Les 475 critiques de Coacho sur Bd Paradisio...

Oh bon sang, j’ai envie de vous en parler de ce petit album… Mais quand j’ai envie de communiquer, ça prend souvent des tournures tartinesques et je ne voudrais pas écrire plus que les 54 pages de « Marilou » ! En tout cas, je le dis en introduction, c’est un vrai coup de coeur ! D’abord parce que Capucine nous prend à contre-pied avec cet album infiniment plus glauque que sa splendide histoire de grossesse contée dans « Corps de rêve » , ensuite parce que le scénario d’Olivier Ka, le frère de Mélaka, est vraiment fin et fort, aussi paradoxaleque puisse paraître cette précision ! Tout d’abord, la couverture. Elle est absolument hyptnotique. On y découvre Marilou, jolie jeune fille brune aux grands yeux et à la poitrine généreuse, qui semble intimidée, mal à l’aise, dans l’ombre barbapapesque de celui que l’on découvrira comme étant Philibert. Marilou est belle et indépendante, elle travaille dans un grand magasin dont les publicités permanentes abrutissent autant les chalands que le personnel, mais Marilou, c’est surtout une fille seule, sorte d’exilée de l’amour qui semble la fuir… Comment appuyer sur les ressorts émotionnels de cet album sans dévoiler les surprises qu’il recèle ? Parce que cet album, c’est celui qui retrace la courbe sinusoïdale des vagues à l’âme de cette jeune fille qui pourrait être n’importe quelle amie de notre entourage. Déprimée, elle se réfugie dans le confort de ses repères, acceptant avec résignation cette solitude contrainte et forcée au point de considérer son insignifiance comme sa normalité. Quand on fait correspondre tout son environnement à sa perception personnelle de l’univers… Cette sensation est grandement renforcée par le lettrage de Capucine… Une écriture manuscrite qui ne comporte que peu de majuscules, celles-ci étant réservées aux seuls noms propres du livre, et créent ainsi une sorte de monotonie en adéquation avec l’effacement du personnage de Marilou. Cette petite et relative tranquillité sera perturbée par l’arrivée d’un jeune homme, Christophe, qui va créé un conflit intérieur, partagée par ce nouveau désir de changement, et sa crainte de fuir son immobilisme. Se sentant, par fois coupable, parfois heureuse, elle lutte contre ses dualités qui la déchirent et rend des comptes à Philibert, cet informe ami, seule présence qu’elle s’accorde… Mais Philibert n’est autre que la matérialisation, la sommation, de ce que l’on pourrait qualifier de conscience, de son mal-être, de sa déprime. Ces conflits vont conduire Marilou à de profonds bouleversements comportementaux qui la conduiront, telle l’écorchée vive qu’elle est, aux phases paroxysmiques des sentiments qu’elle peut éprouver, décuplant ainsi leurs effets. Sa peur et ses blocages, l’abandon de ses repères pour l’aventure amoureuse, la rendront excessive mais aussi autodestructrice (pages 29/30/33). En haute dose de stress, elle se rendra dans des endroits intimes pour tenter de se reconstruire, ou se rassurer (club de célibataires dans lequel on reconnaît d’ailleurs Libon, Mélaka, Boulet et d’autres) ou bien jalousera ce qu’elle ne peut pas avoir, sans comprendre pourquoi elle ne peut pas l’avoir, cet amour… C’est fluide, beau, lisible, poétique, troublant, fin, très en phase dès lors que l’on comprend le mécanisme amoureux de Marilou, et on se prend d’affection profonde pour cette jeune fille qui s’isole de ne pas savoir s’ouvrir aux autres… Une fragilité dont certains abusent (scène de l’odieux boucher où elle s’abandonne) et qui est malheureusement si commune dans la brutalité du quotidien… Un superbe album que j’ai adoré et que je vous recommande chaudement. Capucine, 2 albums, 2 réussites…
Et voilà, Yves Sente m’a eu ! Pour clôturer ce diptyque riche en rebondissements, le scénariste des derniers Black & Mortimer se lâche dans un feu d’artifice de révélations plus surprenantes les unes que les autres tout en gardant une cohérence implacable. Il en profite pour mêler à ce récit de grands noms de la littérature et de la musique du 19° siècle avec une fluidité déconcertante. Et que dire des huiles de Rosinski ? Ben pas grand-chose… On reste admiratif devant ces planches dont les originaux pourraient faire de beaux tableaux dans nos salons et ne dépareilleraient pas dans les galeries d’Art. C’est magnifique. Le point négatif reste pour moi cette satanée police de caractères trop uniforme et qui manque de personnalité… Mais c’est un détail ! En parlant de détails, je vous recommande chaudement la relecture et l’analyse de la case 1 de la page 35. Rosinski nous fait une belle bourde qui pourrait figurer au panthéon des pinailles chères à BoDoï (Si, si, regardez bien son bras droit… et mettez cela en parallèle de l’histoire… !). Quoi qu’il en soit, une bien belle série rondement menée et qui s’achève en soulevant plus que de l’intérêt !
