Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

L'association au Mexique par Thierry Bellefroid
« L'Association au Mexique », avec les travaux de Dominique Goblet, Vincent Vanoli, Caroline Sury et Thomas Ott.

Après le joli succès de L'Association en Egypte, une nouvelle expédition s'imposait. Elle débouche sur ces quatre histoires très différentes les unes des autres, reflets de ce qui se fait actuellement dans la BD dite alternative. Dominique Goblet ouvre le feu avec son dessin volontairement naïf et maladroit (ceux qui en douteraient regarderont avec attention les quelques dessins plus « académiques » contenus dans ce récit, ils constateront que Dominique Goblet est capable de dessiner « comme tout le monde »...). Sous forme de notes de voyage, avec ratures et collages de circonstance, une vision décalée et humoristique de ce qui est avant tout un choc culturel. De bons moments, mais je ne serai certainement pas le seul à regretter un ton très premier degré totalement en opposition avec le dernier chapitre, mon préféré, signé Thomas Ott. Le Suisse n'a rien perdu de son pouvoir d'évocation à travers le noir et blanc, le noir surtout. Ses images sont particulièrement belles et fortes, même si certaines sont dérangeantes et si la mort y est omniprésente. La carte à gratter de Thomas Ott révèle un vrai grand artiste qui compte à ce jour encore trop peu d'albums solo. Comme lui, Vanoli est loin d'être un inconnu. Avec son habituel talent pour les ambiances étranges et les non-dits, il abandonne quelques-uns de ses tics les plus dérangeants pour adopter un style de dessin très classique qui lui sied plutôt bien. Et toujours, cette maîtrise incontestable des gris. Droit au but, Vanoli s'intéresse au Chiapas et recherche l'âme du Mexique derrière les clichés. Quant à Caroline Sury, j'avoue... j'ai pas compris ! La quinzaine de pages qu'elle barbouille sans vergogne m'a semblé un pur gaspillage. Beaucoup diront qu'ils sont capables de dessiner mieux qu'elle. Ils n'auront pas tort. L'alternatif, oui. Mais faut-il vraiment tourner le dos au talent pour prouver d'où on vient ?
Le Casse-tête (Immondys) par Thierry Bellefroid
« Immondys, au-delà de l'impossible ». Tome Un : Le casse-tête. Par Daniel Hulet. Dans la collection « Carrément BD » des éditions Glénat.

Créée pour lancer la collection « Carrément BD », une collection qui se caractérise, vous l'aurez compris, par son format carré, Immondys est une oeuvre dérangeante, glauque, malodorante, comme on en croise peu. L'auteur s'en excuse presque dans la préface -ou à tout le moins il prévient- : une lecture rationnelle ne s'applique pas à cet ouvrage qui emprunte gaiement les voies de l'inconscient, de l'imaginaire, de l'absurde. Quête spirituelle, quête de sens, tout simplement, Immondys ? Oui et non. Quête artistique avant tout, sans doute. Car Hulet y donne le meilleur de lui-même, balançant au passage quelques superbes dessins de décors bruxellois -ses décors. L'église Notre Dame de Laeken, la rue Royale Sainte Marie, le Botanique, l'hôpital Brugmann, revus à travers le prisme de l'étrange et de l'angoisse. Il y a quelque chose de Bilal dans cet album, mais ce n'est pas du Bilal. Sans doute la même fascination pour les mots, qui défilent presque parallèlement aux images, qui vivent leur propre vie et racontent leur propre histoire. Une attirance pour l'étrange, aussi, pour l'inexplicable surtout. Sans compter cette mise en page torturée pas toujours très digeste, puisqu'elle oblige sans cesse le lecteur à retourner son album afin de lire à l'endroit des cases délibérément placées tête-bêche. Au lecteur d'accepter de cheminer sans lumière, de s'inventer des ponts, des liens, entre les réalités esquissées du bout du crayon par l'auteur. Un homme et une femme se rencontrent dans une autre dimension et tentent de partir à la recherche de leur identité. Mais les clés se dérobent et les réponses se dédoublent. Immondys, c'est ça. Esprits cartésiens et dépressifs s'abstenir.
« Réminiscences », tome 1 de Comptine d'Halloween. Par Callede, Denys et Hubert. Dans la collection Sang-Froid des éditions Delcourt.

