L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï N° 61 (Mars 2003)
de Damien Perez

Allez, séquence nostalgie pour démarrer, main droite sur la souris, main gauche sur le mouchoir : à l’époque j’étais petit avec un grand frère égoïste qui lisait sa drôle de revue dans son coin, humour s’écrivait sans « h » et constituait la marque de fabrique d’une publication fine et glacée, répondant au doux nom de « Fluide Glacial ». Allez savoir pourquoi, défiant toutes les lois admises de la gravité, la publication légère tombait comme un pavé dans la mare, éclaboussant les bien-pensants de dérision, de débilité autarcique et de bonne humeur communicative, sans oublier une dose nécessaire de pédagogie : Gotlib, gourou divin du magazine, remettait par ailleurs les pendules à l’heure grâce au père Newton, qui vous expliquait les lois de la dite gravité, et prouvait par le contre exemple que Fluide Glacial c’était pas mal de boulot et aussi un peu de magie.

Et puis les choses changent : maintenant mon grand frère ne m’interdit plus de lire son Fluide – j’ai de quoi me l’offrir, il faut dire que depuis mon frère ne le lit plus ( du coup je lui ai offert l’intégrale de la Rubrique à Brac, ça l’aide à passer la quarantaine). Toute cette nostalgie inintéressante et bêtasse pour quoi ? Pour vous dire que Fluide est un indéboulonnable du paysage presse, mais que le lectorat évolue, et que la statue rouille, en dépit de la relève grognarde qui dessine au Framéto dans les marges.

Cette spécialité, personne n’est sans l’ignorer, constitue la marque de fabrique des Sieurs Gaudelette et Larcenet, auteurs brillants, sensibles sous couvert d’humour, mais dont les salves périphériques cognent dur, à en juger l’édito rageur de Jean-Marc Vidal dans le dernier Bo Doï. L’objet de la querelle ? Un dessin perfide, où les fluidards, inquiets de leurs compétences d’humoristes, se rassurent quant à la qualité de leur travail en lisant Bo Doï… Il n’en fallait pas plus pour que Vidal tombe à bras raccourcis sur Gaudelette et Ronan Lancenot, rédacteur en chef de Fluide, Manu Larcenet se trouvant épargné par la prose vitriolée. Chacun appréciera au mieux de ses partis-pris…

En ce qui me concerne, et puisque je n’ai pas la prétention de représenter quelque mouvance que ce soit, je donnerai simplement mon avis, me contentant de rappeler à ceux que l’édito de Vidal choque (lire le forum, sujet « Bo Doï ») que les hostilités remontent à un certain numéro de Libération, où à l’occasion des 25 ans de Fluide, certains péroraient grassement, et se posaient comme dernier mastodonte de la presse BD, ce qui fit rire les sales gosses du jeune Bo Doï, d’où critique dans le mag débutant, contre-critique dans Fluide, contre-contre-critique dans Bo Doï etc etc l’éternelle guerre de tranchées entre académiciens inquiets et gavroches ambitieux quoi.

Mon avis dans tout ça ? J’y viens. Les dessins de Gaudelette et Larcenet dans le numéro daté février de Fluide tombent un chouia dans l’attaque personnelle, voire dans une sorte de conflit de chapelle où chaque sensibilité d’un mouvement religieux global castagnerait l’autre au nom de l’interprétation dogmatique du calembour originel. Ajoutons toutefois que le Sieur Vidal n’a pas sa langue dans sa poche et sait manier lui aussi le verbe. Ajoutons aussi que le dit édito, chacun jugera, est à mon sens plutôt énervé mais marrant, et finalement assez ironique et tendre, même si Gaudelette et Lancelot risquent de ne pas apprécier.

Alors relisons les gags de Gaudelette, relisons l’édito de Vidal, et rions. Le privilège du lecteur n’est-il pas de compter les points ? Au nom de quoi se permettrait-on d’intervenir par mail, courrier ou forum interposé ? Au nom d’une passion commune ? Ce serait un bien mauvais service à rendre aux intéressés, qui s’enferrent dans cette querelle par manchettes interposées, querelle qui pour dire vrai, tient de la brouille d’épiciers, de la bonne engueulade de couple dans le métro, bref quelque chose qu’on voit de loin, à la sauvette, un incident ponctuel et marrant qui perdrait tout son sens sur la durée et la surenchère.

Pardon ? Je me livre très exactement au déplorable exercice de commentaire de comptoir que je viens de dénoncer ? Il s’agissait d’une démonstration par l’exemple voyons.

Ah oui autre chose : le dernier Bo Doï est formidable, avec un large dossier consacré à Cauvin, où l’on découvrira un auteur bougon mais passionnant, comme tous ceux qu’une certaine intelligentsia juge trop « populaires » pour être respectables. Forcément ça énerve à force, malgré 40 millions d’albums vendus… Et le dernier numéro de Fluide me direz-vous, l’est pas formidable ? Ca y est voilà que ça recommence.

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