« A Kyôto », par Pierre Duba. Chez 6 Pieds Sous Terre.
Plus le temps passe, plus Pierre Duba affine sa technique graphique. En ce sens, on peut considérer « A Kyôto » comme l'aboutissement de sa déjà longue carrière (ses débuts à Futuro remontent tout de même à près de vingt ans). Ouvrir ce livre, c'est plonger dans une journée de voyage peu ordinaire, à la suite de l'auteur et de son ami Daniel Jeanneteau, déjà complices sur le précédent « Kyoto-Béziers ». Une journée qui allie l'anecdote au fantasme, l'onirique au récit de contes japonais, une journée à la fois sublimée, imaginaire et captive de l'âme nippone. Les auteurs s'y mettent habilement en scène, sans insister, sans définir ni les rôles ni les libertés prises avec le temps. En fait, sur le modèle de la calligraphie, Pierre Duba semble justement ne pas tenir compte des règles temporelles en vigueur dans la bande dessinée ; le temps est suspendu, seul compte le geste, la beauté du geste, le sens du geste, l'émotion qu'il fait naître. Le pinceau est plus léger que jamais, l'encre diluée au maximum, l'eau délave les couleurs et les transcende en même temps, le dessin en devient cristallin, les ambiances diaphanes. Mais cette légèreté de la matière n'est qu'un leurre. Elle accroche le regard dans les premières pages pour mieux surprendre l'il ensuite. Plus le livre avance, plus l'auteur joue avec la couleur. Dans les scènes de forêt sous la pluie, ce n'est plus l'eau et la couleur qui se mélangent, c'est la couleur qui figure l'eau, dans toute sa pureté. Tantôt éclatant de rouge, tantôt aussi sombre qu'il est possible de l'être en restant lisible, le livre est un parcours de couleur et d'eau qui va de l'humidité vers l'humidité, de la brume vers la brume. Avec quelques éclats de vie brute entre les deux. Magnifique.
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