Le Pouvoir des Innocents T. 5 : Sergent Logan
Le découpage de Luc Brunschwig (suite 3)



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Case 1 : Retour dans le passé.
Nous sommes maintenant en 1975. Plan sur le visage de Joshua après 4 ans de captivité chez les vietcongs. Son regard est fixe, perdu dans le vague, le contour de ses yeux creusés, menton collé contre sa poitrine chétive. Ses cheveux sont longs, informes, partant dans tous les sens. Sa barbe est dans le même état, complètement hirsute. Son visage est terriblement émacié... tout son corps est devenu incroyablement maigre. C'est un zombie, dans un état encore plus triste que dans le tome 1. Une mouche est en train de se promener sur son visage impassible, entre l'oeil et la narine... Il porte toujours le même pyjama de prisonnier.
Le petit commandant : Mais, camarade... ce sont là d'incomparables réussites...
Case 2 : Plan de la cellule du tome 1.
Joshua est assis sur son lit, impassible, de 3/4 face. La mouche continue de marcher sur son visage. A côté de Joshua, debout, le petit commandant Vietcong et un vietnamien, portant une élégante veste à col Mao et un pantalon, noirs tous les deux, de grandes oreilles, des petites lunettes rondes... et une serviette en cuir sous le bras. Il est maigre, très raide. C'est un commissaire envoyé par le parti communiste.
Le petit commandant montre Joshua de la main, l'air déconfi... déstabilisé, plaidant sa cause. Le commissaire reste impassible.
Le petit commandant : L'irréfutable preuve du pouvoir immense de la psychologie !
Le petit commandant : Pourquoi me demandes-tu de m'en débarrasser ? Le parti peut être fier de ce que j'ai accompli !!!
Le commissaire : La guerre est finie, commandant. Ce qui servait le parti hier, peut, aujourd'hui, le desservir !!!
Case 3 : Joshua, de profil, la mouche est en train de marcher le long de sa lèvre supérieure... Logan ne scille pas.
Le commissaire : Vois ! Nos dirigeants ont promis la libération de tous les prisonniers américains !
Le commissaire : Imagine que nous leur rendions ces "choses" aux cerveaux anéantis ?! Que penseraient le monde de telles abjections ?
Case 4 : Plan sur le visage inexpressif du commissaire vietcong.
Le commandant : Camarade, voyons... le parti se moque bien de savoir ce que pense le monde...
Le commissaire : Officiellement exact, commandant ! Mais officieusement, nos dirigeants souhaitent que certaines "tâches" ne viennent pas ternir leur victoire !
Case 5 : Même plan que case 3, mais petit zoom avant, alors que la mouche vient de passer sous le nez de Joshua et s'apprête à monter sans effort sur la pointe du dit nez.
Le commissaire : Ils veulent que l'horreur reste associée aux seuls américains.
Le commissaire : Des millions de personnes à travers le monde ont manifesté en notre faveur contre le napalm et le massacre des innocents !!!
Case 6 : Plan sur le petit commandant Vietcong, de plus en plus déçu, grimaçant, suppliant, alors qu'à côté de lui, le commissaire reste d'une totale impassibilité..
Le commissaire : Notre pays est exsangue, commandant... Nous avons besoin que le soutien de ces gens nous reste acquis !
Le commissaire : Ne leur donnons pas de raisons de se retourner contre nous !
Le commandant : Mais, camarade... c'est... c'est injuste... je... je comptais publier le résultat de mon travail ! Je...
Case 7 : Même plan que case 3 et 5, mais cette fois zoom arrière alors que la mouche s'envole du front de Joshua, perturbé par le soudain hurlement du commissaire.
Le commissaire : C'EST UN ORDRE, COMMANDANT !!!
Case 8 :
Au premier plan : Le commissaire s'avance vers nous en ayant retrouvé son calme parfait.
Au second plan : Le petit commandant, les épaules basses, les bras serrés le long du corps, baissant la tête en un au revoir plein de déception.
Au troisième plan : Joshua, assis sur son lit, zombie amorphe, au regard perdu.
Le commandant : Bien, camarade...
Le commandant : Il en sera fait selon ta volonté !!!

