Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Le chant du bourreau (Macadam) par Thierry Bellefroid
« Le chant du bourreau », tome 2 de la série Macadam. Par Lacaf. Dans la collection Bulle Noire des éditions Glénat.

Que dire de plus que lors de la sortie du tome 1 ? Lacaf écrit de bonnes histoires, ancrées dans la réalité et dans l'actualité. Après sa précédente affaire, le flic à la réputation de flingueur est censé se faire oublier à Aix en Provence, mais il tombe sur l'oeuvre d'un serial killer. En toile de fond, les anciens d'Algérie et un coupable au profil inattendu protégé par un certain groupe « Delta ». Klein mène son enquête en compagnie d'une jolie stagiaire qui va lui permettre de réviser son jugement sur les femmes. Bref, jusque là, rien de fracassant, mais une histoire qui tient la route et des personnages dont certains sont bien étudiés. (Il y a Klein lui-même, bien sûr, mais aussi surtout son ami et mentor Pietro) Et comme dans le premier album, les compliments s'arrêtent là. Le dessin de Lacaf est toujours aussi tristement maladroit. Les visages de ses protagonistes, dont la plupart ont un l'air de sortir de feuilletons et de films français, sont toujours aussi peu convaincants. Les décors sont surchargés, brouillons, certaines pages comme la planche 20, par exemple, demandent un véritable effort de lecture. Bref, Lacaf est loin de convaincre comme dessinateur. Ajoutons au plan scénaristique que le portrait du tueur est tout de même un peu chargé. Sans dévoiler les raisons de sa névrose, on peut dire que le pauvre garçon a à peu près vécu toutes les horreurs de la vie en une fois ! Un peu de finesse n'aurait pas fait de mal...
« L'ange endormi », tome 2 de La Croix de Cazenac. Par Boisserie et Stalner. Editions Dargaud.

Suite de cette intéressante histoire d'espionnage située durant la guerre 14-18. Aussi étonnant qu'il puisse paraître au lecteur du premier album, nos personnages vont quitter la France et s'envoler pour la Russie. Une bonne idée de Pierre Boisserie qui prend son lecteur à contre-pied et qui peut ainsi développer plus avant non seulement l'intrigue familiale des Cazenac mais aussi le contexte politique européen de la Première Guerre Mondiale. L'album est donc intéressant à plus d'un titre et pour peu que le lecteur ait encore bien en mémoire le premier épisode (une relecture est fortement conseillée si vous n'avez plus les idées tout à fait claires, mais un bref résumé est également proposé en ouverture d'album), il se laissera mener sans trop de problème jusqu'à Saint Petersbourg. Le dénouement de cette histoire n'est pas des plus vraisemblables, mais il faut reconnaître que Boisserie a pris un malin plaisir à brouiller les pistes depuis le début de l'histoire. On sent bien qu'on est sur le point d'apprendre enfin des choses capitales pour la compréhension de l'intrigue... et qu'il faudra patienter un an avant de les lire. Aussi est-il encore un peu tôt pour juger la série dans son ensemble, car trop d'éléments manquent au puzzle. Bref, un épisode de transition qui sans combler le lecteur parvient du moins à l'étonner.
Eric Stalner, fidèle à ses habitudes, nous propose des décors rigoureux, un dessin à la fois réaliste et soucieux du moindre détail. C'est efficace, ça sert le propos de Pierre Boisserie et ma seule réserve va à la scène de la grotte, que Stalner dessine de manière très impressionniste. Peut-être cela correspond-il au fait que l'endroit sert aussi de cadre à un rêve symbolique, mais j'avoue que ce changement de traitement m'a un peu gêné. Pour le reste, rien à dire, découpage et dessin sont hyper classiques mais efficaces.
Pauvre Tom (Dusk) par Thierry Bellefroid
« Pauvre Tom », tome 1 de la série Dusk. Par Richard Marazano et Christian de Metter. Aux Humanos.

