Une nouvelle recrue très étonnante dans ce Bo Doi n° 55 en la personne de Yann Moix, figure emblématique et branchée de la littérature mode in Paris. Auteur de plusieurs romans diversement remarqués, comme " Anissa Corto " ou le récent " Podium ", l'écrivain manifestement s'éparpille comme il semble de bon ton de le faire depuis que Frédéric Beigbeder a ouvert la voie. Multipliant donc les collaborations, Yann Moix rédigera dorénavant un billet d'humeur dans Bo Doï, et ce en plus de ceux qu'il peut proposer sur Europe 1, dans VSD, tous pétris d'un humour assez particulier, dont il avait autrefois fait montre dans Ciel Mon Mardi, en compagnie de Christophe Dechavanne.

Promu nouveau critique VIP du sémillant mensuel bédéphile, Moix se penche - logique - sur " Rester normal ", œuvre conjointe de Philippe Bertrand et… Frédéric Beigbeder. Et puisque du coup on se retrouve entre écrivains, éclairons donc la bande dessinée sous un jour houellebecquien, l'auteur des " Particules élémentaires " constituant pour Yann Moix une sorte de référence tacite et indispensable. Avouons-le on ne sait que penser de l'exercice, tout à fait valable d'un point de vue stylistique, mais assez obscur dans sa démarche comme dans sa finalité. S'agit-il de repenser le neuvième art sous un aspect littéraire ? S'agit-il de laisser en marge son côté divertissant pour l'inscrire dans une veine migraineuse et pensante ? S'agit-il d'en parler en utilisant force formules choc ? On l'ignore. Ce que l'on sait par contre, c'est que ce premier billet constitue une réflexion sur " Rester normal ". Mais pas une véritable critique.

S'il apparaît judicieux de comparer " Rester normal " à l'œuvre de Houellebecq, pourquoi pas, on espère toutefois qu'il ne s'agira pas d'un réflexe dans les numéros à venir. Bien sûr la petite chapelle de la bande dessinée doit s'ouvrir au reste du monde culturel - certains l'ont d'ailleurs assez réclamé- mais doit-on pour autant tomber dans ce type d'approche pas forcément représentative de l'univers littéraire que l'on souhaite manifestement intégrer ? A tomber d'un trou dans un autre on s'élève rarement. C'est le jour ou Yann Moix assurera la critique de Trolls de Troy, série populaire par essence, ou de la réédition de Benoit Brisefer que l'on verra quel genre de bédéphile il est. Et que l'on saura si cette collaboration, assez inédite dans un mensuel de bande dessinée, valait vraiment la peine d'être tentée.

Arleston, dont on parlait plus haut, justement, occupe une large part de ce numéro daté Août-Septembre, ce qu'on ne pourra qu'apprécier, tant on en était resté aux souvenirs d'une polémique sur laquelle il est inutile de revenir, et dont on a oublié ce qui avait bien pu la susciter. Au programme de cette très longue interview, beaucoup de bonne humeur, de générosité, du savoir-faire et du savoir-vivre, tout ce qui donne à mon sens une image simple et saine de la démarche artistique. Avec comme toujours un tour complet de l'actualité, une interview de Guy Vidal, dont on peut suivre les billets dans la Lettre Dargaud, même si ça n'est pas - loin de là ! - son activité principale, une rencontre avec Christian Rossi (Tirésias, Jim Cutlass) à l'occasion du bouclage du premier tome de " La compagnie des glaces ", œuvre phare de Georges J. Arnaud, et puis bien sûr beaucoup de bande dessinée, avec la prépublication du nouvel Hermann, " Manhattan Beach 1957 ", d' "Insiders " (Garreta et Bartoll ) et de " la maison Dieu " (Berr et Rodolphe).