L'automne arrive et les éditions Delcourt ont pris soin de ramasser à la pelle quelques feuilles des nouveaux albums maison qui nous sont présentés dans le "Planète" daté octobre-décembre 2000.

Un schéma valant parfois mieux qu'une bonne image, Fabrice Lebeault nous présente à l'aide de quelques graphiques colorés les finesses administratives de la cité d'Horologiom, indispensables à quiconque souhaiterait faire carrière dans le monde délirant et robotisé de cette série futuriste à l'inventivité graphique et scénaristique remarquable, et dont le tome 5 (Le grand rouage) paraîtra en novembre.

Une bonne image valant souvent mieux qu'un long discours, Duval, Gess et Rabarot nous livrent une série d'instantanés futuristes du nouveau Carmen Mc Callum (Tome 5 - Deus ex-machina) qui crépitent comme une rafale de mitraillette. Vous saurez, à partir du 20 octobre, si l'ex-membre de l'IRA reconvertie à la cause des Nations Unies pourra livrer à ses employeurs le magnat de l'armement, Samuel Earp sans que celui-ci ne lâche sur terre des essaims de nanomachines meurtrières.

Et puisque rien ne vaux un bon discours pour étayer une image, surtout lorsqu'il s'agit de présenter un nouveau concept, Lewis Trondheim nous raconte sa rencontre avec Sergio Garcia (Géographie martienne), auteur d'une thèse doctorale relative aux "nouvelles unités structurelles dans la BD" et aux "BD en multi-linéarité narrative" (woaw !), thèse que publiera d'ailleurs l'Association en 2001. Cette série, initiée "dans un parking bas de plafond aménagé en salon du livre" se nommera "Les trois chemins" et nous contera les aventures croisées de John Mc Mac l'avare, Roselita la petite fille au nuage à pains et H Deuzio, le robot triste. Parution en Novembre.

David Chauvel, pour sa part, invente le droit de réponse publicitaire, ou comment faire face aux critiques tout en vantant les qualités de deux de ses productions (Arthur tome 3 - dessins et couleurs de Lereculey et Simon- et Ce qui est à nous Tome 3 - avec Le Saëc et Smulkowski). Si l'on a reproché à la première (adaptation soignée et respectueuse du cycle arthurien) la fadeur psychologique des personnages et l'emploi abusif de locutions celtes imprononçables et à la seconde (anthologie des agissements criminels de la Mafia) l'incohérence décousue du fil narratif (on ne retrouve que rarement les mêmes personnages d'un tome à l'autre), le discours du scénariste ne pourra que convaincre ses détracteurs de son honnêteté intellectuelle. David Chauvel est un de ces scénaristes qui vous emmènent où il veut.

Alan Moore et Eddie Campbell nous entraînent, au milieu des ambiances colorées des autres auteurs, vers la noirceur monochrome du Londres du XIXème siècle, à la recherche de Jack l'éventreur. A ceux qui ne pourraient voir dans cet exercice qu'une énième élucubration concernant cet assassin célèbre dont l'identité reste incertaine de nos jours, Alan Moore (Watchmen, V pour Vandetta) répondra en développant son propos sur 576 pages assorties de notes d'un niveau quasi universitaire. Le trait sombre et hachuré de Campbell, auteur anglais peu connu en France, offre à cette aventure sale et tragique un supplément de désespoir qui, sans effets de manche, ne laissera pas le lecteur indemne.

Meurtre toujours, avec l'interview d'un nouveau héros, John Doe, "tueur à gag(e)s" de profession et maladroit à ses heures, dont la philosophie "Il suffit pas d'avoir un flingue en main, encore faut-il se maîtriser" nous promet des péripéties hautes en couleurs, à la poursuite d'un oeil de verre tombé dans une pizza...

Un peu finesse dans ce monde de brutes, avec une interview de Denis-Pierre Filippi, auteur inspiré et prolifique dont les séries déjà confirmées ( Le livre de Jack avec Boiscommun, un drôle d'ange gardien, avec Sandrine Revel, sortie du tome 3 en octobre, Orull avec Tiburce Oger) sont appréciées du public, et dont la nouvelle production (Téo, avec Tatiana Domas, sortie du tome 1 en novembre), le deviendra certainement. Un de ces auteurs qui vous réconcilient avec la littérature jeunesse lisible à plusieurs niveaux.

Et pour compléter cette jolie récolte de feuilles choisies, la présentation des Gamins de l'espace par Omond et Nesme, des Phosphées, par Joanna, et de la nouvelle livraison de Dave Mc Kean, mise en image par Neil Gaiman, Le jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges.

L'hiver s'annonce bien...