Je me suis laissé convaincre par Seizon Life suite à de bons retours sur le forum et aussi parce que je n’allais pas me laisser embarquer dans une histoire en 100 tomes ! En effet, 3 albums constituent cette série de Fukumoto dessinée par Kawaguchi, le mangaka qui oeuvre sur Zipang. L’idée est assez enthousiasmante et forte en émotions puisqu’il s’agit de suivre l’enquête d’un homme qui veut trouver l’assassin de sa fille avant de lui-même mourir du cancer que l’on vient de lui détecter… Un temps on va découvrir le personnage, un autre on va le suivre sur la piste qui le mènera à cet assassin, et au dernier temps on le verra fin stratège pour le confondre et réussir à lui faire avouer son crime. Il est vrai que les situations qui nous sont proposées sont émotionnellement éprouvantes mais cependant, entre les codes spécifiquement manga avec lesquels j’ai toujours autant de mal (merci Urasawa), et indices trop minces pour être crédibles, on finit par se détacher de l’idée initiale. Ce qui fait que je n’ai pas senti l’aspect feuilleton ni même trouvé le découpage aussi efficace que d’autres mangas et je sors finalement un peu déçu de cette lecture. Pourtant, de très bonnes idées sortent de cette trilogie mais mises bout à bout, elles constituent une trame trop légère pour me la rendre assez crédible. Je ne suis donc pas fan, ce qui ne vous empêche pas de vous faire un avis par vous même…
En grand fan de Morgan Navarro, j’attendais avec une certaine impatience ce nouvel opus paru dans la collection Bayou dirigée par Joann Sfar. On retrouve le jeune dauphin Flip, son frère Goul et ses amis Swan et Kriss dans les aventures de leur quotidien pré-adolescent. Pendant les vacances scolaires, ils vont s’adonner aux bêtises de l’oisiveté et faire du skateboard. Sur fond de dispute conjugale, Flip se réfugiera dans le dessin et sèchera ses larmes en réalisant des histoires qui mettront en scène son grand-père marin et les vahinés qu’il rencontre durant sa jeunesse. La peur de voir les choses changer, les premiers vols, les premiers désirs aussi… Tous les ingrédients sont là. Oui, mais voilà, pour cette fois, la sauce n’a pas pris. « Flipper le flippé » était vraiment corrosif et c’est donc inévitablement vers « Flip » que se tourne la comparaison et là où les fils étaient tissées avec finesse et clairvoyance, ceux de « Skateboard et vahinés » sont bien plus gros et le récite y perd beaucoup en qualité et en fluidité. Nous avons droit à une succession de scènes diverses qui manquent de liant et rendent inversement plus froid cette histoire qui aurait pu gagner en puissance évocatrice comme le précédent ouvrage de l’auteur chez Bréal Jeunesse. Le dessin n’est pas en cause, et on y voit par ailleurs des clins d’œil sympas à Hergé, Thorgal, DBZ ou aussi à Ferraille, mais je vous recommande plutôt les 2 autres titres cités dans ma chronique avant celui-ci et inversement, si vous venez de commencer par celui-ci, ne vous arrêtez pas à cette impression mitigée qui pourrait vous couper de 2 autres superbes livres.
