Amis dépressifs, fuyez comme la peste le nouveau pavé noir façonné par l’équipe du magazine slovène Stripburger, fort légèrement intitulé Madburger, et dont l’ambition à peine voilée est au mieux de présenter la folie comme une constante inévitable de notre siècle malade, au pire d’en faire une échappatoire esthétique voire branchée. Mais que l’on ne s’y trompe pas : peu de second degré dans cette copieuse anthologie du renoncement de la raison. Tout n’y est que noirceur, rage crachée à l’encre de chine ou griffonnée au Bic, ambiances de meublés crasseux, d’hôpitaux terminus et d’incommunicabilité poisse. Bien sûr on retrouvera un peu partout cette énergie créatrice et désabusée propre aux artistes underground des pays de l’Est, pour lesquels la bande dessinée constituait souvent un défi aux autorités politiques plus qu’un délassement culturel badin. Et justement parce que l’on trouvera dans cette hargne un supplément d’âme très inattendu, on se trouvera parfois immanquablement touché par quelques pépites d’émotion disséminées ça et là, preuve qu’au delà de la volonté d’une création artistique, les auteurs de Stripburger ont besoin d’extérioriser leur inadéquation avec ce monde qu’ils méprisent et de poser quelques questions, que l’on acceptera d’entendre ou non.