Décidément, la rentrée est synonyme de qualité, chez les Humanos. A côté de l'excellentissime « Prophet » et d'un troisième volume d'Aphrodite confié à la talentueuse Claire Wendling, voici un très bon polar que l'on retiendra surtout pour son atmosphère et la qualité de son dessin. Christian de Metter n'est pas -ou n'est plus- un inconnu. « Emma », trilogie écrite au début des années 90 et que vient de publier Triskel (le troisième volume vient de sortir) nous a révélé sinon un grand scénariste un merveilleux dessinateur. Moins libre que dans cette oeuvre en solo, de Metter laisse cependant ici son pinceau sortir des sentiers battus. Il nous campe trois personnages principaux magnifiques et une ambiance de ville américaine enneigée très réussie. Tout le charme de l'album tient dans cette atmosphère à la fois glauque, mystérieuse, malsaine, par ailleurs hommage aux « Sorcières de Salem » d'Arthur Miller. A Salem, justement, trois agents fédéraux enquêtent sur quatre décès survenus le même jour. En fait, toute la ville est complice, on le sent très tôt. Mais les enquêteurs ne lâchent pas leur os. Et s'acharnent, interprétant chacun les signes à leur manière. Car les trois agents -un vieux, une jeune femme et un adolescent attardé- ont des profils très différents, poussés assez loin par le biais d'excellents dialogues qui sont autant de confrontations presque théâtrales. Il y a quelque chose dans le traitement des personnages et dans l'ambiance générale de cet album qui rappelle la série « Miss » chez le même éditeur. Cette façon de ciseler les textes, de s'en servir pour donner de l'épaisseur aux personnages sans en avoir l'air. Le plus réussi étant le jeune Joe, constamment à côté de ses pompes, qui semble aussi à sa place dans cette enquête qu'un conducteur de bus sur un circuit de F1. Bravo, donc, à Richard Marazano pour l'écriture.
Côté dessin, on regrettera peut-être que de Metter se soit davantage coulé dans le moule BD que lors de la réalisation d'Emma. Mais l'histoire ne se prêtait sans doute pas à une mise en page floue et très picturale. Cela n'enlève rien au talent du dessinateur qui manie le pinceau avec un réel brio. L'ensemble est assez dense, il faut du temps pour lire cet album où les textes sont nombreux (mais à mon sens restent bien équilibrés tout de même...) et qui contient pas loin de soixante pages. Une belle surprise qui confirme la pertinence des choix opérés par l'ancien directeur éditorial des Humanos avant son départ pour Dupuis.
Cobayes (Milane & Arlov) par Thierry Bellefroid
« Cobayes », tome 2 de la série Milane & Arlov, par Djian et Rouan. Chez Soleil.

En ouvrant ce deuxième album, une chose m'a immédiatement frappé. Le dessin d'Olivier Rouan est plus fluide, plus dépouillé que dans le tome 1. Il n'a rien perdu de son côté dessin animé japonais, mais il a gagné en lisibilité. Dommage que la tentation soit parfois très forte de « faire du manga » et de jouer un peu facilement sur les lignes de vitesse par exemple. On peut aussi bien suggérer la vitesse plus subtilement... mais ça demande plus de travail que d'entourer son personnage de lignes qui bouffent tout le décor. Enfin, globalement, saluons le travail positif effectué par le dessinateur qui ne s'est pas endormi sur ses lauriers.
Côté scénario, Jean-Blaise Djian nous fait à la fois le coup du fantastique et du thriller SF. Le fantastique se caractérise ici par les manipulations génétiques sur des cobayes humains (pas vraiment nouveau) et la création d'un bestiaire préhistorique qui n'a pas grand intérêt dans l'histoire, si ce n'est de faire courir les protagonistes. Quant au thriller SF, force est de constater qu'il n'avance guère dans cette seconde histoire. Pour rappel, Milane & Arlov sont envoyés sur Kobadia, l'astéroïde exclusivement dévolu aux moins de dix-huit ans, afin de comprendre pourquoi les adolescents qui en reviennent sont atteints d'un mal mystérieux. Les deux gosses, pourchassés par les sbires de Metcalf dès leur arrivée, passent ces deux premiers albums à jouer au chat et à la souris avec les uns et les autres. La violence est très crue et les explications, elles, très rares. Djian dilue. Quelques rebondissements de moins et quelques réponses aux questions de plus ne feraient pas de tort... On reste avec un goût de pointillé dans la bouche.
Le gardien (Nexus) par Thierry Bellefroid
« Le gardien », tome 1 de Nexus. Par Froideval et Bournay. Chez Zenda.

J'avoue, je ne suis ni un fan de Zenda ni un grand amateur des mises en pages folles des dessinateurs habituels avec lesquels travaille Froideval. Les Chroniques de la Lune Noire (Dargaud), pour ne citer qu'elles, me tombent des mains. Alors, pour une fois que je trouve un album de ce scénariste dessiné de manière presque traditionnelle, j'ai voulu pousser la curiosité plus loin (sachant que d'autres albums scénarisés par Froideval sont eux aussi « lisibles », soyons justes. Exemple, la série « Lex » dont le N°2 vient également de sortir).
J'aime bien l'idée de faire du Mont St Michel un lieu de passage entre des mondes que tout sépare. Cela permet de faire se télescoper des personnages et des époques que rien n'est censé relier entre eux et Froideval joue de cet élément avec beaucoup de plaisir, semble-t-il. Autre bonne idée, avoir imaginée non pas deux successeurs potentiels au Gardien mais davantage (je vous laisse la surprise). Cela permet de camper des personnages aux motivations très diverses dont on ne doute pas que la confrontation donnera matière à de nombreuses histoires mais cela permet aussi de ne pas limiter le récit au combat du bien et du mal comme on le craint au début de l'histoire. Bref, le scénario est bien dosé, ce qui fait de ce « Nexus » (qui veut dire « noeud » en latin, pour rappel) un album sans autre prétention que de délasser mais qui y parvient sans trop de mal. Quant au dessin, comment ne pas penser au « Troisième testament » en le regardant ? La filiation semble évidente, jusque dans certains cadrages. Mais elle est franchement troublante en ce qui concerne les deux personnages principaux. La fille du Gardien ressemble étrangement à Elisabeth d'Elsenor. Quant au Gardien lui-même, il rappelle Conrad de Marbourg. Dommage, car pour le reste, cette histoire ne manque ni d'originalité ni d'une pointe d'humour bienvenue dans ce genre d'album. On espère en revanche que la prochaine histoire exploitera davantage le fantastique décor naturel du Mont Saint Michel.

