Le Journal Spirou a 60 ans !



22 avril 2038..... BIP... BIP....
"Voilà cent ans que Spirou existe ! C'est donc un siècle d'édition qui nous contemple, avec tous ses bouleversements..." nous confie le Boss.

Mais que se passe-t-il donc chez Dupuis ? Voilà-t-y pas qu'ils ont mis leur boss en bocal et qu'ils nous contemplent du haut de leur cent ans.. Et en plus, ils se sont mis en tête de nous re-pondre un numéro spécial de Spirou sur papier... Quels ringuards chez Dupuis, on est en 2038, oui ou non ?

Bon, ben le voilà ce fameux numéro spécial.... Ouais, ... bof, ... ben... mmmhh, dans le fond,.... c'est pas si mal que ça... Noon ?..... C'est incroyable...... Ooh, c'est pas vrai... Dis, Alex, t'as vu ça... Non, mais viens voir, ... Tu savais ça toi ?....

Heu, ben finalement, on va vous laisser, nous, on a du travail.... heu, enfin,.. de la lecture en retard..... Mais on ne vous laisse pas seuls.... Finalement, allez le chercher ce numéro... vous allez être surpris.. Petits et grands, ça va vous changer de la télé !!

Juste pour vous, un article extrait du numéro : l'histoire de notre petit groom favori.... Enfin, petit, petit, .. il a pas mal grandi notre Spirou national.... Vachement mignon avec ça.... !
Hé, Alex, t'as vu, dis, t'as vu.... Bon, ben, moi, je l'aime bien en tout cas.... Avis aux amateurs(trices) !

Une fan.

 

Article extrait du Journal Spirou Spécial 60 ans - 22.04.98  

Spirou, l'éternelle (re)création

Voilà soixante ans très exactement qu'un petit groom déluré et dynamique a été engagé par le bon directeur du Moustic-Hotel, le 21 avril 1938. Il a certes pris un peu d'âge, rencontré un tas d'immenses bons copains et quelques vilains adversaires, perdu son goût pour les farces et court désormais l'aventure sans son bon vieux costume initial, rouge à boutons dorés. Mais c'est la rançon à payer quand tant d'auteurs talentueux se sont penchés sur le destin d'un personnage qu'ils n'imaginaient pas devoir animer un jour. Une carrière qui, finalement, est une suite incessante d'imprévus et de surprises.

1937

Un jeune homme de dix-neuf ans aux saines lectures, Charles Dupuis, se régale en suivant un hebdomadaire français qui vient de démarrer, LE JOURNAL DE TOTO. En vedette, le jeune mousse Toto créé par un français à la signature curieuse : Rob-Vel. Sans le savoir, cet ancien steward à bord des prestigieux transatlantiques des années vingt vient de glisser un doigt dans l'engrenage fatal qui le fera un jour entrer dans les meilleurs dictionnaires.

Cela s'agite beaucoup dans la famille Dupuis où le souci de rentabiliser l'imprimerie et de lutter contre la "mauvaise" presse inspire l'idée de créer un journal pour les jeunes. Papa Jean le veut éducatif et gai, proche du public belge. L'aîné Paul le verrait bien s'appeler « Spirou » -terme wallon désignant un écureuil et, par extension, un gamin vif et déluré-, tandis que le cadet Charles recommande fortement d'engager le dessinateur qui vient de lui taper dans l'oeil !

Un savoureux quiproquo marque les premiers pas de l'artiste vers la maison de Charleroi.
- Je travaillais comme secrétaire de rédaction au Journal Excelsior, rappelait Rob-Vel. J'avais eu plusieurs fois l'occasion de rencontrer Monsieur Dupuy (avec Y), qui était le grand manitou des éditions du DIMANCHE ILLUSTRE, TOTO, etc.
« Rencontré » comme on croise le P.-D.G. dans les couloirs, c'était tout ! Et voilà qu'un beau matin on me dit que M. Dupuy voulait me voir… Je m'étonnais qu'il se soit déplacé pour venir parler à un humble dessinateur comme moi ! Et voilà qu'entre un monsieur jovial et rondouillard qui me dit : « Je suis Monsieur Paul Dupuis de Belgique et je voudrais que vous dessiniez le personnage de « Spirou » dans le journal que nous allons lancer. »

Pour évoquer sa nostalgie du personnage hôtelier de la marine, Rob-Vel, fera de son héros un groom du Moustic-Hôtel, tout rutilant dans la tenue des petits serviteurs du paquebot Ile-de-France ! Le 21 avril 1938, Spirou sort de la toile de l'artiste pour servir le bon Monsieur Papillon, auquel il n'a osé prêté que l'embonpoint jovial de Paul Dupuis.

On connaît la suite : il découvrira, le 8 juin 1939, un pauvre écureuil martyrisé par le diabolique Sosthène Silly. Vite délivré, le gentil animal ne le quittera plus. Spirou et Spip, ou les deux concepts unis dans le mot wallon initial : plutôt normal qu'ils soient inséparables !