Nouvelle mouture des aventures de la délicieuse petite Marie. Tehem a délaissé les gags en une planche au profit d’une aventure en 48. Et il faut bien noter l’affadissement de la sauce qui faisait sourire auparavant. Quoi qu’il en soit, il se permet des gags et des jeux de mots à plusieurs niveaux lectures dont celui sur les Kajagougous qui se permettent l’incantation Cha¨chaï euch euch aïe tou aïe qui devrait rappeler certains dance-floors aux plus de 30 ans ! ;o) En tout cas, cet album permet de confirmer si besoin était le talent d’Olivier Supiot qui croque des monstres vraiment délirants et surtout utilise une palette de couleurs vraiment magnifique. Dommage que ça ne soit pas plus drôle…
Période de lectures jeunesse pour moi… Et voilà de nouveau un Boulet qui sort juste après le quasi collectif Miya et juste avant le Donjon que tout le monde attend ! Bon, les gags sont toujours liés à une anecdote scientifique et tente d’humoristiquement décortiquer quelques phénomènes qui deviennent prétexte à de bon gros délires. Des 3 albums de cette série, c’est celui qui est le plus abouti graphiquement. On retrouve des dessins simples, lisibles et ronds, puis des situations amusantes, puis des couleurs chatoyantes comme celles que l’on trouve parfois sur son blog, et parfois de belles doubles pages foisonnantes de ces détails qu’il affectionne tant… Et puis cette façon de faire les dents de ses personnages, ça me fait rire à chaque fois (qui a dit que je suis bon public ? ;o)). Les références sont nombreuses et ses amis fort bien représentés (Mélaka, Libon, Capucine, etc…). Drôle, sympa, encore un chouette petit album de Boulet que l’on attend maintenant ailleurs… Tin din din ! ;o)
Krassinsky le touche à tout. Après le métaphysique « Kaarib », « Le miam de Moute » et les peluches d’AK, le voilà sur un terrain peu commun en Bd. En effet, il va laisser la place à des héroïnes replètes et grassouillettes qui, si on peut encore chercher des clichés ou des situations convenues, n’en restent pas moins plus que séduisantes. En 5 nouvelles, il va s’amuser de certaines réflexions, développer des caractères plus timides, ou plus affirmés, ou encore vengeurs et tendra à magnifier ces filles d’une façon que je reconnais avoir appréciée. Les gènes, les jeux, l’ironie du destin (fin de la 5° histoire), ça fleure bon la comédie de mœurs et c’est agréable à lire. Au niveau du dessin, c’est un peu raide et manque de décors. Enfin, de manière plus uniforme car il y a des cases très détaillées (Viking veut, viking prend) et d’autres plus vides (Sexy girl). Il joue bien des situations et des sentiments, assez habilement en fait. Une remarque sur l’histoire « Luigi ». Un français vient rendre visite à son ami italien. Leur échange avec « accent italien » m’a un peu gonflé. Dans le sens, rapide, où soit les deux parlent italien, soit les deux parlent français. Donc soit l’un a un accent français à son italien (la lecture en italien serait plus compliquée sur le marché français !), soit l’autre a un accent italien à son français ! Mais le français ne peut pas avoir d’accent italien à son français bordel ! Enfin, une veine plutôt intéressante à découvrir et j’attends le 2° tome pour affiner mon avis…
Encore une production Morvan ! Là, il s’agit d’un album mixte qui réunit Orient et Occident. En effet, sur un scénario signé par un des plus prolifiques auteurs de Franco-Belge, nous avons le plaisir de découvrir le mangaka Toru Terada. Cet album livre donc un trame qui ne nous est pas étrangère mais avec un découpage et une narration à la japonais, composés de cases « d’action à action » et « de sujet à sujet » comme les définissait Scott McLoud dans « L’Art Invisible ». Qu’est-ce que ça donne ? Et bien quelque chose d’étrange et pourtant avec un goût de déjà vu… En tout cas, Morvan sait toucher juste en mettant des enfants en scène et en ne ménageant pas ceux-ci, c’est le moins que l’on puisse dire… Histoire d’une grande violence avec des passages vraiment sanglants, nous allons découvrir la vie dorée d’une partie privilégiée des enfants et celle beaucoup moins rose des enfants d « petit monde ». 80 pages de mise en bouche, mais comme toujours avec Morvan, la dernière planche, la dernière case, laisse le lecteur hors d’haleine et on a hâte de découvrir cette suite… Une bonne introduction en somme, que je vous conseille ! Vamos !
Que dire de cette enthousiasmante collection Gallimard, de cet album ? Sfar dirige la collection Bayou qui nous vaut déjà un Morgan Navarro, un Gipi, un Oubrerie et, donc, un Sfar ! Mais un copieux, un dense, un qui danse ! Dans un maelstrom de couleurs, Joann Sfar nous entraîne dans cet Est Ukrainien dont la froideur sera cassée par cette entêtante musique juive si spécifique. Les personnages sont attachants, tendres et cruels, et l’histoire, comme à l’habitude avec cet auteur, est truculente, riche, enlevée, joyeuse… Il y a un truc qui fait que vous ressortez de la lecture de ce livre avec une pêche bien réelle. Les explications en fin de livre sont passionnantes, bref, une réussite, une Sfarite, c’est ça quoi !