Liens de sang par Thierry Bellefroid
« Liens de sang » par Hermann et Yves H. Dans la collection « Signé » du Lombard.

Après une seconde lecture attentive, je n'ai toujours pas l'impression d'avoir tout compris. Je n'ai pourtant pas le sentiment d'être particulièrement attardé. Le scénario du fils d'Hermann, Yves Huppen, est à la fois limpide et complètement tordu. Limpide dans son mode de narration. Le narrateur, un homme qu'on voit de dos au cimetière (je vous laisse la surprise de découvrir qui c'est), raconte l'histoire de Sam Leighton de manière chronologique. Il y a donc peu de difficulté à suivre le récit. Ce qui n'empêche pas celui-ci de se compliquer à souhait vers les deux tiers de l'album et surtout, sur la fin. Le mélange des deux Gladys et Josh est particulièrement difficile à comprendre et à plusieurs reprises, il m'a semblé qu'il manquait les « sous-titres ». Beaucoup d'éléments restent sans réponse. Bref, je suis perplexe. Mais cela n'empêche pas ces « Liens de sang » (dont le titre fait inévitablement penser à une autre association père/fils, dans le monde de la musique, celle-là : le « Sang pour sang » des Hallyday) de constituer un bel exercice du genre polar noir ricain pur jus. Je ne suis toutefois pas convaincu par l'exercice de style sur le parricide, qui paraît un peu facile. Les ambiances sont sombres à souhait. Les personnages sont caricaturaux mais pas exagérément. Et Hermann trouve dans les rues mal famées noyées de brouillard de belles occasions de prouver sa maîtrise du mariage de la couleur et de l'eau. Le souci du détail est poussé très loin, comme ces visages presque colorés à la façon des peintres pointillistes pour respecter toutes les nuances des lumières et de leurs diffractions. On l'a déjà dit et redit, Hermann est un grand coloriste. Attention, quand même, à l'emploi outrancier de couleurs très typées comme le cyan ou le rose... Quant aux cadrages, ils sont très réussis. Seul regret, mais on prêche dans le désert, il y a près de vingt ans maintenant qu'on revoit les mêmes tronches dans tous les albums d'Hermann. Et qu'on rêve de le voir dessiner un jour une fille à peu près jolie (il y a un « effort » sur Gladys, mais c'est pas elle qui va faire fantasmer le lecteur...) En résumé, « Liens de sang » n'est pas un mauvais album, mais je dois avoir l'honnêteté de dire que je ne l'ai pas totalement compris. En espérant que ce ne sera pas votre cas.
Les larmes du tigre par Thierry Bellefroid
« Les larmes du tigre » par Comès, aux éditions Casterman.

Vingt ans après « Silence », Comès nous donne un album fort dans lequel le silence, justement, est un élément essentiel. Car « Les larmes du tigre » se lisent surtout entre les lignes. Jamais, sans doute, l'Ardennais n'avait tant insisté sur les ambiances, n'avait tant fait se taire ses personnages. Outre le magnifique prologue entièrement muet, cet album s'articule autour d'une action très courte dans le temps, mais diluée grâce aux silences presque intemporels qui la traversent. Les cases muettes finissent par en dire plus que les phylactères et le dessin livre toute sa puissance, oscillant avec grâce des visages en gros plan à de grands paysages enneigés. Sur les traces de son maître de toujours -Hugo Pratt- Comès propose un noir et blanc très tranché, essentiellement travaillé à partir de larges aplats noirs. Une technique qu'il semble n'avoir jamais si bien maîtrisée non plus. Avec cet album court (62 pages, alors que la plupart de ses albums vont de 100 à 150 planches), Comès paraît avoir enfin retrouvé une certaine fraîcheur, sans doute due au fait qu'il quitte cette fois ses habituels personnages ardennais pour s'attacher aux destinées de trois Indiens. Avec une pointe d'humour qu'on ne lui connaissait pas, il revisite son propre répertoire sans en avoir l'air et nous ressert des plats ultra-connus (sorcellerie, perte de l'ombre déjà évoquée par plusieurs autres auteurs, etc...) sans qu'on ait jamais l'impression de s'ennuyer. Le tigre rappelle quelque peu le chat de l'album « Iris », certaines pages du prologue rappellent « La Belette » et l'ensemble des « gueules » a forcément un côté familier. Mais qu'importe, puisque l'histoire est belle et remarquablement racontée. Si ce n'était pas de la BD, ce pourrait être une leçon de cinéma sur papier. Mais du cinéma d'auteur !
Psybombe (L'histoire de Siloë) par Thierry Bellefroid
« Psybombe », tome 1 de « L'histoire de Siloë ». Par Le Tendre et Servain. Chez Delcourt.

