Les Innomables : le dernier album


Hong Kong retourne à la Chine

se dérobent et dévoilent les troublants dessous de l'événement !

 

Ce 1er juillet 1997, Hong Kong cessera d'être une colonie britannique et passera sous l'autorité de la Chine. Les Hong-Kongais ne deviendront pas maoïstes pour autant, mais l'avenir de ce symbole du capitalisme suscite beaucoup d'interrogations... et des scénarios !

En 1839, parce que les Chinois leur interdisaient le commerce de l'opium, les Anglais avaient acquis l'île de Hong-Kong. En 1898, ils y ajoutèrent le reste de l'archipel et une enclave continentale.
Ayant obtenu la gestion de l'ensemble pour 99 ans, les Britanniques firent rapidement de ce centre de pêche et de piraterie, un port de commerce très florissant. Son statut de zone franche sous tutelle anglaise la protégeant des guerres et révolutions qui secouaient la Chine, la colonie vit très vite sa population augmenter et s'entasser sur l'île de Hong-Kong, la ville continentale de Kowloon et les îlots de l'embouchure de la "Rivière des Perles".

Aujoud'hui, cette fourmilière humaine (plus de 4.500 hab. au km²) connaît une des croissances économiques les plus fortes du monde (6% par an). Ici, on vénère l'argent tout autant que Bouddha. Partis de rien et arrivés de Shangaï, de Canton ou d'ailleurs, les "Tycoons" (hommes d'affaires chinois) s'y sont bâti des empires colossaux dans l'import-export, la finance, l'immobilier, les transports...

En 1982, le "Petit Timmonier" Deng Xiaoping rappela à la "Dame de Fer" Margaret Thatcher qu'il était temps de songer à restituer cette "poule aux oeufs d'or". En 1984, Londres accepta de rendre Hong-Kong à Pékin.
Pendant 50 ans, seules les Affaires étrangères et la Défense y seront toutefois du ressort de la Chine...
D'ores et déjà, l'avenir de ce symbole du capitalisme à l'orientale suscite bien des interrogations. Personne ne se risque pourtant à énoncer un scénario sur l'évolution de la ville. Hormis bien sûr les scénaristes de bandes dessinées !
On reproche souvent aux auteurs de BD de se poser en marge des réalités et de ne proposer qu'une approche superficielle des mouvements du monde.
Apocalyptique, paradisiaque ou humoristique, leur univers se nourrit cependant des événements qui marquent leur quotidien et le nôtre. C'est généralement au départ de faits d'actualité que se développent leurs histoires.

Qu'ils soient réalistes ou qu'ils relèvent de la fantaisie la plus débridée, qu'ils évoquent le passé, se conjugent au présent ou spéculent sur le futur, leurs scénarios se constuisent sur base d'une documentation très poussée. Qui dit science-fiction, se réfère d'abord aux progrès de la recherche scientifique.
Quel que soit son style, l'aventure ne peut être crédible que si elle procède d'arguments vécus. L'authenticité des lieux où se déroule l'action suppose également une parfaite connaissance de la géographie, des coutumes et de l'architecture de l'endroit. L'imagination ne prend seulement le relais qu'après....

Créés en 1980 pour "Spirou" et heureusement ressuscités par Dargaud en 1994, les "Innomables" de Yann et Conrad offrent une illustration savoureuse de ce qu'un fait d'Histoire peut inspirer. Iconoclaste, cruelle, hilarante, cette série mythique constitue sans doute l'introduction la moins conventionnelleau destin de Hong-Kong.

En y situant un premier cycle de quatre épisodes et en exploitant humoristiquement tous les clichés, ses créateurs ont donné une vision délirante, mais historiquement juste, de la situation politique, sociale et économique de ce bout de terre sino-britannique coincé entre le libéralisme le plus agressif et le communisme le plus intransigeant.

Avec "Hong-Kong Machine", le 3ème album de leur série "Foudre" publiée par Le Lombard, Luc Dellisse et Christian Durieux ont choisi d'anticiper sur les événements. Livrés au chaos, l'ex-colonie britannique en est devenue le point de convergence de ceux qui se sont jurés la perte de l'humanité. Certes, on évolue ici en pleine science-fiction. Mais si, tout de même, le prochain millénaire leur donnait raison ? Une telle hypothèse ne relève pas seulement de la pure affabulation. Elle implique une analyse de la conjoncture plausible et elle instruit le lecteur de ses postulats réels.

La bande dessinée, miroir de la vie qui nous entoure et conservatoire de notre mémoire ? On rit beaucoup aux avatars rocambolesques des "Innomables". On frémit à la lecture de l'apocalypse annoncée par "Foudre". Mais leurs renseignements marqueront peut-être plus profondément que n'ambitionnent de le faire les média "sérieux".

Trois cent pages, cinq albums, sans compter les innombrables couvertures, les forces démocratiques de la République populaire de de Chine ne pouvaient en supporter plus. Trop, c'est trop ! Du coup, sentant le souffle du boulet, Yann et Conrad, les véritables investigateurs de cette farce néo-colonialiste, ont compris qu'il était grand temps d'exiler leurs Innomables.
C'est que le Peak hong-kongais, à l'aube du retour, le 30 juin, vers la terre promise chinoise, ne pouvait accepter de se voir ridiculiser par ce trio malfaisant. Mac, Tim et Tony, ces Yankees infréquentables, tout juste bons à promouvoir les portes décadantes du Lotus Pourpre, devenaient des Innomables indésirables sur cette terre riante promise au plus bel avenir.

