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Vécu N° 26 (Avril - Juin 2001)
de Damien Perez

Au programme de ce numéro 26 du magazine des éditions Glénat : histoire, aventure et spiritualité, où comment prouver avec éclat que l’on peut concilier rigueur des faits et fiction bien ordonnée, que l’on peut conjuguer la puissance d’évocation du passé à la magie contemporaine d’un dessin enbullé pour le rendre abordable.

Franc-maçonnerie, Vatican et… succès constituent les trois sommets d’un triangle qui n’est plus vraiment secret à force d’être apprécié tant par les Loges que par le Clergé et le public qui a très largement répondu présent à ce grand projet de réécriture de la mort du Christ (deux rééditions en neufs mois pour le premier tome du « Triangle secret »). Emmanuelle Mahoudeau a donc interviewé le scénariste, Didier Convard, à l’occasion du festival d’Angoulème et de la sortie imminente du troisième tome (De cendre et d’or), toujours réalisé par plusieurs dessinateurs selon l’époque abordée, pour la suite d’une fresque historique et polémique. L’occasion d’approfondir certains aspects de la quête de Didier Mosèle – le héros principal - et de mesurer les implications réelles de cette grande fresque dans notre réalité quotidienne et historique. Cette interview se complète de deux entretiens, le premier avec le dessinateur récurent de la partie contemporaine, Denis Falque, et le deuxième avec un dessinateur « invité » - phénomène largement répandu dans cette série – Jean-Charles Kraehn (Bout d'Homme, Tramp).

Tout aussi ambitieuse, le série du Décalogue ne se démarque du projet précédent que par la différence d’éclairage, même si le propos n’est évidemment pas le même ; il est ici question d’une propension commune à la démesure scénaristique et à la précision du propos. Là où Convard invente (rétablit ?) la vérité historique, Frank Giroud met en exergue les travers intégristes de nos comportements sociaux à travers le prisme d’un manuscrit rédigé par Mahomet, « Nahïk » qui remettrait en cause trop de fondements pour qu’on puisse accepter sa vérité. Cette vérité devrait être connue du lecteur au bout du dixième tome. Chaque épisode est réalisé par un dessinateur différent mais peut être lu indépendamment du reste du cycle. Une mécanique huilée et intelligente servie pour le troisième tome (Le météore) par J.F. Charles (Fox, Les pionniers du nouveau monde) et par TBC (Fables de Bosnie) pour le quatrième (Le serment). Ces deux auteurs sont interviewés par Ricardo Alvarez et Csaba Kopeczky, pour mieux nous initier à ces nouvelles intrigues prenant place en Grèce en 1958 et au Vatican durant la période de l’expatriation des criminels de la seconde guerre mondiale.

Histoire et aventure toujours sur les traces du roi portugais Sebastiao, disparu en 1578 lors de la bataille d’Alcader-Kébir mais dont on retrouvera la trace vingt ans plus tard sous les traits d’un ermite. Le roi Philippe II d’Espagne, afin de faire taire les sébastianistes, avait déjà fait rapatrier un corps anonyme à la place de celui du souverain. L’histoire mentait, cette fois encore : c’est ce que souhaite prouver par ses recherches Patrick Lizé dans le « Deuil impossible » (dessin de Pedro Massano) où les personnages sont finalement secondaires, dom Sebastiao étant « par ailleurs égoïste et austère ». Respecter l’Histoire c’est aussi la démentir par son travail, parfois.

Le travail de Patrick Cothias toucherait-il à sa fin ? Vécu nous annonce par la sortie du tome 6 du «Masque de fer » (« le roi des comédiens », dessin de Marc-Renier, ) le « début de la conclusion du cycle des Sept vies de l’Epervier » (plus de cinquante albums !), initié par la série du même nom avec André Juillard. On a finalement peine à y croire. Ce projet semblait être de ceux qui ne s’arrêteraient jamais, des cycles supplémentaires finissant toujours par se rajouter à la trame initiale, ce qui fut souvent reproché au scénariste prolixe parfois même taxé d’opportunisme éditorial. Il faut bien avouer que certains approfondissements des aventures originelles d’Ariane de Troïl furent très largement décevants, peut-être même superflus, mais l’on ne peux que s’incliner devant l’ampleur du projet réalisé sous le label « 7 vies », admirablement documenté mais peut-être finalement trop vaste pour rester accessible à de nouveaux lecteurs.

Ce numéro daté juin 2001 traite aussi « du sexe des anges », sujet principal (les anges, pas le sexe) de le nouvelle série de Desberg (Billy the Cat, L'étoile du désert ) et Reculé (Le cercle des sentinelles, Castel Armer), « Les immortels ». Cette fresque mâtinée d’héroïc fantasy prend place à la suite « des sanglants affrontements que nous décrit la Bible » : les anges et les démons se sont accordés sur la gestion de l’au-delà, mais cette paix « contre-nature » ne renferme-t-elle pas la promesse de luttes d’intérêts sanglantes ? On mentirait en prétendant ne pas l’espérer. Stephen Desberg aborde sous couvert d’aventure surnaturelle « la condition humaine, l’immortalité, le colonialisme, l’amour, le temps ou l’essence de l’art », et le trait d’Henri Reculé est bien assez séduisant pour qu’on soit pris d’une envie subite de lire l’interview des deux auteurs puis le tome un (« le tombeau de l’ange ») de cette série prometteuse.

La publication des premières pages de Sophaletta (Arnous/Hé – tome 5 « l’ordre écarlate ») où la lutte pour survivre d’une femme en 1917 alors que Nicolas Romanov vient d’abdiquer, la publication en noir et blanc du « Convoi » par Dimitri et quelques pages d’ « actualités et infos » rédigées par Henri Filippini devraient achever de convaincre les plus réticents que « L’histoire, c’est aussi l’aventure », comme l’annonce toujours fort justement la couverture de cette publication de qualité qu’est Vécu.

Vécu - Glénat Presse - 55, boulevard des Alpes à 38240 Meylan - France - Tel : + 33 4 76 90 97 10 / Belgique : Editions Soumillion - avenue Van Kalkenlaan, 9 à 1070 Bruxelles


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