou nauséabondes. Planches à peine numérotées. Couvertures différentes à chaque réédition. Un véritable cauchemar pour l’amateur comme pour le collectionneur.

Yann lui-même en est clairement conscient. Les Innommables, on aime ou on aime pas. Et puisque les éditions Dargaud profitent de la sortie du tome 10 (« A l’est de Roswell » dessin de Conrad) pour proposer les neuf premiers tomes dans une maquette unifiée servie par une intrigue réputée cette fois cohérente, l’entretien accordé à Jean-Pierre Fueri pour ce numéro 54 se devait de faire le point sur « les sujets qui fâchent ». Se devait.

Car très honnêtement un constat s’impose à la lecture de cette interview : Yann est un provocateur. Mais ça on le savait. Ce qu’on ignorait par contre c’est qu’il s’est manifestement englué dans son personnage, contraint du coup de faire dans la surenchère, au risque de prendre son lecteur pour une vague entité consommatrice qui de toute façon ne comprend rien à son œuvre. Manifestement ravi de « foutre un bordel pas possible dans la série » depuis dix ans, le scénariste d’Odilon Verjus précise en outre que « les lecteurs des Innommables se divisent en deux camps : ceux qui n’y comprennent rien et ceux qui croient avoir compris. ». A ceux qui critiquent des aménagements fréquents dans l’intrigue, des changements de maquette ou de couverture (3 pour le Crâne du Père Zé) Yann rétorque un commode « Personne ne vous a obligé à les acheter » complété quelques réponses plus loin d’un étonnant « je vous jure que je ne fais pas ça pour l’argent ». Triste.

Même s’il n’est pas question ici de critiquer le talent de Yann, ni les refontes de son œuvre qui doivent sans doute autant aux auteurs qu’aux éditeurs successifs de la série, rien de ce qu’on pourra lire dans cette foire à l’ironie ne contribuera à donner l’envie de lire les Innommables, au sujet duquel on ne saurait faire le moindre bémol au risque de passer pour un intellectuel triste, intolérant voire réactionnaire. Ce serait oublier qu’il ne suffit pas toujours de faire dans le déshabillé et le juron paillard pour accoucher d’une vraie et belle série populaire. Il y a du grossier tordant. Et puis il y a le grossier vulgaire. Dont la simple justification semble être de faire plaisir à qui le profère. Et par sa démonstration par trop sur la défensive parfois, Yann tend à prouver que c’est bien dans cette veine qu’il a souhaité inscrire sa série. Dommage.

Avec en outre une interview très instructive - et bien plus posée - de Desberg, où l’on en apprend autant sur le scénariste d’IRS que sur ses confrères dont il se plait à analyser l’œuvre avec parfois beaucoup de justesse, un entretien avec l’inépuisable André-Paul Duchâteau (Ric Hochet), et coté prépublications le début du nouveau Hermann(s), « Manhattan beach 1957 » dont les lecteurs attendront sans doute beaucoup après le demi-succès de « Liens de sang » précédente collaboration entre Hermann père et son fils Yves H, le suite de « Insiders » Tome 1 ( Garreta et Bartoll) et la fin de « El nino » (Boro et Perrissin). Sans compter – bien évidemment – les monceaux habituels de critiques, bruits et rumeurs qui font de Bo Doï l’indispensable de la presse BD.

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