Les 5 critiques de luc Brunschwig sur Bd Paradisio...

J'aime Tanigucchi... j'ai le plus grand respect pour la préciosité des moments que cet homme arrive à faire naître dans ses oeuvres... elle est trop rare, pour ne pas avoir envie de la partager avec tout le monde. Pourtant, en découvrant ce livre datant d'une vingtaine d'année, j'ai eu peur : de son aspect historique (le japon au début du 20 e siècle), d'être trop occidental pour y trouver mon intérêt.. Quel idiot. Au temps de Botchan parle bien de l'ère Meiji (le passage du Japon du traditionnalisme à une ouverture sur le monde occidental), mais c'est curieusement, toute l'inquiétude de nos contemporains face à l'écrasante mondialisation que j'ai retrouvé dans ce livre... L'angoisse, la perte d'identité, le fatalisme face à l'inéluctable, l'envie de comprendre l'occident, tout en s'en trouvant terrifié. Tout cela est vu à travers les yeux des artistes de l'époque, plus ou moins impliqués dans ces changements, plus ou moins actifs dans l'opposition à ces changements, que ce soit par soucis de conserver les traditions ou de changer radicalement ce modèle occidental capitaliste qui leur est proposé (les socialistes). Dit comme ça, le livre pourrait paraître ennuyeux, voir austère... et pourtant, c'est au travers de dizaines d'anecdotes touchantes, farfelues ou angoissantes, que le scénariste Sekikawa nous entraîne dans les méandres de ce monde qui n'est pas le nôtre, mais qui nous parle tellement. On se passionne, on s'implique, on vibre... Tanigucchi travaillait déjà au plus haut niveau, avec un collaborateur de grand, très grand talent.
Torso par luc Brunschwig
Je viens de lire la critique de Thierry Bellefroid concernant "Torso"... et j'avoue ne pas partager son enthousiasme, même si je l'avais espéré de tout mon coeur en découvrant l'objet (massif), le sujet (passionnant) et une mise en page que l'on qualifiera de novatrice. Pourquoi ? Parce que contrairement à Thierry, je suis exaspéré du pseudo talent que l'on prête à Bendis. A chaque fois que j'ouvre un de ses albums, je sais que je vais être déçu... mais j'entends tellement de gens dire du bien de cet homme, que je finis toujours par me laisser piéger (commercialement parlant), pour finir par être consterné (par ma lecture). Qu'est ce qui peut bien reprocher au grand Michael, le Brunschwig ? Je répondrais : le fait d'être incroyablement négligeant dans sa structure scénaristique (la plupart des éléments de ses dénouements tombent comme des cheveux sur la soupe), sa piètre dramaturgie, ses personnages, qui à force de tous parler de la même façon, finissent par tous se ressembler, ses kilomètres de dialogues (fort brillants au demeurant), mais qui fichent en l'air tout rythme, qui noient l'histoire, qui font se confondre le futile avec l'essentiel, et ce d'une façon qui ne se renouvelle absolument pas d'un album à un autre, d'un sujet à un autre. En résumé, quelque soit son histoire, Bendis noie le tout dans une sauce qui a toujours le même goût... ce qui nous cache (pour ne pas dire "nous gâche") les vraies saveurs de sujets pourtant fort alléchants. Encore une fois, avec Torso, on pouvait s'imaginer le meilleur. On se contentera d'applaudir aux dialogues de Bendis, sans vraiment en savoir plus sur Eliott Ness, sans avoir vibré pour qui que ce soit dans cette histoire qui se déroule sans ennui, mais sans surprise, jusqu'à une révélation finale qui (curieusement) offre des dialogues proches de l'indigent (trop en tous cas pour être réellement touché par le désarroi du personnage). Je le jure ici solennellement, je ne toucherai plus jamais au plat de maître Bendis. Juré, craché.