3° sortie dans la collection « Eprouvette » de l’Association. Le thème de celle-ci est la réflexion générale sur la bande dessinée et l’album de Nicolas Malher s’inscrit donc dans cette continuité de la problématique soulevée par JC Menu. En axant sa réflexion sur le questionnement de Madame Goldgruber, son Inspecteur Fiscal, Malher met chaque artiste face à son public néophyte. Comment expliquer l’Art à ceux qui n’ont pas assez de clés pour ce faire ? Tout au long de ces douze chapitres, l’auteur nous présente des anecdotes souvent burlesques (son boulot au vidéo club est excellent) qui le mettent en scène dans des situations d’incompréhension totale. C’est fin, drôle, mais finalement pas aussi passionnant que « Plates-Bandes » ni moins prenant que « Désoeuvré ». Un livre qui parlera plus évidemment aux auteurs eux-mêmes (d’ailleurs l’origine de ce livre est d’être le catalogue d’une exposition consacrée à Malher lui-même) qu’aux lecteurs un peu Goldgruberiens que nous sommes ! Pour les aficionados.
« L’Esprit du temps » est le premier tome d’une trilogie qui s’annonce d’une grande richesse. Tout d’abord pour ce travail biographique réalisé sur ce personnage tristement célèbre qu’est Fritz Haber, Prix Nobel de chimie en 1918. Ce juif-allemand-suisse aura durant sa vie développé des travaux scientifiques de premier ordre mais dont l’utilisation restera dans les annales comme les plus meurtrières. En effet, en 1917, il créa le gaz moutarde qui ravagea et décima les armées franco-anglaises, et, en 1920, il créa un gaz qui restera péniblement dans les mémoires : le zyklon B. Mort en 1934 alors qu’il devenait sioniste, il n’aura pas le malheur de connaître l’utilisation odieuse de sa création dans les camps de la mort… Bourreau de travail, ambitieux, intelligent, on découvre un personnage mal à l’aise avec sa condition, ses racines, et prêts à beaucoup de choses pour sa réussite. De l’entreprise paternelle aux plus grandes universités, il vit mal certains de ses échecs, passe à côté de sa vie de famille, et se consacre tout entier à la recherche… David Vandermeulen s’attaque à un chapitre délicat de l’Histoire en parlant de cette homme de contradictions qu’est Fritz Haber mais il le fait avec brio. Tout d’abord, les dessins sont comme vieillis par cette espèce de lavis à la sanguine délavée et renforce l’impression de document d’époque. Ensuite, il y a ces cases de transition, comme des voix off, qui reprennent la présentation des cadres noirs des films muets de l’époque. Et puis les dialogues sont mis en bas de chaque case, à la façon d’un sous-titre, et rythment l’histoire en donnant une sorte de monotonie et de pudeur qui contraste avec les violences émotionnelles certaines ressenties par Fritz Haber, mais aussi sa compagne, la dévouée Clara. Pages de grande qualité, textes impeccables, il n’y a qu’une erreur irritante à la case 1 de la page 112 et l’emploi de cet abominable « malgré que » mais il s’agit là de pinaillage tant les 156 pages de ce premier album sont remarquables. J’ai hâte de découvrir le traitement de la suite de cette biographie qui s’avère passionnante.
Dans ce 4° album, on retrouve avec plaisir les protagonistes affreux que sont les personnages de Relom et on redécouvre avec joie Roudoudou, le loup-garou végétarien ! On continue de s’enfoncer toujours plus loin dans le sexe sale, le gore, le choquant, le scatologique, tout est sans foi ni loi, José tombera enceint, c’est hard, ignoble, sans concession, d’un humour très corrosif mais… ça marche et c’est drôle, furieusement drôle ! A ne pas mettre en toutes les mains bien entendu, mais ces tranches de vie sont absolument hilarantes et dérangeantes, jubilatoires et font un grand bien, comme un rire sadique et sardonique !
Faut bien être fidèle à une série pour continuer d’acheter aveuglément chaque nouveauté… Qu’en est-il de ce tome 7 ? Je ne sais pas vraiment… Est-ce le niveau de la série qui baisse ou ne suis-je plus du tout réceptif à une recette éprouvée maintes fois ? L’histoire se laisse lire mais elle ne réserve pas de surprise agréable, nous livre quelques clichés plutôt moisis (l’embrassade de Carmen et Russel…), les personnages sont à la limite de la caricature, tout cela manque de souffle, d’inspiration… Duval n’y croit peut-être plus autant ? Le dessin m’a l’air d’avoir pris une sacrée baffe et je le trouve étrangement peu attirant, avec des couleurs qui n’ont de flashy que la couverture… Bref, je ne suis pas convaincu mais je me laisse encore un tome… Fidèle je suis même quand c’est dispensable !
