L'actualit� de la presse BD comment�e



Bo Doï n° 33 (Septembre 2000)
de Damien Perez

BoDoï s’habille des couleurs de l’Incal. Un volumineux dossier aborde toutes les facettes du mythe, barbue (Jodo), tondue (Moebius) et numérisée (Beltran), en une symphonie d'images et de couleurs qui, à défaut d'être réellement informative, donne ou redonne le goût d'une certaine conception de la Science-Fiction. Pour rester dans la note de la démesure, les curiosités ne manquent pas : Will et son sarcophage-collector (si si !), Druillet et son Druilletland, Boucq qui dessine des Dard puis Zep qui fait la teuf dans un dossier tourbillonant. Coté prépublications, les technopères troisième opus débarquent pépères, et les gardiens du Maser rembarquent en attendant la prochaine livraison. Pour finir je ne saurais trop vous recommander la chronique du mulot qui vous présente les meilleurs sites consacrés à la BD, dont (pouvait-on raisonnablement en douter ?), celui auquel collabore modestement votre dévoué serviteur.

Bo Doï - 13, rue de l'Ancienne Comédie à 75006 Paris - France - Tel : + 33 1 44 41 00 58 - e-mail : lz.bd@wanadoo.fr / Belgique : BoDoï - Partner Press - 11, rue CH. Parenté à 1070 Bruxelles

____________ Pour ce que j'en pense ... ____________

Pris sur le fait !

L’incohérence revendiquée d'un univers se trouve être, à l'heure des come-back, le plus formidable des paravents. Qu'on le taxe d'opportunisme éditorial et Jodorowsky prend la paléomouche : Après l’Incal constitue l’aboutissement de l'Incal, qui a toujours été conçu comme un triptyque, n'en déplaise aux sceptiques. "Je dis que là est la vérité et à chacun la sienne !". A défaut de convaincre, Jodorowsky amuse, ce qui n’est déjà pas si mal.

La présentation exhaustive d'un mythe est affaire de spécialistes et chez Bo Doi, on connaît son affaire, mais quand il s'agit de l'Incal, rien ne saurait être simple. D'entretiens grandiloquents en documents périphériques et inutiles, le dossier s'abîme en une foultitude de reflets contradictoires qui se télescopent, et dont l'éclairage varie selon les lapins que Jodo nous tire de sa barbe.

Tout l'intérêt de ce dossier n'est donc pas de percer à jour quelque essence ultime de l'Incal, mais bien de nous livrer, peut-être involontairement, une réflexion parfois désabusée sur la difficulté du métier d’artiste.

Car Moebius doute, s'interroge sur le retour de l’Incal, sur la finalité même de l'exercice, culpabilise de ses propres facilités, puis de sa difficulté à retrouver "l'innocence originelle". Jodo pour sa part brouille les cartes, s'énerve, s'invente des logiques, clame sa toute-puissance inventive et commerciale dans ses élans habituels de cynisme goguenard et de mauvaise foi rageuse.

Le lecteur, lui, s’en amuse, sans doute, puis s’attarde enfin sur la série de clichés réalisés par Franck Bruneau, dans l'atelier de Moebius. Une pièce dépouillée, deux hommes à une table : Moebius et Jodorowsky en pleine séance de travail. Deux auteurs dont les attitudes muettes résument à elles seules toute la folie magnifique de l'expérience artistique.

Le contraste est absolument saisissant en ce qui concerne Jodorowsky. La force d'évocation de ces photographies rares suffit à brosser la complexité finalement limpide d'un monstre du verbe qui se trouve être touchant dans ce qu'il a d'enfantin et de magique lorsqu'il danse l'Incal, mimant quelque sombre et improbable créature devant Moebius figé dans la rectitude attentive de l'instituteur à lunettes.

Une fois que l'on a pris la peine de s'imprégner de cette atmosphère si particulière d’émulation artistique, plus rien n'existe que la bande dessinée, loin de toute considération théorique, mercantile ou éditoriale.

C'est à cet instant là que j'ai compris que M. Jodorowsky, ne lui en déplaise, est le plus fieffé des gredins, le plus raffiné des menteurs. Toute sa verve destructrice ne pourra jamais masquer la réalité de ces instants-là : Alexandro Jodorowsky n'est pas un industriel du scénario. Il ne fabrique pas, il rêve. Il vit. Il fait ce qu'il aime, aime ce qu'il fait, et sa truculence voire ses excès ne sont rien d'autre que les étincelles résiduelles d'une transe créatrice, sublime et jubilatoire. Authentique, quoi.

Pour ce que j'en pense, de Damien Perez


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