Il est de notoriété publique que Guy Delcourt est constamment à la recherche de jeunes dessinateurs... peu gourmands en matière d'émoluments. On ne s'étonnera donc pas de voir le nom de Denys Quistrebert s'ajouter à la liste déjà longue des « petits nouveaux » lancés cette année par les éditions Delcourt. A chaque fois, on se dit que l'éditeur a tapé juste. Malgré les défauts de jeunesse inévitables, il y a un trait, une facture tout à fait acceptable. Que l'on pense à « Station debout », « Petit verglas » ou « Le maître de jeu », par exemple, cette remarque s'applique de la même manière. D'autant que ces jeunes dessinateurs ne partent généralement pas au feu sans être assistés d'excellents coloristes, c'est le cas d'Hubert qui fait oublier bien des défauts du dessin de Denys dans ce premier album de Comptine d'Halloween remarquablement mis en couleurs. Bien, le préliminaire de circonstance étant installé, venons-en à l'album, réalisé, donc, par deux inconnus.

Joël Callede ne s'est pas jeté dans cette histoire au hasard. Il a au moins relu l'intégrale de Stephen King et pillé la vidéothèque de films d'horreur de Pau avant de se mettre au travail. Tous les clichés du genre sont réunis dans ce scénario... à commencer par Halloween, que le cinéma a déjà exploité jusqu'à la moëlle. Alors, que vient faire la BD dans ce genre que réalisateurs et écrivains ont déjà mille fois abordé ? Peut-être combler un vide. Rien ne ressemble à Scream en BD, rien ne ressemble à Shining non plus. Ou c'est trop gore ou c'est du polar. On dirait que Joël Callede a su taper pile au milieu. Son histoire roule comme une boule de bowling et on se surprend à jouer les quilles d'un bout à l'autre. Menée tambour battant, elle arrive à nous faire oublier que nous ne sommes pas au cinéma. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on frissonne ici -est-ce possible de faire frissonner le lecteur de BD ?, j'en doute- mais on se jette à corps perdu dans cette aventure trop courte et foutrement bien ficelée. Les esprits négatifs demanderont ce que ce genre d'histoire apporte à la BD sinon confirmer son statut de succédané du cinéma. Je pense pour ma part que si les meilleures BD sont celles qui ne sont pas transposables au cinéma, il y a également place pour « d'honnêtes » histoires en bande dessinée qui s'inspirent des univers et de la manière de raconter des cinéastes. Celle-ci en est incontestablement une.
Le deuxième cercle (Exit) par Thierry Bellefroid
« Le deuxième cercle », tome 2 de la série Exit. Par Alain Mounier et Bernard Werber. Chez Albin Michel.

Première constatation : Bernard Werber nous fait le coup de la fin frustrante à souhait. Ca marche une fois, pour le gag, si j'ose dire, mais cette obsession qu'a le scénariste de tenir ses lecteurs en haleine -même d'un album à l'utre- devient déjà gênante. C'est pas si compliqué de trouver une fin provisoire, de quitter son lecteur sur un sentiment de bonheur plutôt que de frustration... je dirais même que c'est une question de respect.

