Un Pavillon rouge qui claque comme une oriflamme puisque ce numéro 14 reçoit en grande pompe Garulfo et sa dégaine batracienne. Baroud d'honneur pour la fière grenouille médiévale puisque la série s'est officiellement achevée après la parution du récent tome 6 (« La belle et les bêtes »), même si le volubile Alain Ayroles l'avoue : " il faut que je m'occupe d'un scénario pour Bruno (Maiorana) car, que l'on continue ou non Garulfo, nous poursuivrons vraisemblablement notre collaboration ". La porte reste donc ouverte, et c’est tant mieux, car l'on imagine guère le scénariste de l’irremplaçable "De cape et de crocs " dont le tome 5 est en prépublication dans ce numéro, céder à la facilité sonnante d'une intrigue à rallonge. On évitera de le répéter, car cela devient un poncif du genre, mais Alain Ayroles est un artiste unique, dont tout l'art est de mêler grande aventure surannée, modernisme du ton, humour langagier et culture soignée. Tiens je l'ai dit quand même. Ce n'est pas bien grave. Avec en guise de cerise sur le gâteau, un jeu de plateau inspiré de l'univers de Garulfo, " La loi de la mare ", et puis bien sûr énormément d'informations, une véritable approche de l'interview où le journaliste sait se mettre en retrait pour laisser de la place, ce dont Ayroles use et abuse pour le plus grand plaisir du lecteur. A noter que le scénariste travaille actuellement sur une nouvelle série d'Héroïc fantasy, qualifiée de " road movie existentialiste " (cf La Lettre 64) dont il assurerait également le dessin. Ayroles dessinateur ? Oui oui. Et pas des moindres. Car quiconque l'aura vu œuvrer en dédicace sait à quelle point sa justesse n'a d'égale que sa rapidité d'exécution. Pour Garulfo par exemple, Ayroles demandait au " dédicacé " - comme dirait David Chauvel - de lui donner un titre de film… avant d'intégrer Garulfo dans un dessin cinématographique très pointu, reprenant souvent le cadrage exact du film ainsi qu'une foule de détails. Autant dire que malgré les hésitations de l'auteur - " j'ai un dessin jeté et à force de travailler avec des dessinateurs aussi perfectionnistes que talentueux, j'ai du mal à l'assumer ! " - la sortie du dit album risque d'être un petit événement. A suivre.

Avec comme d'habitude un plein sachet de friandises graphiques : la suite du nouvel Arthur, (« Drystan et Esyllt » par Chauvel et Lereculey), une très belle historiette signée Jean-Luc Loyer, « De la Terre à la Lune », un extrait du nouveau Morvan, " Trop de bonheur "(dessin de Lejeune), une interview de Caza, une visite du célèbre atelier Sanzot d’Angoulême, où passent et passèrent de concert quelques auteurs aussi réputés que Mazan, Turf, Ayroles ou Isabelle Dethan, et puis des critiques d’albums, quelques bonnes ficelles techniques à l'usage des apprentis scénaristes ou dessinateurs, la grogne habituelle de David Chauvel, qui cédera d'ailleurs la place à un autre David, Morvan celui-là, dès le prochain numéro, et tout ce qui contribue à faire de Pavillon rouge une publication soignée, même si l'on regrette de trouver un peu moins de récits périphériques aux grandes séries Delcourt que d’habitude.