« Paris Sous-Seine », Spirou et Fantasio N°47. Par Morvan et Munuera. Chez Dupuis.
Faut-il encore écrire sur ce nouveau Spirou et Fantasio qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, y compris au sein même des éditions Dupuis, partagées en deux camps, les pour et les résolument contre (qui ont failli gagner, soit dit en passant, puisqu'on s'est quand même sérieusement demandé si l'album verrait le jour, malgré sa prépublication dans les pages du magazine) ? Oui, sans aucun doute, on ne parle jamais assez de ce qui est résolument neuf. Et ce Spirou, nouvelle mouture, est résolument neuf. On aura beau dire qu'il s'inscrit dans la tradition établie par les précédents créateurs, le groom a pris un sérieux coup de jeune qui ne laisse personne indifférent. La faute à Morvan ou la faute à Munuera ? Il faut bien le dire, la faute à un peu des deux, mais surtout à Munuera. Le dessin de l'Espagnol est en rupture avec celui de Janry. Ce qui, en soi, n'est pas forcément un mal. Au contraire. Quoiqu'en disent les nostalgiques, deux constatations s'imposent. 1°Spirou a connu bien pire. 2°Grâce à son nouveau dessinateur, il risque de plaire à un lectorat plus jeune qui le considérait peut-être un peu vite comme un héros ringard. Car l'école Munuera, c'est celle du manga, de l'action, de la BD spectaculaire. Et ça marche. Surtout quand Morvan lui donne à dessiner ce qui l'amuse ! Ce qui nous amène au scénario. Là aussi, il y a rupture. Le Comte de Champignac sous le charme d'une ancienne condisciple, c'est troublant. Mais il y a plus. D'une part, le choix d'ancrer la série dans des décors ultra-réels, ceux de Paris, alors qu'un des génies des créateurs a été de réinventer un monde à l'échelle de leurs héros (et cela, même si Tome et Janry ont ouvert la brèche en leur temps, que ce soit en Australie ou à New York...), de l'autre, des contre-emplois dont le plus étrange est ce rôle de presque potiche joué par une Seccotine quasi subliminale (tant qu'à faire, elle pouvait être tout simplement absente de cette aventure... ) qui a d'ailleurs changé de look entre sa première apparition dans les pages de Spirou et son rôle de « guest star » dans celles de l'album. Ce qui nous amène à parler des retouches opérées entre le premier jet et le livre. Elles n'ont pas toujours été faites avec délicatesse. Ainsi, à la page 10, la case 1 promet « un moment d'exception à notre bord » et la case suivante, faisant référence à ce moment d'exception commence par « Elle débutera dès que ». Une confusion des genres qui s'explique manifestement par l'empressement de l'éditeur à revoir certains passages de cette première aventure. Mais ne jetons pas tout en vrac. Morvan a senti qu'il ne pourrait pas se contenter d'une aventure spectaculaire et technologique. Il a trouvé un héros parfait pour jouer les médiateurs : Spip. L'écureuil redevient un héros de premier plan et sauve tout simplement certaines scènes. Dommage, en revanche, qu'il ait cédé à son tic de vouloir trop remplir les planches, multipliant les cases, quitte à en faire de minuscules vignettes.
Au final, ce « Paris Sous-Seine » laisse perplexe, et c'est bien normal. Il marque la énième reprise d'une galerie de personnages qui font partie de l'inconscient collectif et qui ont connu l'une des plus grandes signatures, inoubliable, celle de Franquin. Inimitable, bien sûr. Mais faut-il condamner par avance toute nouvelle tentative ?