L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï n° 34 (Octobre 2000)
de Damien Perez

Bo Doï nous convie au voyage avec Théodore Poussin, l'aventurier romantique de Frank Le Gall (Les Barbutins, Petits contes noirs), dont la onzième aventure (Novembre toute l'année, éd. Dupuis) est prépubliée dans le numéro d'octobre de cet excellent mensuel. Théodore, après de nombreuses péripéties exotiques (de Haiphong à Batavia en passant par Singapour) retrouve enfin la France et sa place au sein de l'équipage du cargo le "Cap Padaran" en qualité de commissaire de bord. Il y retrouve également le mystérieux M. Novembre qui veille sur lui tout en semblant vouloir régulièrement attenter à sa vie. La phobie incontrôlable que Poussin éprouve pour ce dernier, de même que la présence à bord d'un redoutable tueur laissent présager un huis clos maritime des plus prometteurs...
Il est à noter que le volumineux dossier consacré à Le Gall est riche d'interviews comme d'anecdotes concernant cette série qui, si on l'a souvent comparée à Tintin pour la variété des voyages comme pour l'usage de la ligne claire, s'en démarque par une profondeur humaine et psychologique qui rendent la plupart des protagonistes crédibles et attachants. De quoi permettre aux amateurs de Poussin comme à ceux qui le découvriront de l'aborder avec encore plus de plaisir.
Exotisme toujours avec la publication de carnets de voyages réalisés par des auteurs confirmés. Dany (Histoire sans héros, Olivier Rameau), Blain (La révolte d'Hop Frog) et Ferrandez (Les carnets d'Orient) nous prouvent par leurs toiles et leurs croquis pris sur le vif que le talent est à facettes multiples.Wolinski pour sa part n'étonne guère et se contente de nous livrer quelques dessins anecdotiques qui ne raviront que les amateurs du genre.
Bo Doi, comme d'ailleurs bon nombre de publications, rend un hommage appuyé à Carl Barks, disparu le 25 août 2000, à l'âge de 99 ans. L'auteur américain, collaborateur de Walt Disney, devenu dans les années 40 le dessinateur attitré de Donald Duck, avait réussi à rendre le célébre canard à béret plus mature en le plongeant dans des scénarios admirablement ciselés et en l'entourant de nombreux personnages "secondaires", encore que le terme puisse paraître abhérant lorsque les personnages en question ont pour nom Picsou, Géo Trouvetou ou les Rapetou, les seuls jumeaux du crime plus nombreux que les Dalton.
Du crime à la justice, il n'y a qu'un pas qu'il vous sera facile de franchir en lisant la fin des aventures de Cotton Kid 3 (Pearce et Leturgie), western humoristique mettant en scène un détective privé de la légendaire agence Pinkerton dont le flair est inverse à la prestance, et que le jeune Cotton Kid s'évertue à tirer de tous les mauvais pas.
Le jeune Albino, pour sa part, continue à se débattre dans les affres de l'univers futuriste des Technopères (Janjetov, Beltran, Jodorowsky). Albino, Technopère Suprême, créateur de jeux vidéos destinés à abrutir et contenter les peuples de l'univers, nous narre ses aventures lorsque, jeune adolescent rêveur, il luttait pour gravir un à un les échelons jusqu'à la fonction suprême qu'il finira par occuper. L'originalité réelle du propos est soulignée par la mise en couleur numérique de Beltran qui offre au dessin de Janjetov une finesse de grain casi-photographique qui contribue au succès mérité de cette série d'exception.
Et pour finir en beauté, un article consacré à la première exposition de Bande Dessinée à prendre place à la Bibliothèque Nationale de France (voir le Zoom), les clins d'oeil du Pinailleur et toutes vos rubriques habituelles. Comme l'habitude a du bon, parfois.

Bo Doï - 13, rue de l'Ancienne Comédie à 75006 Paris - France - Tel : + 33 1 44 41 00 58 - e-mail : lz.bd@wanadoo.fr / Belgique : BoDoï - Partner Press - 11, rue CH. Parenté à 1070 Bruxelles

____________ Pour ce que j'en pense ... ____________

BDBNF

La Bibliothèque Nationale de France recevra d'octobre 2000 à janvier 2001 la bande dessinée, dans le cadre d'une exposition géante*. Il était temps. Personnellement, les quatre tours de la Bibliothèque Nationale de France m'avaient toujours fait penser à quatre albums de BD ouverts, avec plein de gugusses qui bougent dans des fenêtres en forme de cases. Ne manquaient que les phylactères. C'est fait.

Maintenant que le parent pauvre est premier des ventes, on greffe une branche généalogique supplémentaire sur l'arbre de la littérature de peur de laisser pourrir la souche. Les filiations ne sont plus obscènes. On se congratule. On se remercie. On fait partie de la famille. Et on organise enfin une rétrospective de la Bande Dessinée européenne à la BNF. Pour vous, pour moi, et pour tous les auteurs qui, comme un Jacobs, un Tardi ou un Bilal pourront enfin acquérir cette dimension cérébrale que l'intelligentsia leur refusait jusqu'alors.

C'est ainsi. La Bande Dessinée avait beau faire partie des meilleures sorties d'ouvrages en bibliothèques, elle n'avait jamais pu y rentrer par la grande porte. D'ailleurs, dans les bibliothèques, la BD, ça agaçait son monde. "La BD, ça tient pas dans les étagères (surtout avec cet Hulet tout carré qui emmerde le monde), les bacs, là, ça sera très bien, oui oui, les bacs, là (comme bac à sable, bac à légumes), au moins on verra les belles couleurs" dixit un bibliothécaire anonyme dont j'exagère à peine le propos. Des poufs dans le coin BD. Des fauteuils cuir dans l'espace littérature. Jamais vu l'inverse.

J'exagère, bien sûr, caricaturer une profession comme elle a pu caricaturer la Bande Dessinée n'élèvera pas le débat. Mais quand même... je ne dois pas être le seul à me gausser de la situation... Je lis mon Bo Doï et je m'interroge. Oui, je m'interroge sur le choix du visuel pour illustrer cet article. Si ça se trouve je mégote, je délire mais voir Andy Capp, la personnification même du cynisme désabusé, de l'ironie je-m'en-foutiste, qui semble tourner le dos au sujet, muré dans sa superbe, un peu à la Velvet Underground, ça sent quand même fort le gentil pied de nez...

Mais ne boudons pas notre plaisir. Et ne nous étonnons même plus de la tenue de cette exposition. S'en étonner, ce serait déjà prêter quelque incongruité à la présence de nos chers phylactères dans les murs de la BNF. Une bibliothèque n'est plus seulement le juge du culturellement correct. Si elle veut vivre avec son temps, elle se doit aussi d'être le miroir des goûts et des aspirations de ses usagers.


* " Maîtres de la bande dessinée européenne "- Bibliothèque Nationale de France, Site François Mitterand, grande galerie, du 10 octobre 2000 au 7 janvier 2001. Du mardi au samedi de 10h à 19h, le dimanche de 12h à 19h, fermé le lundi et jours fériés. Entrée : 35F - Tarif réduit 24F. Rens : 01.53.79.59.59.

Pour ce que j'en pense, de Damien Perez


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