Difficile de parler de cet album sans donner l'impression d'appuyer l'opération en cours sur ce site, en collaboration avec Delcourt. Mais voici tout de même mon sentiment après la deuxième lecture de ce premier tome. « L'histoire de Siloë » est incontestablement une bonne histoire. Que Serge Le tendre ait été en chercher des morceaux dans ses propres lectures ne fait guère de doute (lire l'interview des auteurs sur ce site pour en savoir plus), mais cela n'en fait pas une mauvaise BD. Après tout, tout le monde sait que Jean Van Hamme a intégralement repris les idées de départ de « La mémoire dans la peau » de Robert Ludlum pour créer XIII... ça n'en fait pas -loin de là- une mauvaise BD (je parle ici des premiers volumes... la suite me laisse plus sceptique, mais passons) Passé ce préliminaire, ce Siloë offre un monde cohérent et une histoire passionnante mêlant habilement les destinées de quelques personnages principaux à la fois consistants et très humains. Qu'il s'agisse de Norman, le journaliste, ou de Sid, le père de Siloë, ces personnages sont bien développés et font avancer l'intrigue sans jamais se faire oublier pour eux mêmes. Leur épaisseur est ce qui tient le scénario et l'empêche de tomber dans de la « résolution de problème donné ». Le Tendre réussit bien son entrée dans l'anticipation ; ses inventions et son univers sont crédibles, bien intégrés à l'histoire elle-même. Il faut dire que Servain sert efficacement le récit. Son dessin est fidèle à lui-même, ses découpages intelligents et surtout, ses couleurs très réussies. Pour quelqu'un qui réalise ses couleurs pour la première fois, Stéphane Servain propose en effet un résultat étonnant de maîtrise qui s'exprime jusque sur la couverture, très réussie. Vous l'aurez compris, je n'ai objectivement pas grand chose à reprocher à ce premier Siloë. Même sa longueur -exceptionnelle pour un album Delcourt- ne m'a pas semblé excessive.
« La loi du Grand Nord », tome 1 de la série Franck Lincoln. Par Marc Bourgne. Dans la collection « Bulle Noire » des éditions Glénat.

Derrière une couverture particulièrement laide et tapageuse (un profil de flic simiesque, arme à la main et une fille à moitié nue devant un âtre, ça devrait doper les ventes, non ?), le dernier né de la collection Bulle Noire laisse sur un sentiment peu flatteur. Franck Lincoln (on se croirait revenu à l'âge d'or de Tintin/Spirou, quand les héros s'appelaient Marc Jaguar ou Marc Dacier, Alain Chevalier, Bernard Prince et j'en passe...) réserve quelques bons moments à ses lecteurs. Mais ils sont finalement rares en regard des défauts de l'entreprise. D'abord, quand on chasse sur les terres de J-Ch Kraehn, la moindre des choses est de prendre clairement ses distances. Un type dont la femme a disparu cinq ans auparavant et qui est devenu détective pour reprendre l'enquête à son compte, ça sonne quand même très « Gil Saint André ». Heureusement, Bourgne arrête là la ressemblance avec la série phare de la collection. Heureusement aussi, il n'a pas oublié sa passion pour l'Alaska. Sujet de son mémoire de fin d'études (l'Histoire à la Sorbonne, s'il vous plaît), l'Alaska avait déjà servi de cadre à la BD « Etre Libre » qu'il avait publiée il y a trois ans chez Dargaud, avant de reprendre Barbe-Rouge. Et c'est vrai qu'on sent qu'il connaît son sujet. C'est même peut-être ce qui sauve cet album qui réunit pas mal d'ingrédients connus et qui a bien besoin de ce dépaysement géographique pour se mettre à exister. Jugez plutôt : la fille qui réclame la protection d'un détective parce que son ex lui court après... fille qui s'avère être toxicomane et avoir piqué de la dope à l'ex en question (sorry de dévoiler une part de l'insoutenable suspense), c'est pas ce qu'on a vu de plus original... Les fausses surprises se succèdent, les ficelles sont connues et pourtant, je dirais que ce Franck Lincoln se laisse consommer comme un film de série B. Il y a de la place pour tout le monde, tant dans le cinéma que dans la BD. Dès lors, il n'y a aucune raison de crier au scandale. Franck Lincoln est un détective de plus, mais ce n'est certainement pas le plus mauvais de tous. On regrette juste qu'il soit si prévisible. Quant au dessin, pas de quoi crier au génie (à de rares exceptions près, ce n'est pas le fort de Bulle Noire !) mais surtout, on regrettera que le coloriste Bruno Wesel, pourtant assez au point sur les séries d'André Taymans, ait raté cet album avec tant de talent ! Un tel manque de nuance et de goût donne la nausée. Des exemples ? Les planches 7 et 8, avec leur ciel orange comme vous n'êtes pas prêt d'en voir. La planche 16, sans autre commentaire. Et il y en a d'autres. Dommage, ça ne fait que souligner le côté racoleur de l'entreprise...
Vox dei (Alban) par Thierry Bellefroid
« Vox dei », le tome 4 de la série « Alban », par Dieter, Fourquemin et Voillat. Chez Soleil.

