On pourrait croire à quelque belle résolution de bonne année devant l’ardeur affichée de nos quotidiens, hebdomadaires et autres mensuels à afficher leur goût du neuvième art… si ce n’est que passé le festival d’Angoulême, nos chers albums retomberont dans l’oubli méprisant, ce que se prend à regretter Didier Convard dans l’édito de cette livraison numéro 34 de Vécu, publication intelligente qui n’oublie pas que le bande dessinée, « que l’on effeuille, gourmand, hors saison […] vit très bien en février et tous les autres mois de l’année ».

Janvier, toutefois, n’est assurément pas la morte saison, à en juger la belle actualité présentée ici, avec pour principale attraction un volumineux dossier consacré au Décalogue, dont les deux derniers tomes viennent de sortir. Tout aussi anachronique que l’édito de Convard, forcément rédigé avant le festival d’Angoulême, l’interview de Franz, dessinateur du dernier Décalogue et auquel Vécu redonne la voix peu de temps après son décès par le paradoxe temporel des délais de parution. Où l’on se trouve une occasion supplémentaire de regretter le départ prématuré d’un grand dessinateur, qui avait manifestement pris beaucoup de plaisir à collaborer avec le scénariste et maître d’œuvre du projet, Frank Giroud.

Frank Giroud auquel Vécu offre l’occasion de donner le fin mot - et le mot « fin » - à ce fascinant parcours éditorial qu’est le Décalogue, malgré un dixième tome diversement apprécié par les critiques. Et quelle que soit l’opinion du lecteur quand à la qualité de la série, on ne pourra qu’être séduit par la niaque imaginative du scénariste, qui à l’époque des balbutiements de son projet, commençait « précisément à [se] lasser de la bande dessinée » avec l’impression que « publier l’énième épisode de Louis la guigne ou d’une autre série, noyé parmi des centaines d’autres nouveautés, n’apportait plus grand chose » ni à l’auteur ni à la bande dessinée. Ras le bol salutaire qui lui a inspiré cette série rare et très bien menée, qui se voit d’ailleurs célébrée dans le cadre d’une fastueuse exposition présentée à Angoulême… et dédiée à la mémoire de Franz.

Et pour finir un petit bémol, avec l’abandon de la formule à peine rodée du dossier historique passé à la loupe bédéphile. Si l’on avait apprécié cet éclairage novateur dans les numéros précédents on se sentira orphelin ici, avec un article maigrelet, en complément du dossier Décalogue, sur les auteurs de BD en visite en Terre Sainte. Mais gageons que seule l’actualité éditoriale chargée (janvier oblige, désolé Monsieur Convard ;-) est responsable de ce retour vers l’ancienne formule de Vécu, essentiellement composée de Previews des sorties Glénat, au rang desquels quelques titres alléchants, dont « Le marteau des sorcière » (Siro et Thibert) ou encore « Le pont dans la vase » par Chomet et Chevillard.