Comment concevoir, alors que l'on est enfin parvenu à se dégager du joug colonial de la Perfide Albion, que ces ratés sans honneur et sans courage puissent continuer à souiller le sol de Hong-Kong-la-fière ? Un bout de terre qui, en l'espace de cinquante ans, est parvenu à se hisser au premier rang des puissances économiques par son esprit d'entreprise et à la seule force de ses jarrets musclés.

A la porte de l'Empire du Milieu, les six millions de Hong-Kongais vivent maintenant dans l'attente du grand jour. Ce jour funeste où ils pourront enfin retrouver leurs frères chinois (et tant pis pour Deng, s'il n'a pas pu attendre). Des retrouvailles qui n'auraient pu être envisagées en présence de ces trois aventuriers en mal de coups fourrés et de bassesses sans nom.

Même la clique des Jardine et tous ces autres descendants de pirates écossais ne pouvaient résister à la fulgurante progression des nouveaux fils de l'empire. Des Chinois sages et orgueilleux qui sont parvenus à amasser des montagnes de dollars américains qui leur permettent aujourd'hui de ridiculiser le monde et d'exporter aux quatre coins de la planète une image de gens racés et faisant preuve d'un goût indéniable. N'est-ce pas là, en effet, que l'on peut découvrir le plus de Rolls-Royce au mètre carré ? Et attention, ici, ces bolides, on les préfère roses ou argentés ! Quand on a de la classe, on le montre.

Et ce n'est pas Chris Patten, le dernier gouverneur anglais, qui va leur donner des remords, aux Hong-Kongais. Un personnage sorti tout droit d'un roman à la Graham Greene. Un scout catholique tendance travailliste perdu chez les Tories (vous y comprenez quelque chose, vous ?). Un homme bien dans la lignée des autres Anglais de seconde zone qui s'exilaient sur le Rocher pour tenter de se refaire une virginité.

Patten, lui, c'est encore mieux. Depuis qu'il a débarqué, il ne cesse de vouloir donner des leçons de démocratie (vraiment, de quoi il se mêle ?). Un paternaliste insupportable qui ne devrait tout de même pas oublier qu'il doit son parachutage doré à un échec électoral dans son minuscule fief de Bath (on vous le disait, toujours des losers !). Ils auraient pu faire un effort du côté de la Couronne britannique. En Inde, ils avaient tout de même envoyé un Lord. Ici, ils se sont contentés d'un ex-représentant à la Chambre des Lords. Heureusement qu'ils ne possèdent pratiquement plus aucune colonie, parce que, à ce rythme-là, pour les prochaines cessations de bail, ils seraient allés recruter dans les kilométriques listes de chômeurs. Encore un mot qu'on ne connaît pas du côté du Peak ! Et que les Innomables ne se fassent pas d'illusions, s'ils espèrent poursuivre leurs aventures en jaune en Corée, comme le voudraient ces sagouins de Yann et Conrad, ils peuvent s'attendre à un acceuil digne de ce nom.
Les oeufs de tortue, les Asiatiques n'en veulent plus ! Autant qu'ils le sachent !

Cloaques, 1ère Partie

La Mer de Chine, c'est fini. Nous voilà aux Etats-Unis, en plein maccarthysme. ("Pourquoi votre souris a-t-elle une culotte rouge, Monsieur Disney ?").
Tim, Mac, Tony et Raoul le cochon squattent un taudis dans un camps dirigé par le général Mac Ernest. C'est la belle vie, jusqu'à ce qu'un envoyé du Pentagone vienne prévenir Mac Ernest qu'il est attendu en Corée avec ses hommes parce que c'est la guerre. Ca tombe mal : Mac Ernest est entré dans l'armée pour avoir une grande casquette, pas pour se battre. Il vire donc l'envoyé du Pentagone.

Mais voilà que le petit Tim fait une fugue parce que personne ne l'aime. En fait, il a compris que c'était plus facile d'avoir des glaces à la fraise quand on est une petite fille : il s'est déguisé en fille et s'est baptisé Daphné. Ca marche : des messieurs cherchent à l'éventrer !

Pendant ce temps, McCarthy exhorte le monde à pulvériser la vermine communiste, et le camp de nos copains devient la cible idéale. Et pendant que les vaillants héros bombardent le camp, Mac prépare une bouffe grandiose pour le retour de Tim, qui a ramené avec lui une orpheline assez gironde baptisée Claire. Mais la vraie chouette surprise, c'est que Raoul le cochon est une truie, et ce que Mac prenait pour un ennui gastrique est le début d'une abondante famille.

Bilan de cet épisode totalement inédit : le camp est rasé, le gratin a brûlé, Claire veut (déjà) un enfant de Mac, le lecteur se réjouit de voir que Yann et Conrad ne faiblissent pas, et Raoul la truie louche de bonheur sur ses huit petits cochons. Tout va bien

Le coin des innomablophiles : il existe maintenant un poster intitulé "Les Innomables fuient Hong-Kong", et une silhouette en carton prédécoupée avec ex-libris signé et numéroté collé au dos.

Quant à la suite de Cloaques, 1ère Partie, qui risque de s'appeler Cloaques, 2ème Partie (mais on ne sait jamais), elle est annoncée pour la rentrée prochaine.

 

Extrait dossier de presse - Editions Dargaud, 1997

 


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