Du beau linge sous le soleil entre les pages du Margouillat, "Mensuel endémique de l'île de la Réunion" : Téhem tout d'abord, qui outre une couverture toute en chair, signe de nombreux inédits de Tiburce et de Malika Secouss (une série par ailleurs publiée chez Glénat), Michel Faure ensuite, le dessinateur d'Elsa et du troisième cycle de la Balade au bout de monde (avec Pierre Makyo) offre aux lecteurs de la publication créole une histoire complète sur six planches (Retour à Bourbon), space opéra réunionnais dont on se prend à regretter qu’il ne soit pas en couleurs ( la faute au support papier journal ?), Manu et ses "frères désastre" et Charles Masson dans "Morphine" ponctuant pour leur part ce numéro six de strips souvent très originaux.

Le Margouillat c'est aussi l'occasion de pénétrer une culture qui même si elle partage avec celle de la métropole certaines constantes l'aborde d'une manière fondamentalement différente. L'article de Frenchy page trois au sujet des élections municipales est à ce point éloquent et plutôt représentatif du ton "gentiment énervé" de cette publication, car on ne saurait limiter le Margouillat à cette seule dimension "dépaysante" de la petite feuille qui vient des îles. Le Margouillat c'est aussi un voyage vers une certaine forme de franc-parler. Quand rien ne va sous le soleil il faut savoir s'en faire l'écho, dénoncer la crétinerie ambiante, abîmer les idoles (PPDA et Chirac ne risquent pas de s'abonner), dépecer la langue de bois à la tronçonneuse, faire parfois preuve d'humilité, s'interroger sans forcément répondre ( là où d'autres répondent sans avoir été interrogés), éviter la pensée unique sous couvert d’honnêteté. Toutes ces leçons, l'équipe rédactionnelle, la Band'Décidée, semble les avoir assimilées de belle manière.

Et quand la publication réunionnaise - qui ne connaît pas de réel soutien médiatique et dont les subventions restent restreintes - offre en plus des articles de fond tout à fait documentés (l'autobiographie en Bande dessinée) et des interviews ( Gilbert Pounia, "figure emblématique de la culture réunionnaise") on finit par se dire qu'il s'agit là d'un retour bien agréable vers une certaine forme de journalisme qui ose la variété sans perdre son unité, une forme de journalisme libre, tout simplement. Et tout ça pour 10F s'il vous plaît.