L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï N° 38 (Février 2001)
de Damien Perez

Il était inutile de chercher un stand Bo Doï au festival d'Angoulème, et pour cause... Aucune place n'avait été réservée au glorieux mensuel. Peut-être la patience des organisateurs n'était-elle pas plus extensible que l'espace disponible, tant il est vrai que Bo Doï multipliait depuis quelques mois les attaques plus ou moins feutrées contre le festival. Jean-Marc Vidal s'explique donc, dans un édito plus amer que rageur, où, tout empreint d'une résignation moqueuse et faussement penaude, il se livre à un petit exercice d'écriture à deux niveaux qui ne contribuera guère au retour du fils prodige (même si, il faut l'avouer, celui-ci n'est jamais vraiment parti puisqu'on pouvait sans peine croiser durant le festival quelques journalistes de Bo Doï bien affairés.)

Retour d'un autre fils prodige, mais guère prodigue en interviews, Cabu, à l'occasion de la sortie de son soixantième (!) album. Cabu culbute la démagogie ambiante en l'habillant d'un trait rond comme ses verres de lunettes et de légendes bien plus incisives que ne le laisse présager son inoffensive coupe au bol. Diablement lucide sur ses propres limites de fustigeur, le père de Duduche et du Beauf reste, par son œuvre malheureusement moins caricaturale qu'il n'y parait, un de ces illustrateurs de l' histoire parallèle de notre société, ponctuée d'élans, de retraits et de sautes d'humeur que l'académisme se plaît trop souvent à oublier.

A ceux qui s'inquiétaient de découvrir Nao tout aussi millionnaire et cravaté que Largo Winch (dans le tome 8 d'aquablue, "l'oeil du voïvode"), Thierry Cailleteau promet le retour du pagne, le héros futuro-écologiste dessiné par Olivier Vatine puis Ciro Tota se faisant rapidement "ruiner [le] costume" sur la planète préhistorique que sa fondation écologiste souhaite protéger de l'ardeur "sportive" d'une troupe de chasseurs surarmés. Surarmé, Thierry Cailleteau ne l'est pas moins, que ce soit en ressources imaginatives, en pistes de réflexions inédites sur le neuvième art comme en opinions tranchées. Autant d'aspects de l'hommes qui vous rythment une interview et vous la font dévorer à la manière d'un bon album. Notons qu' Aquablue est à l'honneur (si l'on peut dire) de la rubrique "www ce mois-ci" (ironiquement) intitulée "le monde du silence".

Bien loin du silence, retour aux bancs de l'école pour les habitués des bans comme des vivas des hordes bédéphiles. Jean-François Courtille chine dans les souvenirs d'encre de grands dessinateurs alors simples élèves des Ecoles Nationale Supérieure des Arts Appliqués à Paris ou Saint Luc, à Bruxelles, aux heures brouillonnes des croquis inachevés et des vocations naissantes de Gotlib, Margerin, Swolfs, Sokal, Andreas ou François Schuiten.

Ecole toujours, dans le cadre d'une étude pédagogique menée dans un collège réputé "chaud" où l'expérience de la réflexion (dans tous les sens du terme) des élèves face la violence scolaire mise en scène dans un Manga ("Rookies"), étudié en classe de français, génère des enseignements variés que Jean-Marc Vidal et Thierry Pratt ont l'intelligence de laisser à la seule appréciation du lecteur, sans jamais les prémâcher.

Côté prépublications, Bo Doï nous offre les nouvelles aventures du révérend Odilon Verjus (Tome 5 " Breiz Atao "), toujours flanqué du jeune Père Laurent, dont l'impétuosité n'a rien à envier à celle de Sœur Marie-Thérèse des Batignolles (Maester), même s'il se démarque de son alter ego féminin par des aventures riches en exotisme, de la jungle de Papouasie à Pigalle en passant par l'Alaska et l'Allemagne Hitlérienne. Le Seigneur (et les autorités épiscopales) le poussent cette fois-ci du coté de la Bretagne, à Saint-Tiloë, capitale de l'oursin, afin de résoudre le meurtre d'un druide, attribué hâtivement ou non à la mystérieuse bête Twrch Trwith, celle dont on n'ose prononcer le nom (on en est de toute façon incapable). Verron et Yann n'y vont pas avec le dos de la burette et personne ne s'en plaindra.

Quant à White et Spoon (Leturgie père et fils accompagnés de… Yann), ils dégainent plus souvent le colt que la bible dans la paroisse de Chinatown. Il faut dire que les deux flics les plus incompétents de New York ont fort à faire pour retrouver l'élue de leur cœur (qui n'en demandait pas tant), la belle journaliste Courtney Balconi. Le titre (Niaq Micmac) résume à lui seul assez bien la situation. Ca part dans tous les sens et les insultes volent aussi bas que les rafales de 357 magnum (Il faut dire que Spoon dépasse difficilement le mètre vingt).

Tirésias (Rossi et Le Tendre), bien mal à l'aise dans sa nouvelle condition de femme, se rapproche de son destin (voir La gloire d'Héra, des mêmes auteurs) au terme du dernier épisode de ce tome 1, " L'outrage ", dont les qualités graphique et scénaristiques devraient sauter aux yeux des amateurs de légendes antiques (et même des autres). Tirésias ou l'art de revisiter des paysages de l'imaginaire que l'on croyait conquis.

Et pour en finir avec un sommaire pourtant déjà riche, les carnets de voyages de Convard, les critiques d'albums, les rubriques Comics, Dessin animé et BD Japon, Norma, Claire de nuit, le pinailleur et même un index complet de 40 mois de Bo Doï, de 1997 à 2001. De quoi tenir jusqu'au prochain numéro, non ?

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