A chaque fois, on croit que les américains ont fait le tour de Batman, qu'avec le Dark Knight, Frank Miller avait posé le Batman définitif, celui qu'on ne pourrait détrôner... et si c'est toujours vrai, il va néanmoins falloir nuancer le propos avec ce Batman offert par Jeph Loeb et Tim Sale. Rarement on a vu une BD de super-héros aussi peu manichéenne... Ici, les limites du bien et du mal s'entremêlent, deviennent incroyablement floues, pour installer une ambiance de série noire, magnifiquement rendue par le dessin simple et expressionniste de Tim Sale. Batman n'est plus le représentant de la justice triomphante, mais un homme torturé, déchiré par la perte d'Harvey Dent, l'un de ses trop rares amis, devenu Double Face, un criminel schizophrène, sadique et défiguré... ses seuls interlocuteurs restent Selina Kyle, alias Catwoman, une escort-girl dont il n'arrive pas à se passer de la présence et un commissaire Gordon amer, luttant seul au coeur d'une police minée par des années de corruption et face à un mariage raté qui le prive de son fils. Personne ne semble avoir été épargné par ce monde où la douleur et la solitude semblent le lot de chacun. Même les criminels les plus endurcis y souffre, blessés, amoindris, criant vengeance, mais sans trop y croire. Les premières pages de cet album sont douloureuses. Face à tant de blessures, de douleur rentrée, on a parfois du mal à s'émouvoir pour ces personnages. Mais lentement, imperceptiblement, l'humanité perce sous cette apparente froideur... les confidences se font... et la compassion naît. Jamais des héros sont apparus aussi fragiles, accrochés à des convictions qui seules leur permettent de ne pas se noyer dans les ténèbres du monde.
J'ai une théorie sur Frédéric Beigbeder (si ! si !). Je crois que ce type se fout de la gueule... non pas de ses lecteurs ou de ses spectateurs, mais tout bonnement du "ridicule engouement que l'ensemble des médias a pour lui". Beigbeder ne s'en cache pas, il n'est qu'une bulle de champagne qui surfe sur la vie, du faux semblant, de la légèreté... tout sauf de la profondeur et de l'authenticité. Et pourtant, la BD, la TV, le roman se l'arrache, comme si ce type avait un message ultime à faire passer, une nouvelle façon de vivre à nous faire découvrir. Mais Beigbeder le dit lui même, il n'est rien de tout cela. Alors, je crois sincèrement qu'il a pris le parti de se moquer de ces médias qui n'ont rien compris à ce qu'il était, en leur offrant ce qu'il est vraiment : c'est à dire "rien". Et ce rien, il le distille à tout va... et les médias continuent d'en redemander. Oui... selon moi, Frederic Beigbeder se moque du monde pour démasquer la stupidité de ce même monde. C'est chouette ! Brillant ! Follement irrévérencieux... Mais ça ne fait pas de son livre une bonne BD.... A vendre du vide, Beigbeder a réussi le pire album que j'ai lu depuis très très très longtemps. Ma femme l'a même jeté à la poubelle. Je sais, c'est un blasphème que de jeter un livre aux ordures, je crois sincèrement que Frédéric l'aurait applaudie.
Que c'est moche l'adolescence. On est injuste avec soi-même, ingrat avec les autres, on se sent mal avec ce que l'on est et incapable de définir ce que l'on a envie d'être. Impossible de vivre cette période sereinement, un peu comme si 5 années de notre vie d'homme devaient inexorablement nous glisser entre les doigts, pour mieux nous préparer à notre vie d'adulte. Qui, dès lors, n'a pas rêver de revivre ces moments avec l'expérience de l'adulte devenu ? C'est ce qui arrive au héros de "Quartier Lointain", monumental bijou d'intelligence et de sensibilité. Au lendemain d'une beuverie, Hiroshi se trompe de train et se retrouve dans le tortillard qui le ramène dans la ville de son enfance. Mais lorsqu'il en débarque, il n'est plus l'homme de 45 ans qu'il était encore au réveil, mais l'enfant de 14 ans qu'il fût, dans un village inchangé où il retrouve naturellement sa place d'enfant. On sent très vite que l'adulte Hiroshi est insatisfait de sa vie, que quelque chose a cloché au moment de son adolescence. On espère que ce voyage impensable lui permettra de corriger les erreurs du passé et de devenir enfin un meilleur adulte. Chaque détail de cette histoire sonne juste, nous renvoie à nos propres souvenirs, à nos bonnes ou mauvaises décisions, à ce que nous sommes et ce que nous aurions eu envie d'être, à la façon dont nous avons traîté les gens avant que le temps qui passe ne nous les arrache définitivement. Quartier Lointain est un terrible miroir dans lequel nous nous reconnaissons, qui nous fait rire ou nous fait mal, suivant la qualité de ce que nous sommes devenus après cette période terrible que fût notre adolescence. Après le Journal de mon Père, Taniguchi nous émeut encore une fois aux larmes.

 
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