Exit les éditions « Le Téméraire », Soleil reprend donc la série Alban en cours de route et réédite en passant les trois premiers volumes. Ceux qui découvriraient ce petit moinillon et son cochon Orphéon grâce à cette réédition liront donc ce quatrième album tout juste après avoir avalé les trois premiers d'un coup... et seront fort surpris ! Il faut avouer que la série prend un tournant inattendu avec ce « Vox dei » à l'humour beaucoup moins présent. Plus adulte, plus grave surtout, cet épisode néglige le choc humoristique entre le gamin naïf et pur qu'est Alban et le reste du monde -forcément hostile- qui l'entoure. Cette fois, non seulement la violence est crue et parfois tragique (même si la rencontre avec le frère Emeric transformé en garou est teintée d'humour) mais en plus, c'est cette violence qui vient à bout du méchant de service ! Alban est ballotté au gré des événements et expérimente la défaite et l'impuissance. Mais rassurez-vous, il retrouve aussi quelques-uns de ces comportements qui font toute la saveur du personnage et de la série. Ainsi, il garde un calme olympien quand la moitié de ses assaillants se fait mettre en pièces par la malebête. Malebête à qui il se contente de dire : « je n'ai pas peur, j'ai déjà vaincu des centaures... » Le petit Alban ne nous avait pas habitués, en revanche, aux crises de doute métaphysique devant la violence humaine qui déconcerteront sans doute les lecteurs habitués de la série. Dieter aime surprendre, on ne peut pas lui en faire le reproche. Et ici, il y parvient.
Engrenages (Sillage) par Thierry Bellefroid
« Engrenages », tome 3 de la série « Sillage », par Morvan, Buchet et Color Twins. Collection Néopolis, chez Delcourt.

Un magnifique album. Une magnifique série aussi, d'ailleurs. Dans ce troisième tome, Jean-David Morvan arrive une fois de plus à nous étonner. Nävis, l'héroïne, surgit là où on ne l'attendait pas. Chacune de ses aventures est à la fois une suite logique des précédentes et un « one-shot », ce qui est malheureusement trop rare dans les séries actuelles. Quel plaisir de lire à chaque fois une histoire complète placée dans un univers dont les éléments s'emboîtent, d'album en album. Cette fois, Nävis passe à proximité de la « vérité », ou du moins, de « sa » vérité. Au milieu de mutants à l'apparence très humaine, elle va non seulement emmener le lecteur dans un tout nouvel univers, mais en plus découvrir l'amour. La petite fille fruste du premier album, la gamine un rien capricieuse du deuxième ont fait place à la jeune femme du troisième. Sans y toucher, Morvan mûrit son héroïne, et permet au lecteur de la suivre dans une nouvelle quête, la quête du bonheur qui passe par la découverte de son identité. On ne peut qu'apprécier cette transformation de Nävis d'un album sur l'autre. On ne peut que s'attacher à elle, aussi. Avec l'aide parfois précieuse de quelques personnages secondaires, Morvan et Buchet parviennent à nous emporter dans cet univers de caravane de l'espace à la transhumance sans fin. Dans cet album, ils s'offrent en plus le luxe de livrer leur vision de l'évolution et de pasticher les révoltes sociales du 19ème siècle qui ont émaillé quelques autres albums de BD -et non des moindres. Tout cela avec retenue, intelligence et humour.
« Le dieu des chacals », tome deux de la série Niklos Koda, par Olivier Grenson et Jean Dufaux, dans la collection Troisième Vague du Lombard.

Si le premier tome des aventures de Niklos Koda laissait le lecteur sur une impression positive, il le laissait aussi en plein brouillard. Il y a deux sortes d'histoires, chez Jean Dufaux, celles qui se lisent de haut en bas et de gauche à droite -c'est le cas de Jessica Blandy ou de Giacomo C, par exemple- et celles qui se lisent entre les cases. Koda fait partie de la seconde catégorie. Ce deuxième album vient le confirmer. S'il offre une fin provisoire à l'histoire, il conserve néanmoins une large part de mystère, de non-dit, d'irrationnel. Et c'est ce qui fait tout le charme de cette jeune série, sans cesse en train de flirter avec les genres opposés. On est dans l'espionnage et le thriller politique, mais on est aussi dans le vaudou jusqu'au cou. Dufaux s'amuse à brouiller les pistes et à mélanger les codes, faisant de Koda un personnage à la fois très « Troisième Vague » et à la fois inattendu. C'est réussi. On regrettera juste un côté un peu trop préparé dans ce deuxième album, qui fait du « planting » très gros sabots pour amener le ou les suivant(s). Les allusions assez lourdes au passé de Koda et à son père, par exemple, eussent été plus discrètes en arrivant dès le premier album.
Quant au dessin d'Olivier Grenson, au risque de me répéter, il a trouvé en cette nouvelle collaboration un véritable dopant. Il suffit de rouvrir un Carland Cross pour voir tout le chemin parcouru. Et même si Olivier ne révolutionne pas le genre, on se prend déjà à rêver du jour où il se lâchera vraiment, voire du jour où il se décidera à faire de la couleur directe. En attendant, il s'amuse à truffer ses décors d'allusions à ses amis ou à ses lectures du moment. Une façon de récompenser les lecteurs attentifs qui lui avaient fait part de petites erreurs de distraction dans le précédent album ? Peut-être. Une petite réserve, quand même. On regrette qu'il y ait encore quelques attitudes figées et certains visages qui semblent être davantage de cire que de chair. Mais Olivier se rattrape avec ses femmes plus séduisantes les unes que les autres. On aimerait croiser certains de ses modèles...
« L'affaire est dans le lac », tome trois des « Ailes de plomb », par Gibelin et Barral. Collection Sang-Froid, Delcourt.