Deuxième constatation : après un début en force, Exit se dilue déjà. Il ne suffit pas de maintenir élevé le niveau de l'action pour faire « tenir » une histoire ; il faut aussi éviter de la tirer en longueur. Or, ce « deuxième cercle » nous promène, voire, fait du sur-place, mais en tout cas ne nous rapproche nullement de la solution de l'intrigue. Dommage. D'autant que beaucoup d'éléments semblent cette fois vraiment peu crédibles. Exemple : l'arme pleine d'empreintes... disposées à l'envers, puisque Amandine rattrape la crosse mains en accent circonflexe, canon vers le bas. Qui croirait qu'elle a pu tuer quelqu'un avec un revolver pointé vers ses pieds ? Autre exemple, Kafka, le chat faire-valoir sorti de nulle-part qui défend sa maîtresse « bec » et ongles trois heures à peine après avoir fait sa connaissance. Quant aux tueurs d'Exit qui rattrapent Amandine où qu'elle se cachent, ils n'expliquent jamais comment ils ont retrouvé leur proie : un peu facile. La méthode devient très simple. 1° Amandine va se faire tuer. 2° Elle échappe de justesse à la mort. 3° Elle se réfugie dans un endroit ou auprès de gens qu'Exit ne peut connaître et se croit donc un temps hors de danger. 4° Les tueurs la retrouvent inexorablement. Ca peut durer longtemps ce petit jeu, genre course-poursuite de cheval en train et de train en voiture. Mais ça n'apporte pas grand chose.

Bernard Werber est un grand romancier et surtout -ses romans le prouvent- un scénariste brillant et inspiré. Après un premier album enthousiasmant (la critique est toujours visible sur ce site), on était en droit d'attendre de lui autre chose que du sous Van Hamme.
Physilia (Les Aquanautes) par Thierry Bellefroid
« Physilia », tome 1 de la série « Les Aquanautes », par Parnotte et Mallié, chez Soleil.

Nouvelle série, une de plus, chez Soleil. Vincent Mallié et Joël Parnotte nous entraînent sous l'eau, dans une station scientifique occupée depuis quelque temps par des militaires aux plans très secrets. Ca ne fait pas l'affaire des géologues, qui n'apprécient guère de ne plus être les maîtres chez eux. La tension monte d'un cran lorsqu'on découvre l'un des militaires mort. Mais quand Nando Mc Rae, l'un des géologues au passé personnel un peu chamboulé, croit avoir vu un assassinat qui n'a, lui, officiellement pas eu lieu, ça devient vraiment compliqué. D'autant que le même Nando, à couteaux tirés avec tout ce que la base compte d'uniformes, est désigné pour faire équipe avec les militaires afin de récupérer la mystérieuse cargaison d'un cargo cubain. Le scénario des Aquanautes s'annonce sous les meilleurs auspices et comme le dessin n'a rien à lui envier, on est plutôt content d'en parler. Le personnage central est crédible, les rôles secondaires sont bien distribués, le mystère est intelligemment dosé. Que cache le travail des militaires ? On ne le saura pas dans cet album, évidemment. Pas plus qu'on aura de réponse ou de début de piste concernant les assassinats de militaires qui ont lieu dans la base. C'est la loi du genre, toujours un peu frustrante, mais moins frustrante que la fin qui nous laisse sur une expression de stupeur de Nando Mac Rae, découvrant un nouveau cadavre. Dur pour les nerfs, mais bon, on attendra sagement la suite pour en savoir plus.
Pascin - tome 2 (Pascin) par Thierry Bellefroid
« Pascin 2 & 3 », par Joann Sfar à L'Association.