J’ai attendu la sortie du 2° tome pour enfin lire le 1°. Quand on a du retard de lecture, c’est chose aisément planifiable ! C’est donc avec un peu d’appréhension et sceptique que j’ouvrai ce livre, parce que j’en n’avais pas entendu dire que du bien, et que je m’abandonnai… Ma première impression fût celle d’un étonnement ravi à la découverte des planches de Rosinski que je n’avais plus lu depuis de vieux et poussiéreux Thorgaux… C’est tout simplement magnifique, époustouflant, tout est tableau, peinture… Remarquez, vu que le sujet est justement le monde de la peinture au 19° siècle, ça aide. Une seule chose entache quelque peu le décorum, c’est sûrement cette hideuse police de caractères utilisée pour emplir les phylactères… Dommage… Cette histoire de procès est traitée comme beaucoup d’ouvrages ou de films… Après une courte introduction qui présente habilement les personnages, on se dirige vers un tribunal puis, entre plaidoiries et témoignages, de multiples flash-back sont proposés pour comprendre ce qui nous a conduit à cet endroit. Bien entendu, révélations spectaculaires, contre arguments, affrontement techniques, tout est là pour faire de ce récit quelque chose de somme toute assez classique. Ceci étant, je sais que le tome 2 se révèle surprenant et bien plus alléchant, faisant de ce diptyque une vraie grande et belle histoire que j’ai hâte de découvrir. J’y vais de ce pas, vous laissant avec l’envie moyenne de vous conseiller ce premier tome !
Dans cette seconde partie des « Sept cœurs d’Arran », les découvertes et autres révélations macabres viennent nous éclairer sur le fond de cette histoire, mais aussi sur le rôle d’Algernon Woodcock. Toujours accompagné de son fidèle ami, William McKennan, il va se lancer à la poursuite de Maskew et de son âme damnée Ontlake Browne à travers les landes de l’île d’Arran. Durant cette haletante course poursuite, il nous sera révélé plus de détails sur la fameuse « Dame sans coeur » et le pourquoi de ses ignobles agissements… Mais, et ce n’est pas pour déplaire aux plus cartésiens d’entre nous, Algernon Woodcock recevra des révélations importantes sur son nouveau statut, et nous par la même occasion ! Dans des images féeriques teintées de bleu et de blanc, ce peuple caché qu’il voyait par intermittence de son œil Fé révèlera partiellement sa destinée et ce qu’il attend d’Algernon. A défaut de savoir qui il est, il va savoir pourquoi il est, ce qui n’est pas rien… Et réconciliera tous ceux qui semblaient égarés par les 2 premiers tomes avec une série d’une grande intelligence et d’une beauté absolue. Une brillante adaptation de Mathieu Gallié superbement mise en image par Guillaume Sorel. Ne passez pas à côté, ne vous arrêtez pas dans l’incompréhension… On en redemande !