Premier coup de chapeau aux auteurs : ils ont respecté le contrat ; leur histoire tient en trois albums. Et elle tient foutrement bien. Evidemment, comme souvent, le dernier tome est celui de toutes les explications et surtout, de tous les dénouements. Il manque de mystère, de suspense même, car on sent que l'aspect « résolution du problème donné » prime sur l'imagination et la fantaisie. N'empêche, la fin est inattendue, ce qui constitue déjà un bon point (même si elle en perturbera plus d'un...) La dernière page tournée, quand on repense à l'histoire, on reste sur le sentiment d'avoir accompagné des personnages attachants, y compris parmi les « mauvais » -à commencer par Antoine Courpatas, l'homme à la gueule de Gabin. On croirait presque aussi qu'on vient de lire une page d'histoire méconnue de la France. Un complot visant à éliminer De Gaulle en faisant dévier une prototype d'avion ultramoderne sur une base militaire visitée par le général, pourquoi pas ? D'autant que le contexte historique est par ailleurs bien exploité (protagonistes de retour d'Indochine, guerre d'Algérie qui se prépare en filigrane...) et que le souci d'authenticité est poussé à l'extrême, tant dans les décors que dans les actes posés par les différents personnages. Le dessin de Barral a beaucoup évolué entre le premier et le troisième album. Celui de Gibelin, qui a assuré les avions et surtout les couleurs, est resté fidèle à lui-même, mais en affirmant une maîtrise de plus en plus évidente dans la mise en couleur. Et puis il y a cette ambiance générale, dont on a déjà beaucoup parlé, et qui fait tout le charme de ce triptyque. Une ambiance de film français des années soixante qui se traduit notamment par d'excellents dialogues. Bref, une BD solide, au scénario charpenté. Un futur classique, dont une éventuelle édition intégrale pourrait habilement relancer la carrière dans trois ou quatre ans, en proposant à un public moins averti un excellent récit de fiction historique d'un peu plus de cent cinquante pages.
Kursk, Tourmente d'acier par Thierry Bellefroid
« Kursk, tourmente d'acier », par Dimitri. Dans la collection « Caractère » des éditions Glénat.

L'occasion est trop belle de saluer le travail de nos amis de Bodoï. Comme beaucoup, je connais Dimitri depuis de nombreuses années et l'ai découvert à travers le « Goulag ». Comme beaucoup, je me suis rendu compte au fil des albums « sérieux » de cet auteur qu'il s'attachait principalement à la seconde Guerre Mondiale. Et qu'il ne dédaignait pas raconter les histoires en adoptant la position de « l'ennemi ». Comme beaucoup j'ai lu « Kursk » à la manière d'une « Histoire de l'Oncle Paul ». Son côté presque désuet m'avait touché, son aspect journal de bord m'avait étonné, de même que l'authenticité qui s'en dégageait, mais je n'avais pas eu le coup de foudre. Surprise, à la lecture du dossier paru dans le Bodoï de juillet ! Dimitri sort de l'ombre, accepte de parler d'une période de sa vie jusque là tenue secrète et de faire le parallèle avec le livre « Le soldat oublié » (400.000 exemplaires, chez Robert Laffont, écrit sous le pseudo de Guy Sajer en 1967), un livre dans lequel un jeune soldat français racontait « sa » guerre sous l'uniforme...allemand ! Et cet éclairage stupéfiant vient comme une gifle réveiller le lecteur de « Kursk ». Si Dimitri raconte l'horreur, la guerre, la mort et l'honneur perdu depuis tant d'années, c'est parce qu'il a vécu la guerre dans le mauvais camp et s'est retrouvé enrôlé dans l'armée allemande de 1942 à 1945. Le jeune Alsacien qu'il était est revenu vivant par miracle, mais après avoir côtoyé l'horreur absolue, les pires combats que des hommes se soient livrés. Et après avoir perdu à la fois ses illusions et son honneur. Le dossier de Bodoï n'est pas seulement remarquable. Il est presque indispensable pour qui veut lire « Kursk ». A tel point que Glénat eût été inspiré en livrant cet album avec le mode d'emploi. Car c'est tout de même la première fois que Dimitri s'y livre à la première personne. A 73 ans, il a jugé qu'il pouvait laisser tomber le masque. On ne peut que saluer son courage.
Virage dangereux par Thierry Bellefroid
« Virage dangereux », par Bruno Heitz. Au Seuil.