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Case 1 : Nous sommes dans une zone de jungle, sur une petite falaise herbue bordant une grosse rivière. Le temps est exécrable. Des nuages verdâtres, lourds, gorgés de pluie roulent dans le ciel. Une pluie fine commence à tomber.
Le petit commandant attend, les bras croisés derrière le dos, un peu à l'écart de ses soldats en train de préparer les prisonniers à l'exécution. Des soldats vietnamiens armés de fusils surveillent des feus en train de s'éteindre (ce sont les uniformes des prisonniers qui viennent d'être brûlés) et un groupe d'une dizaine de soldats américains, dépenaillés, maigres à faire peur, hagards, agenouillés sur le sol. Les américains sont nus comme des vers. On n'en apprécie que d'autant mieux leur maigreur cadavérique.
Un soldat sort du groupe et s'approche du commandant. Il le salue, très droit, très militaire.
Le soldat : Nous avons fini de préparer les prisonniers, commandant ! Plus aucun lien ne les rattache, désormais, à notre camp : leurs uniformes ont été brûlés et les chiffres, tatoués sur leurs bras, effacés à l'acide !
Le soldat : Une fois morts, la rivière se chargera de disperser leurs corps dans toute la région !
Case 2 : Plan sur le petit commandant.
Il se tourne vers les prisonniers (hors champ) sur le point d'être exécuté, bras toujours derrière le dos. La pluie dégouline sur son visage et laisse retomber sur son front une ridicule mèche de cheveux humides. Il regarde les prisonniers, l'air incroyablement troublé. Des milliers de sentiments contradictoires se bousculent dans sa tête. Il est pris entre son voeu d'obéissance au parti et son désespoir de voir réduit à néant des mois d'expérimentation sur la psychologie humaine.
Le soldat : Nous n'attendons plus que votre ordre d'exécuter, commandant !
Case 3 :
Au premier plan : un prisonnier américain, sans réaction, visage légèrement penché vers le sol, cheveux et barbe noires, yeux hagards, nu et agenouillé.
Une main vietnamienne place un revolver contre sa nuque et ramène le percuteur du revolver vers l'arrière, prêt à faire feu.
Au second plan : Le soldat toujours planté, au garde à vous, près du commandant, ainsi que le commandant, bras derrière le dos, de trois quart face, qui regarde son soldat prêt à abattre l'un des prisonniers.
Case 4 : Même cadrage que case 3, sauf que le commandant se précipite à grandes enjambées en direction de du soldat en premier plan, agitant les bras, l'air d'un fou. Le soldat au garde à vous, le regarde passer près de lui, stupéfait.
Le commandant : Non ! Attendez ! Pas comme ça !
Le commandant : PAS COMME CA !!!
Case 5 : Le petit commandant se retrouve au milieu des soldats américains à genoux et de ses soldats prêts à les exécuter. Avec vigueur, le visage fiévreux, il relève le prisonniers aux cheveux et à la barbe noirs.
Le commandant : Pauvres abrutis ! Vous ne voyez donc rien ?!
Le commandant : Ces hommes ont-ils l'air de bête féroces, qu'il vous faille des armes à feu pour les supprimer ???
Case 6 : Sous le regard complètement ahuri de ses hommes, le petit commandant fait s'avancer le prisonnier, complètement nu, maigrichon, vers la caméra. Le pas est précipité malgré le regard sans vie du prisonnier, qui se laisse guider par l'officier vietnamien sans rien dire.
Le commandant : Non ! Non ! Je les ai métamorphosés... rendus plus dociles que des nouveaux-nés ! Voyez... vous pouvez faire d'eux ce que vous voulez !
Le commandant : Bien sûr, ils ont l'air vivants, comme ça... mais j'ai anéanti en eux les principes même de la vie : l'envie, le désir, la volonté...

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Case 1 : Plongée. Le commandant et son prisonnier s'avance à grande vitesse du rebord de la falaise. Au pied de celle-ci, à 10 ou 15 mètres en contre-bas, les eaux de la rivière, gonflées et rendues furieuses par les pluies, se déverse en grondant. La flotte est boueuse et charrie des tonnes des troncs d'arbres flottant, des feuilles. L'eau écume.
Le commandant : Aujourd'hui, nous pouvons les conduire à leur propre mort sans risquer la moindre résistance de leur part !
Le commandant : Rien ! Pas même un tressaillement !
Case 2 : Contre-plongée.
Au bas de l'image, l'eau écumante et furieuse de la rivière. Au-dessus, se dresse la falaise, rocheuse. Le commandant précipite le corps du soldat américain, nu, dans le vide, direction la rivière. Le soldat chute sans faire le moindre mouvement, ballotté comme une feuille, comme si il ne se rendait pas compte de ce qui est en train de lui arriver.
Case 3 : Contre-plongée.
Plan sur le petit commandant Vietcong. Son visage est illuminé d'une joie délirante. Il pointe un doigt triomphant en direction de l'homme (hors champ) qu'il vient de précipiter dans la rivière. C'est comme si il avait apporté l'ultime preuve démontrant la parfaite réussite de ses expériences psychologiques. La pluie est de plus en plus forte et s'écrase en grosses gouttes sur son visage... mais il n'en a que faire.
Le commandant : REGARDEZ ! Mais regardez ça !
Le commandant : Admirez mon succès, comme il est total, absolu !!!
Case 4 : Plan sur le prisonnier, qui s'enfonce dans les eaux tumultueuses de la rivière, cernés des dizaines de saletés charriées par les eaux, alors que la pluie dessine des centaines de ronds autour de lui. L'homme ne fait pas le moindre geste pour surnager. On dirait un mannequin inerte qui se laisse emporter sans rien dire.
Le commandant : HA ! HA ! HA ! J'ai réussi à supprimer chez l'Homme les instincts les plus primitifs !
Case 5 : Même cadrage que la case 4.
Plan sur ce qui transparaît encore du prisonnier, à savoir, un peu de cheveux à l'arrière de son crâne et un bout de son dos. Le reste a déjà été englouti par la rivière furieuse.
Le commandant : Même son réflexe de survie... Même ça, je le lui ai volé !
Case 6 : Le commandant se tourne vers ses hommes et les invective, leur ordonnant de faire comme lui... Il est hystérique. On voit ses soldats qui relèvent précipitamment les militaires américains encore à genoux.
Le commandant : Allez ! A votre tour, maintenant ! Amenez-les par ici !
Le commandant : BALANCEZ-LES A LA RIVIERE !!!
Case 7 : Plan sur Joshua et l'un des militaires vietcong. Le soldat a enfoncé ses doigts dans le biceps de Joshua et passé son autre main sous l'aisselle de Logan. Il lui crie dessus comme si ses cris allaient réveiller Joshua. Mais celui-ci reste aussi amorphe qu'avant. Il se contente de se laisser bousculer et guider par le soldat vietcong
Le soldat : Allons, fils de pute ! AVANCE !!!
Case 8 : Plan au bord de la falaise. On voit juste le soldat précipiter Joshua dans le vide.

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Le découpage des planches précédentes :

Images Copyrights © Hirn & Brunschwig - Editions Delcourt 2002


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