Dessinés il y a plus de deux ans, déjà, les tomes deux et trois de Pascin paraissent simultanément, dans la collection Mimolette. Joann Sfar y poursuit son travail de biographe non officiel et décalé. Tellement décalé que le lecteur se demandera pendant presque tout le tome deux s'il est bien en train de lire la suite du premier volume. C'est que Sfar n'aime pas la ligne droite. Ni graphiquement ni scénaristiquement. Pour raconter la vie de ce peintre, il fait des détours et s'attarde sur deux autres de ses contemporains, Juifs comme lui. Le deuxième album est donc une transition qui nous permet d'aborder la rencontre entre Pascin (de son vrai nom Julius Mordecaï Pincas, Juif d'origine bulgare), Soutine (expressionniste d'origine lituanienne) et le célèbre Russe Chagall (auquel Sfar a déjà fait de larges allusions dans le dernier Petit Vampire)
Curieusement, Chaïm Soutine et Marc Chagall se fréquentent beaucoup plus tôt que ne le situe Sfar dans cette histoire. Lors d'un premier voyage à Paris, en 1910-1911, Chagall s'installe à La Ruche. Là, il a Soutine pour voisin. Il est curieux que Sfar ait choisi la période de son installation « définitive » à Paris (elle ne le sera pas car Chagall voyagera encore à travers la moitié de la terre dans les années qui suivront) pour situer cette rencontre. Et toute réflexion faite, il est même presque curieux que Joann Sfar n'ait pas choisi de raconter l'incroyable destin de Chagall (mort en 1985 à près de 100 ans !), auquel il porte manifestement beaucoup d'estime (et dont les eaux-fortes et certaines lithographies présentent une étonnante parenté graphique avec le trait du dessinateur de BD) plutôt que celui de Pascin. Sans doute Sfar tenait-il plutôt à faire sortir Pascin de l'ombre et à s'appesantir sur le milieu aux moeurs déliquescentes dans lequel il se complaisait. Le rapport entre l'art et le sexe, entre la création et la pauvreté, est ici exploité avec beaucoup de talent. Mais il est certain que le traitement original de cette biographie ne plaira qu'à un public très restreint. Sfar se fait plaisir et L'Association est sans doute l'une des seules maisons d'édition qui peut se permettre d'éditer de tels albums.
La journée de la terre par Thierry Bellefroid
« La journée de la terre », par Assaf Hanouka et Etgar Keret, dans la collection « petits Meurtres » des éditions du Masque.

La bande dessinée israélienne est pour le moins peu connue chez nous. Il faut dire qu'elle est rarement traduite en français. Il y a quelques mois, une collaboration entre un jeune dessinateur israélien et l'un des tenants du roman noir français -Didier Daeninckx- permettait aux éditions du Masque de faire sortir cette BD de l'ombre (cette collaboration, c'était l'album « Carton Jaune », dont vous pourrez trouver la chronique sur ce site). Le dessinateur en question, Assaf Hanouka, revient en effet avec un album 100% israélien, cette fois. Son scénariste, Etgar Keret, est un écrivain et un réalisateur très connu dans son pays. Et les histoires qu'ils racontent sont réellement un miroir sans prétention de ce que peuvent vivre les jeunes Israéliens d'aujourd'hui. De courts récits qui empruntent les techniques de la nouvelle pour nous brosser en quelques traits un état des lieux très tranché, assez noir. Il n'y a pas de fin aux histoires d'Etgar Keret, mais qu'importe, il ne s'agit que de polaroïds sans concession. Le dessin d'Assaf Hanouka, dépouillé de ses couleurs et de ses rondeurs, apparaît ici comme le medium idéal pour raconter la vie quotidienne en Israël. Une vie dont les décors semblent universels : buildings, voitures, cinémas et chambres d'ados comme on en voit partout. Mais dont le petit quelque chose au fond des yeux des protagonistes ne se rencontre pas dans la plupart des Bandes Dessinées que l'on peut lire par ailleurs.
Pascin - tome 3 (Pascin) par Thierry Bellefroid
« Pascin 2 & 3 », par Joann Sfar à L'Association.