1939

Mobilisé, Rob-Veil s'efforce de tenir le rythme de ses planches hebdomadaires de Toto et Spirou. Il en expédie les crayonnés et parfois même le seul scénario esquissé à Davine, sa femme, qui les encre et les termine.

Rob-Vel est blessé dans un engagement à Carvin, puis fait prisonnier sur son lit d'hôpital. Le JOURNAL DE TOTO disparaît le 6 juin, tandis que celui de Spirou entre en hibernation du 9 mai au 22 août. Dans l'immense pagaille qu'est devenue l'Europe, le sort du groom semble bien menacé, mais Charles Dupuis reste résolument aux commandes, tandis que son père est passé en Angleterre et que son frère Paul se morfondera en captivité jusqu'en 1942.

Un petit nouveau dans l'équipe de Marcinelle, Jijé (alias Joseph Gillain) est appelé au secours pour assurer l'intérim une fois la maigre réserve de planches épuisée.

- Je pourrais résumer ma mobilisation et les pérégrinations nécessaires pour retrouver ma femme partie avec l'exode dans le Midi en disant que j'étais passé de 90 à 78 kilos ! confiait-il. A notre retour en Belgique, j'ai loué une propriété maraîchère… car je voulais survivre. Dupuis souhaitait que le journal reparaisse et avait obtenu les autorisations nécessaires. Ayant appris que je n'étais pas prisonnier, il m'a contacté pour dessiner l'histoire qui donnait son titre au journal, parce que ni l'auteur -Rob-Vel- ni son premier remplaçant -sa femme Davine- n'étaient accessibles.

Un courtier belge en encre d'imprimerie de fabrication allemande est ami des Dupuis et dispose d'un laissez-passer qui lui permet de traiter des affaires en France. C'est lui qui renoue à Paris avec Rob-Vel libéré et assure à chacun de ses voyages la transmission des planches à l'imprimerie. Le petit groom séjourne dans un haras, visite l'Afrique, se fait l'ami d'un boxeur noir et part dans la stratosphère. Il rencontre l'homme invisible au moment où il devient lui-même invisible, car l'autorisation de paraître a été retirée à son journal.

1943

Pour profiter de la première occasion venue de relancer leur héros vedette, les Editions Dupuis négocient au printemps l'achat du personnage Spirou à Rob-Vel. L'hebdomadaire cesse de paraître après un ultime délai de grâce, le 3 septembre. Dupuis publie néanmoins un Almanach pour l'année 1944, dans lequel l'indispensable Jijé assure la reprise.

Le style change et Fantasio vient de faire une brève apparition en farfelu de service auprès de Spirou et Spip. Jean Doisy, le rédacteur du journal, l'avait introduit dans ses chroniques sous la forme d'un joyeux fantaisiste, un peu poête, gaffeur bien avant Gaston. Jijé va le développer dès la Libération et lui accorder un rôle souvent dominant et calamiteux face au groom trop parfait à son goût. Fantasio s'engage toujours dans des initiatives délirantes comme son bouillonnant créateur. Celui-ci s'en lassera toutefois vite et désire explorer d'autres voies. Le hasard va faire tomber le fardeau sur un jeune apprenti dessinateur qui n'ose refuser, tout étonné de l'honneur qui lui échoit. Il n'imagine pas qu'il va consacrer 20 années de sa vie à modeler un trio de personnages encore peu caractéristiques, puis leur adjoindre une étonnante galerie de seconds rôles.

1946

- Juste avant la guerre, j'avais eu en main un exemplaire de SPIROU à cause de la publicité importante qui en avait été faite, confessait André Franquin. Mais j'avais trouvé le journal mauvais par rapport à ceux que je lisais : mal dessiné, trop grand format, papier déplaisant. Bref, je n'avais pas trouvé SPIROU sympa et je n'avais pas continué à le lire ! Et quand Charles Dupuis m'a envoyé chez Jijé pour recevoir des conseils, puis il m'a proposé de reprendre cette série, je l'ai découverte par les extraits qu'il m'en a montrés alors. Chose curieuse, j'ai commencé à dessiner le personnage sans avoir lu les travaux de mes prédécesseurs !

Franquin reprendra au vol, en juin 1946, un épisode commencé par Jijé, Les Maisons préfabriquées, pour mener ses héros de découvertes en triomphes, de personnages originaux en invention étonnantes, jusqu'à une ultime parodie d'adieu, Panade à Champignac en 1967.

L'habit du groom commençait à lui peser, comme la perfection un peu dérisoire du personnage. Il se retirera en laissant tous ces personnages à ses successeurs, à la seule exception du Marsupilami, sa création préférée dans ce cycle.