Ca sent la cave, chez Bruno Heitz. C'est pas moi qui le dis, c'est lui. Et il insiste. A tel point que les trois pages d'introduction de cette nouvelle histoire sont presque en odorama ! Heitz a un talent fou de narrateur. Ses petits récits campagnards sont autant de perle. Et son détective, Hubert, accessoirement livreur et souffre-douleur de l'épicière de Beaulieu-sur-Morne vaut bien la plupart de ses confrères de bande dessinée. Malheureusement, son dessin un rien naïf épuré à l'extrême qui rappelle les débuts d'Hergé (période « Totor, C.P. des Hannetons »/ « Tintin au pays des Soviets ») ne fera jamais de ses BD des succès de librairie. Et c'est bien dommage. Car le privé de Beaulieu-sur-Morne n'a rien à envier au Canardo de Sokal, par exemple, même s'il chasse sur un autre terrain. Il y a le même ton désabusé, le même humour décalé, la même approche de personnages montrés sous leur plus mauvais jour. J'adore cet aspect résigné, cette narration sans artifice, ce langage presque parlé mais si savoureux en même temps. Heitz mérite une lecture attentive. Avec « Un privé à la cambrousse » et « Une magouille pas ordinaire », ce « Virage dangereux » est sans doute un de ses meilleurs récits. Pas tant pour l'enquête elle-même que pour la galerie de portraits délicieux qu'il charrie à longueur de page.
Chaos (Lone Sloane) par Thierry Bellefroid
"Chaos", dans la série "Lone Sloane", par Druillet. Chez Albin Michel.

Trente-quatre ans après son premier album (Le mystère des abîmes, initialement paru chez Losfeld), Lone Sloane retrouve les présentoirs des libraires. Et on jurerait qu'il n'a pas changé d'un pouce. Pourtant, depuis que Druillet nous l'a « tué », il y a quatorze ans, on n'avait guère eu d'occasions de croire à son retour. Tournant le dos à la BD, le peintre, sculpteur, scénographe et concepteur multi-média s'était lancé à corps perdu dans d'autres activités. Il avoue aujourd'hui que la BD est de toutes, la discipline la plus exigeante. Il faut dire que Druillet ne ménage pas ses efforts. Et c'est justement pour ça que chacun de ses albums est un événement. On retrouve une histoire confuse, aride, sulfureuse, qui commence par le cortège d'enterrement de Sloane. Le héros gît dans un gigantesque sarcophage d'or. Shaan veille dans l'ombre et savoure sa victoire. Mais une femme nommée Légende va ressusciter Lone Sloane en insufflant la vie à son sexe mort. La mise en page unique de Druillet réserve toujours autant de surprises, ses cadrages « de la mort », ses couleurs hyper-trash, ses pleines pages horizontales, ses textes taillés au burin, tout cela constitue une véritable signature inimitable. Les amateurs crieront au génie. Les autres diront qu'ils n'ont pas davantage compris qu'il y a quatorze ans. Druillet s'en fout. Lui, il dessine. Et de mieux en mieux !
« Le contrat Jessica », N°18 de la série Jessica Blandy âr Jean Dufaux et Renaud, dans la collection Repérages des éditions Dupuis.

Jessica Blandy renoue avec les personnages et les ambiances de ses deux meilleurs albums, « Peau d'enfer » et « Au loin, la fille d'Ipanema ». Mais Jean Dufaux parvient à éviter le remake dans ce dix-huitième tome où la belle Jessica se livre à l'ultime bras de fer contre Robby le ripou. Une fois de plus, c'est son corps que notre héroïne devra vendre pour en sortir. Mais la surprise vient du fait que le marché ne se passe absolument pas comme prévu. Tant mieux pour le lecteur qui a pu craindre un instant qu'on jouait avec ses pieds. Jessica, elle, ressort de cette histoire avec quelques blessures secrètes de plus... et un amant de moins. Bref, la machine est bien huilée et Dufaux connaît la musique sur le bout des doigts. Cet album est donc un bon cru. Seule réserve : le dessin ou plutôt, la mise en couleurs de Renaud. Privilégiant volontiers un mauve d'assez mauvais goût, le dessinateur utilise un peu trop la couleur pour modeler les visages et les corps ; au point que ceux-ci reflètent trop souvent la lumière comme une carrosserie de voiture, ce qui n'est guère réaliste. Pas plus réaliste, l'absence presque totale des ombres, alors que les personnages se trouvent parfois en plein soleil. La planche 22, entre autres, constitue un bel exemple avec à la fois l'absence des ombres et des couleurs trop criardes. Mais ne boudons pas notre plaisir : Renaud a fait d'énormes progrès. En quelques années, il a réglé les trois problèmes principaux de ses personnages : les bouches, les cheveux et les yeux. Il a aussi fluidifié ses lignes et rendu la plume plus discrète (un peu trop, peut-être, sur les barbes de ses personnages qui ne sont plus désormais dessinées qu'à la couleur, mais n'ergotons pas...) Et il suffit de voir le succès des expositions de dessins reprenant ses « créatures » féminines pour voir que Renaud est apprécié du public. Sa volonté de traiter lui-même les couleurs depuis deux albums vient sûrement d'une envie de se dépasser et de se mettre face à de nouveaux défis. Laissons-lui le temps d'y répondre...
Au revoir Jimmy (Jimmy Tousseul) par Thierry Bellefroid
« Au revoir Jimmy », tome 12 de la série Jimmy Tousseul, par Daniel Desorgher et Stephen Desberg.