Je suis admiratif du travail de Guillaume Sorel. Ses couvertures, son trait, ses couleurs, il me conduit à chaque fois où il a envie de me conduire, et toujours avec talent… Les ambiances, les éclairages, sans esbroufe, il place le lecteur dans le ton exact du récit en l’occurrence celui de l’adaptation de Mathieu Gallié. J’ai souvent remis à plus tard l’ouverture de ces ouvrages car les 2 premiers étaient beaux, mais déroutants… A la limite de l’imbitable ! Et pourtant… En possession du diptyque, j’entamais ma lecture… 5 années sont passées et on retrouve Algernon Woodcock en professeur d’anatomie après avoir écumé tout ce qui se faisait de diplômes dans sa discipline… Le voilà réquisitionné par l’Instance Supérieure Juridique de l’île d’Arran pour aller y effectuer une expertise. Bien évidemment, l’univers de ces recherches sera teinté de mystères. Dès les premières pages, on est happé par l’ambiance sombre et inquiétante qui se dégage de l’album. Algernon Woodcock semble apaisé mais pas complètement en paix avec ce qui lui est précédemment arrivé. Les 7 premières pages sont dans ce teint à la sanguine qui rappellent les scènes fortes de son « Mother Sarah », grand souvenir personnel… Sans dévoiler le sujet, ni vous révéler quoi que ce soit, sachez que vous continuerez d’être surpris, et épouvantés, par ce qui se passe sur l’île où sévit « La dame sans coeur », une femme qui n’a pas hésité à manger le cœur de sept fillettes à des dates très précises… Scènes suffocantes, éprouvantes, étouffantes comme celle des pages 32 et 33, rythme, découverte, rassemblements étranges, amours illégitimes… Tous les ingrédients d’une histoire peu commune sont réunis pour notre plaisir. Que dire de la dernière page, la soixantième ? Bravo messieurs les auteurs, c’est superbe…
Je regardais la bande-annonce du nouveau film de Marc Levin, « Les protocoles de la rumeur », et je m’étonnais que le cinéma offrait en même temps que la bande dessinée une analyse des tristement célèbres « Protocoles des sages de Sion ». Bien qu’il fut démontré assez tôt (début des années 20 si je ne me trompe pas trop) la vacuité de cette supercherie, ces protocoles semblent connaître un regain d’intérêt pour des populations sujettes à la xénophobie. Et pourtant, les premières images du film de Levin étaient édifiantes. Un jeune afro-américain haranguait la foule pour les avertir du péril juif… Il en allait même à dire que l’Amérique était juive, et que le Maire de New-York, M. Bloomberg, donnait tout pouvoir aux fils d’Israël. Le réalisateur lui disait alors que le précédent Maire était italien, et que son nom (Rudy Giuliani) ne pouvait pas entretenir de quelconque équivoque. Ne se démontant pas, et avec toute la mauvaise foi qui le caractérisait, ce jeune homme affirmait que l’italien était juif, son nom étant Jew-liani… Atterrant… Je vous passe le moment succulent durant lequel on voit un propriétaire d’une boutique qui vend des objets dédiés au culte nazi (incroyable !) auquel on évoque la possibilité qu’Hitler ait pu avoir du sang juif et qui rétorquait qu’il était impossible que cela soit le cas car sinon, Hitler se serait suicidé et que tout le monde sait qu’il n’avait pas de tendances suicidaires… En cela, il était donc nécessaire que ce film paraisse, et que Will Eisner nous laisse en héritage ce livre qui fut assurément le plus long combat de sa vie … Mais justement, mes digressions nous avaient éloignés du livre et pourtant, il nous faut bien aborder celui-ci dans une chronique dédiée à la bande dessinée ! Cette livraison post-mortem de celui qui est devenu une référence unique dans le monde du roman graphique est un travail étalé sur plus de 20 ans de recherches… Avec une grande précision historique et didactique, Will Eisner va nous montrer la genèse de ce pernicieux texte odieusement recopié sur un ouvrage de fiction du 19° siècle (Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu) et surtout sa persistance destructrice au travers du siècle dernier, ainsi que les tristes conséquences historiques que nous lui connaissons… Ne pouvant pas rendre avec exactitude l’ampleur de cette campagne désinformatrice, ni même avec quelle force la rumeur aura enflée jusqu’à sa résurgence aujourd’hui, Will Eisner s’est appliqué à articuler son rapport sur quelques personnages identifiables et qui permettent de synthétiser sa pensée… Avec amertume, ironie et cynisme, il va montrer combien est tenace cette supercherie et qu’elle continue d’alimenter une haine xénophobe malsaine. Dans son style graphique inimitable, Will Eisner continue d’envoûter le lecteur. Qu’il soit beau, froid, souillé, clair, aéré, fouillis, son dessin est toujours d’une remarquable lisibilité et inspire le plus grand respect. Arrière-plans en lavis, travaux précis à la plume, les expressions, les attitudes, les ambiances, tout est d’un niveau complètement hallucinant qui nous fait regretter toujours plus sa disparition… D’un point de vue narratif, il y a plus à discuter semble-t-il… En effet, il est reproché à Will Eisner d’avoir livré une oeuvre qui tient le lecteur par la main plus qu’il ne lui suggère de comprendre. Notamment pendant les 17 pages qui constituent la décortication de ces protocoles, copies exactes du livre de Maurice Joly… Cependant, il me semble que le coeur qu’il mettait à l’ouvrage concernant ce rapport correspondait à son envie de faire quelque chose de réel, et plus du roman. Ainsi il s’oblige à être précis, pointu, didactique, pédagogique, ne livrant pas un de ses travaux sublimes qui nous ont tous conquis, mais bel et bien une oeuvre qui pourrait être étudiée scolairement. En ce sens, si déception il y a, c’est peut-être de ce côté là que l’on peut la trouver. En revanche, à l’image de « La guerre des tranchées » de Tardi, « Le complot » est un livre qui doit être pédagogiquement montré aux jeunes générations pour tenter de les alerter sur cette cruelle ignominie. Une lecture plus éducative que récréative, mais tellement enrichissante culturellement qu’il serait dommage de passer à côté.