- Je me suis toujours senti un peu handicapé par l'animation du personnage de Spirou lui-même, avouera-t-il. Sa personnalité était un problème pour moi. Et je ne me suis pas toujours rendu compte lucidement qu'un héros comme lui ne peut justement pas avoir de personnalité, car il est là à la place du lecteur : il doit être « vide » de ce fait. Je n'ai jamais pu admettre ça et j'ai passé tout mon temps à me creuser les méninges pour essayer de lui donner une façon de faire, à défaut d'une façon d'être. Il a toujours été une petite marionnette, plus ou moins active certes, mais sans personnalité quand même. Tandis que devant Gaston, je me trouve devant un personnage « plein », à la fois héros et anti-héros…

1968

Le schmilblick va tomber sur un nouveau petit jeune, le Breton Jean-Claude Fournier (qui est alors bien loin d'entamer « Les Cannibales » !)

- J'avais l'impression de tourner un peu en rond avec Bizu, remarque Fournier. Jusqu'au jour où M. Charles Dupuis m'a convoqué pour me dire : « M. Fournier, voilà, on a pensé que ça vous intéresserait peut-être de reprendre Spirou… » Il fallait être fou, étant dessinateur débutant, pour accepter un truc comme ça et prendre la succession d'un génie comme Franquin ! Heureusement, celui-ci m'a donné quelques précieux conseils à mes débuts. Je m'étais dit que si, en plus, je n'avais pas le Marsupilami, ce serait une catastrophe !… J'ai demandé à Franquin s'il pouvait exceptionnellement me laisser son animal pour cette première histoire. Il a été tout de suite d'accord, mais il a tenu à le dessiner lui même. Je faisais les planches au crayon avant de les lui adresser ; il réalisait les dessins du Marsu et me les retournait ; ensuite j'encrais ma partie et j'expédiais à la Rédaction. Une vraie histoire de fous !

Du Faiseur d'Or (1969) à des Haricots partout (1979), Fournier va réaliser neufs albums de Spirou en lui imprimant graduellement sa marque, une gentillesse teintée de poésie, et quelques personnages bien à lui tels que la belle polynésienne Ororéa, le magicien nippon Itoh Kata ou le célèbre Ankou breton….

1980

Au seuil des années 80, l'industrialisation se profile à l'horizon. Certains responsables de l'édition déplorent la lenteur des artistes et rêvent d'un véritable atelier produisant à jet continu les aventures du héros. Tandis que Fournier travaille encore à de nouveaux projets, les initiatives se multiplient et entraîneront même à un moment l'existence parallèlle de trois Spirou différents dans le journal ! Tardivement informé de cette effervescence, Fournier passera élégamment la main afin de revenir à son univers breton.

Le français Yves Chaland fait un court galop d'essai avec une tentative de renouer graphiquement avec le style de Jijé et Franquin à leurs débuts. Sa nostalgie pour l'époque des années cinquante lui fait accomplir un retour en arrière qui sera prématurément interrompu en 1982 après deux douzaines de bandes. Le personnage doit aller de l'avant et vivre au présent, voire dans l'avenir, s'il veut garder la faveur des publics se renouvelant constamment. C'est la seule conviction partagée par tous ceux qui se penchent sur son renouvellement.

L'animateur liégeois Nic ( Nicolas) Broca est alors mobilisé avec le concours du scénariste Raoul Cauvin pour lancer un cycle d'aventures indépendant de celui commencé par deux espoirs, Tome et Janry.

- C'est le plus mauvais souvenir de ma carrière, soulignera Cauvin. On m'avait demandé de lui écrire des scénarios en me précisant qu'ils devaient être le plus simple possible. Je ne pouvais pas utiliser les personnages secondaires introduits par Franquin. Il fallait repartir de zéro et reconstruire autre chose. Après trois épisodes, nous avons arrêté les frais. Je tiens cependant à préciser que les albums se vendaient très bien et qu'aucun lecteur n'a écrit pour se plaindre de ce que nous avions fait de Spirou.

Ce Spirou sans calot et vêtu d'un costume rouge modernisé, sur un pull à col roulé, sera très fugitif car le choix s'impose rapidement.

- Assistants de Dupa, nous réalisions aussi, Janry et moi, des jeux pour le journal, rappelle Tome. Nous avions entendu dire que la rédaction cherchait des scénarios pour le personnage de Spirou, un concours avait été lancé et Alain de Kuyssche, le rédacteur en chef, m'avait proposé de m'y essayer. Je lui ai répondu que je voulait bien faire l'essai, mais que je ne faisais pas de scénario si Janry ne le dessinait pas. Il a relevé le gant !

Depuis leur premier essai publié en 1981, Tome et Janry ont développé leur propre conception du personnage, lui inventant de nouveaux comparses et des situations insolites à découvrir, cherchant à se renouveler constamment et à explorer de nouvelles voies.

Leur nouveau récit en est la preuve. Le groom éternel poursuit sa mue. L'habit a disparu, certes, mais le personnage prend chair dans un récit qui aurait paru surprenant aux jeunes lecteurs de jadis, mais qui s'intègre parfaitement à l'évolution de notre société.

Alors que tant de série vivent dans le passé et un acquis apparemment immuable, Spirou reste une éternelle création toujours renouvelée.

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