Et voilà, c'est fini. Une sacrée saga, qui nous aura valu de suivre un héros attachant pendant douze albums et de le voir mûrir avec beaucoup de bonheur. Sans en avoir l'air, cette série s'est installée dans le paysage de la BD en digne héritière des récits qui ont fait l'âge d'or du magazine de Spirou. Ce n'est pas par hasard que Tousseul est apparu chez Dupuis. Pétri d'influences (trop, parfois ?), Daniel Desorgher privilégie une ligne claire qui doit autant à Franquin qu'à Tillieux, à Vandersteen qu'à Will (et bien sûr à Peyo, avec qui il a travaillé). L'école belge dans toute sa splendeur. Quant à cette ultime aventure, riche de rebondissements, elle s'achève par un happy end intelligent, une sorte de fin ouverte qui ne devrait décevoir personne. Que dire d'autre sinon que, forcément adaptée à son public, cette BD pêche parfois par un petit excès de simplisme ? Mais la fraîcheur et l'authenticité des auteurs reste toujours aussi désarmante, même au bout de douze albums. C'est suffisamment rare pour être signalé. Desberg est un scénariste rare. Il est capable de nous livrer aussi bien les épisodes déjantés de La Vache que L'étoile du désert, ou le futur Scorpion. Sans oublier les perles dessinées par Will (« La vingt-septième lettre » et « Le jardin des désirs », ainsi que « L'appel de l'enfer », un peu moins abouti, celui-là). Et à côté de ça, il nous gratifie de séries « enfantines » comme Jimmy Tousseul et Billy the Cat. On attend la suite...
« Anticyclone » d'Etienne Davodeau. Dans la collection Sang-Froid, chez Delcourt.

« Anticyclone » est un des meilleurs albums d'Etienne Davodeau, qui en a pourtant déjà commis quelques-uns. A la hauteur d'un « Réflexe de survie » ou de « Quelques jours avec un menteur ». Après un opus un rien premier degré (« La gloire d'Albert »), revoilà le Davodeau tout en finesse, en dialogues et en impressions. Etienne est un formidable observateur de la vie et des gens. Il les croque sans tricher, avec une sincérité qui rend chaque dialogue authentique, chaque personnage proche de quelqu'un que nous avons croisé. Nina la grande gueule et Castor le mal-aimé vont se livrer une lutte sans merci pour conserver leur job. Dans leur course au bonheur -ou plutôt, à la survie !-, tout est permis. Et personne d'autre ne compte que ceux qu'ils doivent nourrir. La main tendue d'une femme pétrie d'ennui et entraînée malgré elle dans cette ronde infernale n'émeut même pas Nina, aveuglée par son égocentrisme. C'est d'une cruauté et d'une froideur exemplaires. Mais à prendre comme un constat (tiens, c'est le titre d'un album de Davodeau, ça, le constat... quel hasard), comme un reportage pris sur le vif, par un scénariste-dessinateur qui ne s'épanche jamais gratuitement dans ses BD. C'est dur, sans concession, mais c'est comme du Ken Loach en BD, on ressort avec quelque chose en plus. Ajoutons que la maîtrise des couleurs et de l'ambiance pluvieuse qui « baigne » (c'est le cas de le dire) cet album d'un bout à l'autre prouve que Davodeau est aussi doué comme scénariste que comme dessinateur. Dans ces deux activités, il privilégie la même approche, une façon d'aller à l'essentiel qui pourrait s'appeler le dépouillement. Et en plus, cette fois, il a superbement réussi la couverture !
Wade Mantle (Quarterback) par Thierry Bellefroid
« Quarterback 1 : Wade Mantle », par David Chauvel et Malo Kerfriden. Dans la collection Sang-Froid des éditions Delcourt.

On finirait par avoir l'impression de se répéter, à force... Nouvelle série chez Delcourt, avec Chauvel au scénario... et un illustre inconnu au dessin. Cette fois, on plonge dans une enquête du FBI qui s'annonce passionnante d'emblée, mais qui laisse, comme de bien entendu, le lecteur sur sa faim. Car ce premier tome de Quarterback est une mise en place, rien de plus. Une très bonne mise en place, qui vous tient tout de suite en haleine et vous plonge dans l'ambiance de bons thrillers à l'américaine, mais qui s'achève sans avoir levé le plus petit coin du voile. Dur pour le moral, mais c'est la loi du genre. Le ton choisi par Chauvel est assez neutre, détaché. On sent tout de suite que le vrai héros de l'histoire est le cadavre de Wade Mantle. C'est bien joué. C'est bien raconté. En clair, j'ai aimé. Mais que c'est mal dessiné ! Ce n'est pas le premier dessinateur débutant qui fait ses dents à l'écurie Delcourt, loin de là, mais cette fois, il y a de véritables lacunes, presque dans tous les domaines : visages, proportions, corps, voitures, perspectives...
Sur le papier, on peut trouver assez sympathique de donner leur chance aux jeunes dessinateurs. Mais par égard pour le public qui paye tout de même pas loin de 80FF cet album, on devrait se fixer des limites et ne jamais perdre de vue que le lecteur, lui, n'investit pas dans un fonds de développement aux futurs dessinateurs : il achète parce qu'il veut lire une bonne histoire. Alors, cette fois, c'est Malo Kerfriden qui paye pour tous les autres, qu'il me pardonne (ce qu'il ne fera sans doute pas et c'est son droit le plus strict...) mais la coupe est pleine. La collection « Sang-Froid » est une excellente collection, je la recommande généralement à tous les amateurs de bons polars. Il serait dommage qu'elle perde une part de son crédit à force de jouer les bancs d'essai !
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