Faire la suite d'une série unanimement appréciée tant au niveau du scénario qu'au niveau du dessin est toujours un exercice périlleux. C'est pourtant le pari qu'ont tenté Marvano et Haldeman dans "Libre à jamais", suite du best seller en trois tomes paru dans l'excellente collection Aire Libre : "La guerre éternelle". Plus qu'une véritable suite, Marvano et Haldeman réécrivent ici le troisième tome de la guerre éternelle au travers du regard de Marigay, un peu à la manière de Tome et Meyer dans les différents volumes de "Berceuse Assassine". Là où les choses clochent, c'est que, contrairement à "Berceuse Assassine", le système n'apporte rien de nouveau ni au niveau de la psychologie de personnages ni au niveau de l'histoire elle-même. Les mêmes thèmes importants sont abordés (l'homosexualité, l'uniformisation génétique, le racisme, la violence aveugle…) mais ils le sont de manière superficielle et l'album semble finalement avoir pour seule finalité de permettre le passage de témoin entre Dupuis et Dargaud. En effet, "Libre à Jamais" peut se lire indépendamment de la "Guerre éternelle", il en résume quelque peu l'histoire et se termine de la même manière à un exception près : on connaît maintenant le nom de l'enfant de Mandela et de Marigay. Parmi les choses qui fâchent, il ne faudrait pas non plus oublier certains changements ridicules entre les deux versions. Par exemple, l'intérêt de renommer la planète réservée à la population hétérosexuelle de Index à Médius m'échappe complètement (à part une insinuation graveleuse peut-être…). Au niveau graphique maintenant, le trait de Marvano semble avoir perdu la force et l'expressivité qui le caractérisait dans la précédente version. Plus coulé, plus cinématographique aussi, il ne suscite plus l'émotion comme c'était le cas dans la "Guerre éternelle". De plus, pourquoi avoir modifié l'apparence des personnages principaux et surtout, pourquoi avoir transformé les Taurans en ces espèces de ridicules abeilles de dessins animés. Cela leur fait perdre toute crédibilité et, au delà de la facilité graphique, n'a strictement aucun intérêt. En conclusion, je dirais que "Libre à jamais" est avant tout une BD de commande : d'un côté, elle assure le transfert d'une série à haut succès potentiel vers un nouvel éditeur et de l'autre, elle sert de produit d'appel pour le lancement de la nouvelle collection de Dargaud intitulée Fiction. Il reste à espérer que les auteurs retrouveront la verve qui les caractérise dans un second tome et surtout que cette sortie fasse (re)découvrir ce chef d'œuvre indémodable qu'est "La guerre éternelle". Dupuis semble d'ailleurs l'avoir bien compris puisqu'il est prévu que les trois tomes ressortent en intégrale au mois d'avril.