Fond bleu, des poissons, un aquarium ? Voilà un peu l’effet que donne cette couverture de Derek Kirk Kim. Nous allons observer derrière cette vitre les moeurs de 2 de ces poissons, Nancy et Simon. Lors d’un insouciant repas, Simon voit ressurgir de son frais passé une apparition qui va faire remonter à la surface un sentiment coupable et honteux qu’il ressent depuis son adolescence. Cet évènement va pousser Simon à se confier à Nancy qui lui confiera à son tour ce qui la ronge elle aussi. Sous fond de culpabilité et de légèreté, l’auteur va nous conduire sur les chemins du passage adulte avec beaucoup d’humour et de sensibilité. Les amusements et références des 2 héros parleront aux trentenaires et il est indéniable que le registre nostalgique abordé fonctionne à plein régime sur les cœurs restés un peu fleur bleue comme le mien ! Le trait un peu rond s’oriente vers un style hybride de comics et de manga. Enfin, je devrais dire peut-être manhwa puisque les origines ethniques de Derek Kirk Kim se trouvent du côté de la Corée. Quoi qu’il en soit, on retrouve certains des codes japonais dans ce récit brillant qui s’achève sur une note apaisée, et qui montre à tous les lecteurs que leurs petites culpabilités peuvent trouver une issue… Rafraîchissant.
Et bien voilà que je termine cet album au moment où St Jo himself arrive sur les foras. Une bien étrange coïncidence… ;o) Je me suis dirigé vers ce livre au départ parce que je souhaitais trouver enfin une histoire qui s’accommode des nouvelles technologies. En effet, le style graphique est le fruit non pas du sur-utilisé Photoshop, mais bien de 3D Studio Max. Les précédentes tentatives que furent celles d’Alain Maindron pour « L’impondérable » ou de Patrice Woolley pour « Ténèbres » avaient rencontré de tièdes marques d’estime. Peut-être adressés à un public averti, ces albums avaient été sortis trop tôt ? Reste que « L’Epicurien » pouvait tout aussi bien passer à la trappe mais ses couleurs et une certaine douceur de trait lui ont permis de faire mieux que ses prédécesseurs, et réussi même à séduire plus que le travail de Janjetov et Beltran sur les séries phares des Humanoïdes Associés. Mais revenons à cette histoire étrange. Guillaume, jeune voyageur en quête d’on ne sait quoi, atterrit dans une ville dont le centre de vie est un bar-hôtel-bordel-restaurant un peu bizarre et dans lequel le gratin de la ville se retrouve. Entre trahisons, compromissions, viles flatteries et autres vices de bouche et de corps, les auteurs nous présentent une galerie de personnages hauts en couleurs qui ont chacun un petit quelque chose de caché et de plus ou moins avouable… Une légende un peu alambiquée dit que la tenancière de l’établissement est centenaire et son aspect satanique entr’aperçu ne présage rien de bon… Il est difficile de dire si l’histoire est prenante, ou hermétique, car certaines idées et passages sont enthousiasmants, et d’autres tombent dans le plus convenu ou le moins intéressant… Malgré tout, il transpire de ces pages une ambiance malsaine et dérangeante qui est peut-être cette petite épice douce amère qui fait que l’on reste accroché à cet univers. D’un point de vue graphique, outre l’innovation technologique, j’avoue avoir été séduit par l’ensemble, fait de diverses couches de couleurs, toujours à la limite kaléidoscopique, et ce malgré certaines erreurs de jeunesse ! J’en ai listé quelques-unes comme celle, page 5 case 5 : Julie sert une bière à Guillaume. Vue sa posture, il me semble impossible que l’angle permette de voir le reflet dans le miroir tel qu’il apparaît. Page 8 : le découpage. Case 1 toutes les portes sont clairement fermées. Case 2, la porte de la chambre 11 est entrouverte. Page 12 : Guillaume arrive discrètement sur la gauche (case 2) mais frappe ensuite par la droite (case 4), presque de face. Pour l’effet de surprise, c’est un peu osé messieurs ! ;o) Une scène particulièrement réussie me rappelle une musique. Si les auteurs n’ont pas hésité à s’inspirer d’Iggy Pop pour le personnage du kamikaze (voir page 12), les pages 20 et 21 m’ont donné l’impression d’entendre la mélodie