L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï N° 65 (Juillet 2003)
de Damien Perez

Un magazine avec quelque chose à dire, c’est toujours agréable, et le moins que l’on puisse dire c’est que l’amateur juillettiste refermera son Bo Doi avec la nette impression d’en avoir pris plein les oreilles. Pourquoi ? Simplement parce que l’équipe a eu l’excellente idée d’appliquer à Joseph Gillain (dit Jijé) la formule qui avait fait le succès - et la valeur - du Hors série Pratt. Le principe ? Laisser parler autour de l’auteur, tout simplement. On interroge des experts, des intimes, des anciens collègues, et on laisse faire, ce qui dans le cas de Pratt nous avait dessiné une sorte de salaud magnifique, d’égoïste pourri de talent dont on ignorait finalement s’il fallait s’y attacher ou pas.

Rien de semblable dans le portrait de Jijé. Quoique. Car sous ses apparences d’exercice de cirage de pompes post mortem, cet étrange dossier tourne à la trahison involontaire de ce mythe auquel la ville de Bruxelles vient de consacrer un musée. Faute en incombe à Giraud d’abord, l’élève du Maître, dont les souvenirs respectueux nous dépeignent pourtant un Jijé tortueux, intégriste du beau, dont la perception de l’artistiquement correct qu’il lui a matraquée l’influencera jusqu’à en faire cet incroyable dichotomique, partagé entre la rigueur graphique vieille école de Gillain et d’éternelles aspirations jeunistes, provocatrices à l’époque, qui constituèrent manifestement sa façon –tendre – de tuer le « père ». Plus que de Giraud, Jijé n’a-t-il pas accouché de Moebius ? On serait tenté de se poser la question, d’importance manifestement, tant les nombreux auteurs invités à célébrer Gillain – Mézières, Dimitri, Delporte… - ne parlent que de Giraud, et de l’influence incroyable qu’il exerça sur le métier… Bien sûr Jijé, véritable légende d’un certain âge d’or de la presse BD est célébré comme tel. Point. Car curieusement personne ne semble s’en réclamer. La postérité pour Jijé d’accord mais comment ? Et surtout pourquoi ? Et ce qui n’était qu’une impression diffuse se confirme lorsque quand Gillon prend la plume, mettant en verbes ce petit malaise qu’on avait à la lecture du dossier : « Pour moi Jijé n’est pas un modèle. Il n’a pas entrouvert de portes. Il n’a pas vraiment fait de découvertes graphiques. Ce ne fut pas un détonateur en termes de création. Et il a été dépassé par ses élèves. ». Vlan. On pourrait croire la messe dite. Mais curieusement c’est Hermann qui viendra rattraper l’ambiance parricide, avec une interview ciselée, sur un ton et un recul qu’on ne lui connaissait guère. Et ce dossier commémoratif, qui se terminera sur une question toute bête – « Que restera-t-il de Jijé ? » – et une réponse des plus intelligente – « Ce que le public voudra bien lui accorder » - évite qu’on ne reste sur un drôle d’impression de duperie. Jijé serait-il un mythe nostalgique construit de toutes pièces ? C’est parfois l’impression que l’on aura à la lecture de ce dossier. L’occasion pour les fans du grand Joseph de relire d’un œil critique leurs séries de jeunesse. Et pour les autres, qui en parlent souvent sans savoir, mais juste parce que ça fait bien, de lire Jijé pour s’en faire une opinion.

Avec bien sûr le plein d’interviews (Kraehn, Lauffray, Godard, Beb Deum, Ayroles) pour certains (lire Kraehn et Godard) loin, très très loin de la langue de bois, et une bonne dose de BD de qualité, avec, excusez du peu, le nouveau Sambre, Légende n°1 et Sillage n°6. Bonnes vacances.

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