A chacun sa conception de la femme… et de la bande dessinée. Alors que Marc Bourgne (« Franck Lincoln »), dans le dernier Vécu, semble juger comme indispensable à toute bonne intrigue la sempiternelle figure de l’héroïne calquée sur les top-modèles de magazines, Régis Loisel dans Bo Doi s’étend sur la femme, celle qu’il aime dessiner, regarder : un être tout en chairs et en rondeurs. A celles qui peinent parfois à se dévisager dans leurs larges courbes, cet éloge de la femme vivante est pour vous. Quant à ceux que les ébats de Claire de Nuit révulsent, fuyez donc ce numéro 62. La chose, celle qu’on ne nomme pas, y luit de toute sa brillance épicurienne et paillarde… D’ailleurs c’est bien simple, au hasard des prépublications qui composent cette mouture d’avril, du coup on ne remarque plus que les scènes de coucheries. Car Loisel fait montre d’une belle puissance d’évocation, bien servie par les nombreuses illustrations qui complètent cet article. Le grand prix d’Angoulême est un homme à la langue de chair… et pas de bois, et lorsqu’il parle sensualité, séduction, c’est toujours sans faire dans la surenchère, mais bien dans le mot juste, même si les ouvrages censés traduire en images cette propension à la gaudriole («Les troubles fêtes», « La dernière goutte est toujours pour le slip») apparaissent nettement moins fins que ce très bel entretien signé Jean-Marc Vidal.

Avec bien sûr beaucoup de bande dessinée exclusive (« Neptune » par Delitte, « Chimères » par Béhé et Mosdi et « Les échaudeurs des ténèbres » par Alary et Rodolphe) ainsi que des interviews et dossiers qui ne le sont pas moins (Cailleteau, Vatine et Sokal, auteur incontournable autant que discret). A suivre en mai.