Une Lettre qui respecte sa formule… à la lettre. Avec comme toujours énormément d'interviews doublées d'informations fourmillantes et indispensables. Thématique principale de ce numéro, à en juger la couverture, les publications en magazine de séries-phare du neuvième art, phénomène tendant à se généraliser depuis quelques années. Cet été c'est au tour d'Isaac le Pirate (Blain) et de Larry B Max (IRS par Desberg et Vrancken) de s'embarquer, respectivement sur Télérama et Les échos. Si la seconde initiative apparaît comme plutôt amusante et vraiment ciblée - un inspecteur de la brigade financière américaine dans un journal économique pur jus reste un clin d'œil adapté et savoureux - on s'interroge un brin sur la prise de risque mesurée de Télérama qui croit sans doute jouer la carte du défrichage en accueillant le troisième tome d'une série multirécompensée. Le traitement de la bande dessinée - inexistant le reste de l'année - laisse à tout de même à penser qu'une prépublication de ce genre reste un moyen commode de faire dans la caution sympa et estivale. Mais puisque tout le monde s'y retrouve, auteur, éditeur, magazine et bien sûr lecteurs, faisons fi du mauvais esprit*.

De l'esprit, et du bon, François Boucq, grand invité de ce numéro en a, même s'il en fait curieusement plus preuve dans le série " Jérôme Moucherot " que dans ses interviews. Précisons toutefois, actualité éditoriale oblige, que Boucq ne peut guère se laisser tomber dans la galéjade lorsqu'il s'agit de parler de " Bouncer " tome 2, western sombre et puissant, sur un scénario de Jodorowski, auquel il confère toute sa vivacité narrative. Rien de très intéressant dans cet entretien dispensable toutefois, puisque Boucq est interrogé sur des thématiques déjà creusées lors de la sortie du premier tome. Mais qu'importe puisque l'exercice permettra au moins de séduire de nouveaux lecteurs. Les autres déjà convaincus, savent que la perfection ne se commente pas. Elle se goûte. Car comme a pu le mentionner un chroniqueur de Pavillon Rouge : " Désormais dans la BD western il y aura un après Bouncer ". Et ce n'est rien de le dire.

Plus rare en interview, Michel Rouge, successeur d'Hermann sur la série " Comanche ", revient sur sa rencontre avec Greg, un monument incontournable du scénario BD. Complété par un texte plutôt touchant signé François Le Bescond, cette double page est une ode au scénariste d'Achille talon, tout simplement, mais aussi une occasion de s'intéresser à " Comanche " dont le dernier tome, " Red Dust Express ", a été réalisé sur la base de 19 pages laissées par Greg et retravaillées par le scénariste Rodolphe. Même si les derniers tomes furent assurément moins emballants que les premiers - le héros, Red Dust, ayant subi un curieux lifting graphique, à l'instar du Blueberry de Blanc-Dumont - on reste assurément dans le western de qualité, classique certes - " avant Bouncer " quoi - mais tout à fait réussi. Avec une mention particulière, sans forcément dévaloriser le travail de Michel Rouge, aux albums réalisés par Hermann.

Avec bien d'autres interviewés, Paul Gillon (pour " La veuve blanche "), Alain Ayrolles (auquel Pavillon Rouge consacre d'ailleurs un numéro spécial) pour la sortie du récent " Garulfo " et du prochain " De cape et de crocs), Bollée et Aymond pour la sortie du troisième " Apocalypsemania " ainsi qu'un texte signé François Le Bescond relatant les aléas pas toujours drôles de l'adaptation cinématographique de Jean-Claude tergal (" le nouveau Jean-Claude " par Tronchet).

*Maiiiis, détail amusant, je constate tout de même en ouvrant Pavillon Rouge (N°14) que David Chauvel, dans sa chronique habituelle , ne se prive pas d'en rajouter une couche… Télérama et la bande dessinée tient décidément de l'histoire d'amour impossible et contrariée.