d’Enigma et son bien nommé « Principles of lust ». Ces scènes extatiques de luxure, ces ombres découpées, cela converge, sans mauvais jeu de mot, à créer une ambiance inquiétante et terrifiante qui est la qualité première de cet album. En bref, ce huis-clos en séduira certains, en refroidira d’autres, mais il faut absolument savoir où les auteurs veulent nous emmener avec le deuxième et dernier tome de ce diptyque. Cela pourra conduire à faire de cette série une référence dans le genre, ou bien passer du côté des séries à fort potentiel qui laissent sur sa faim. La pression est du côté des saints maintenant ! ;o)
Dérives par Coacho
Je l’ai cherché un moment cet album. J’étais d’ailleurs à mon tour un peu à la dérive ! Et puis, enfin, je l’avais. J’allais pouvoir m’offrir les 110 planches de cet album contemporain dont la génèse, gage de qualité s’il en est, avait été publié par Stéphane Godefroid dans sa revue « Patate Douce »… Luc est un jeune adulte de 26 ans qui est en conflit avec son environnement, mais aussi avec lui-même. Entre culpabilités non assumées, perte d’idéaux et aigreur consécutive à une vie qui ne lui sourit que fadement, le personnage principal nous conte les raisons qui le pousse à cette espèce d’auto destruction sociale et sentimentale. Ce livre nous parle, nous touche, parce qu’il aborde le délicat passage à l’âge adulte qui ne se fait pas sans heurts. L’adolescence est rebelle, mais la phase suivante est psychologiquement plus éprouvante. C’est ainsi que Luc découvre la fragilité de ses propres fondations, celle de ses parents forcément imparfaits, la violence d’un monde qui ne se soumet pas à ses volontés, l’inanité de sa fuite américaine, et les conséquences de celle-ci qui le hanteront jusqu’à sa mort, entretenant le lourd regret de n’avoir pas fait ses adieux à sa mère décédée durant son absence. S’ajoute à cela un rapport conflictuel avec son père, sorte d’ogre intransigeant et moqueur qui conduira Luc à subir cette pseudo prévention assénée avec autorité jusqu’à un point de non retour qui le confortera dans sa solitude. Cette solitude qui est elle-même la conséquence du ratage de ses choix contradictoires, de son cynisme, de ses déchirures, et de la transposition de ses phobies dans ses rapports amoureux… Avec cet esprit plein de contrastes et de paradoxes, il va tantôt nous agacer à se montrer si odieux, ou parfois nous convaincre de sa souffrance, sans jamais aucun pathos, en nous montrant ses déchirures, nous le rendant aussi attirant que repoussant. La narration est en ce sens exemplaire qu’elle mélange des séquences instantanées, puis de brefs retours en arrière, et d’un coup, le temps se fige et le personnage principal nous interpelle, nous parle directement à nous, lecteur, nous prenant à témoin, nous expliquant sa situation et sa vision de celle-ci, rendant ainsi la lecture complice. C’est très agréable et très bien fait car on n’est jamais perturbé par ces changements. Une découpe livresque en 5 chapitres et un épilogue d’une histoire superbement dessinée et que j’ai trouvée tout le temps dans le juste ton… Une planche admirable à mes yeux, c’est celle de la page 72. En 6 cases d’un classique gaufrier, il installe ce qu’il faut de représentation graphique pour rendre compte de l’importance capitale et Oedipienne d’un rapport entre un enfant et sa mère… Magnifique, touchant, bouleversant… Un album à lire pour peu que vous soyez sensible à ce type de démarche. Moi, c’est le cas…
20 précédents - 20 suivants
 
Actualité BD générale
Actualité editeurs
Actualité mangas
Actualité BD en audio
Actualité des blogs des auteurs
Forum : les sujets
Forum : 24 dernières heures
Agenda : encoder un évènement
Calendrier des évènements
Albums : recherche et liste
Albums : nouveautés
Sorties futures
Chroniques de la rédaction
Albums : critiques internautes
Bios
Bandes annonces vidéos
Interviews d'auteurs en videos
Séries : si vous avez aimé...
Concours
Petites annonces
Coup de pouce aux jeunes auteurs
Archives de Bdp
Quoi de neuf ?
Homepage

Informations légales et vie privée

(http://www.BDParadisio.com) - © 1996, 2018 BdParadisio