Voilà une bien belle histoire d’amour que nous proposent ces deux talentueux auteurs. Sur fond de 2° guerre mondiale, en plein montée du nazisme dans les années 30, Philippe Richelle va nous perdre dans une histoire aux contours pas si nets, pas si évidents, et dont le flou en fera toute la saveur. Sans refaire non plus un cours d’histoire, il replace les personnages dans le contexte de l’après première guerre mondiale, en pleine crise économique, en pleine désillusion… Et avec un « sauveur » à la moustache tristement célèbre, qui rallie tous les suffrages d’un peuple à l’agonie… Dans ce long flashback de près de 90 pages, l’exploration de Richelle est de multiples niveaux. En effet, il creuse la psychologie de ses personnages, principaux et secondaires, nous les montrent forts, faibles, frustrés, amoureux, timides, maladroits, écœurés, galvanisés, trompés, séduits, et toujours avec une complexité qui fait le propre de chaque être humain. C’est brillant ! Mais sous le couvert de cette histoire d’amour presque impossible, et de ces rencontres improbables, il va habilement rendre compte du régime qui se met insidieusement en place dans cette Allemagne des années 30… La montée du nazisme est pernicieuse, et si elle est tacitement acceptée, elle ne se fait pas sans quelques réticences que des méthodes brutales s’affaireront à gommer définitivement… Ainsi le père de Martin et de nombreux autres seront confrontés à ces dilemmes chaque jour plus inquiétants… D’ailleurs, et ce n’est sûrement pas innocent, Richelle joue avec subtilité de cette famille Mahner qui semble être l’archétype de la famille allemande de cette époque trouble pour mieux nous faire comprendre comment l’horreur s’est instillée goutte à goutte…Le fils, David, est un idéaliste, profondément attaché aux valeurs humaines, qui aura bien du mal à s’affirmer tant les pressions sont énormes… Entre courage de ses opinions et peur de la répression, les protagonistes du « Dernier Printemps » nous livrent une pièce fameuse que l’on applaudit des deux mains, les rôles ayant été au préalable magnifiquement attribués par un Philippe Richelle qui tient son chef-d’œuvre. JM Beuriot joue lui dans un registre ligne claire qui est destiné à faciliter la lecture, privilégiant l’essentiel, l’ambiance, le tout étant rythmée par une lancinante et douloureuse voix off qui accompagne le lecteur tout le long de l’album. Ses couleurs aquarelles un peu délavées renforcent cette impression diaphane, la pâleur des personnages, la disparition des contours psychologiques, une Allemagne dans le doute… mais qui veut garder encore un brin de romantisme… Dans le genre, il y avait Gibrat qui nous offrait son « Sursis » en zone libre en France, là, nous sommes dans l’Allemagne qui gronde… mais ce sont toujours de belles histoires d’amour complexes, qui, le temps d’une lecture, nous conduisent aux tréfonds de l’Histoire qui se met en branle… Superbe !