Dessinés il y a plus de deux ans, déjà, les tomes deux et trois de Pascin paraissent simultanément, dans la collection Mimolette. Joann Sfar y poursuit son travail de biographe non officiel et décalé. Tellement décalé que le lecteur se demandera pendant presque tout le tome deux s'il est bien en train de lire la suite du premier volume. C'est que Sfar n'aime pas la ligne droite. Ni graphiquement ni scénaristiquement. Pour raconter la vie de ce peintre, il fait des détours et s'attarde sur deux autres de ses contemporains, Juifs comme lui. Le deuxième album est donc une transition qui nous permet d'aborder la rencontre entre Pascin (de son vrai nom Julius Mordecaï Pincas, Juif d'origine bulgare), Soutine (expressionniste d'origine lituanienne) et le célèbre Russe Chagall (auquel Sfar a déjà fait de larges allusions dans le dernier Petit Vampire)
Curieusement, Chaïm Soutine et Marc Chagall se fréquentent beaucoup plus tôt que ne le situe Sfar dans cette histoire. Lors d'un premier voyage à Paris, en 1910-1911, Chagall s'installe à La Ruche. Là, il a Soutine pour voisin. Il est curieux que Sfar ait choisi la période de son installation « définitive » à Paris (elle ne le sera pas car Chagall voyagera encore à travers la moitié de la terre dans les années qui suivront) pour situer cette rencontre. Et toute réflexion faite, il est même presque curieux que Joann Sfar n'ait pas choisi de raconter l'incroyable destin de Chagall (mort en 1985 à près de 100 ans !), auquel il porte manifestement beaucoup d'estime (et dont les eaux-fortes et certaines lithographies présentent une étonnante parenté graphique avec le trait du dessinateur de BD) plutôt que celui de Pascin. Sans doute Sfar tenait-il plutôt à faire sortir Pascin de l'ombre et à s'appesantir sur le milieu aux moeurs déliquescentes dans lequel il se complaisait. Le rapport entre l'art et le sexe, entre la création et la pauvreté, est ici exploité avec beaucoup de talent. Mais il est certain que le traitement original de cette biographie ne plaira qu'à un public très restreint. Sfar se fait plaisir et L'Association est sans doute l'une des seules maisons d'édition qui peut se permettre d'éditer de tels albums.
« Durant les travaux, l'exposition continue, tome 3 : Crises de foi », par Clarke et Midam. Dans la collection Humour Libre des éditions Dupuis.

Il n'y a pas lieu d'écrire des dizaines de pages sur ce genre d'albums. En général, ils se suffisent à eux-mêmes et trouvent leur public sans trop de peine. J'ai toutefois envie de signaler aux esprits chagrins qui croiraient tout connaître de cette série après les deux premiers albums que les auteurs ont choisi, avec ce tome trois, de changer radicalement de ton. Album thématique qui met à mal les croyances et toutes les formes d'exploitation de la crédulité, « Crises de foi » ne fait pas rire à proprement parler. Il faut dire que l'humour est volontiers grinçant, acerbe. Mais il part à contre-courant d'une mouvance post X-files qui voudrait que la moitié des éléments autour de nous soient inexplicables et inexpliqués. Midam et Clarke se sont amusés au contraire à trouver des explications rationnelles à tous les phénomènes paranormaux. Et bien entendu, c'est dans l'humour ou le second degré qu'ils ont trouvé les solutions. Ca fonctionne plutôt bien, même si, comme je le disais plus haut, ce n'est pas un album qui fait rire. C'est parfois un peu gros, mais ça tord le cou à tant d'idées en vogue que c'en est déjà salutaire. Voilà, à vous de vous faire une opinion (comme toujours, d'ailleurs).
Les Innocents (Ring Circus) par Thierry Bellefroid
« Les innocents », tome 2 de la série « Ring Circus », par David Chauvel et Cyril Pedrosa, paru chez Delcourt.

La série la plus poétique d'un Chauvel qui aime a priori davantage les ambiances de polar. Et pourtant, je ne suis sûrement pas le seul à trouver que c'est la meilleure parmi son intense production. Tout d'abord, il y a ces deux personnages principaux, toujours aussi attachants et dissemblables malgré leur amitié : Jérold et Anthonin. Blanche et Jérold nous rejouent les amours impossibles avec tout ce qu'il faut de mélo pendant qu'Anthonin se découvre des atomes crochus avec Lilas. Le dessin de Cyril Pedrosa reste un des atouts de la série. Beauté du trait et choix raffiné des couleurs. Il traite avec un égal bonheur les scènes d'humour (principalement dues aux maladresses de Géraldine, la petite zèbre de compagnie d'Anthonin) et celles d'action, voire de fantastique. Car Chauvel insiste encore davantage dans ce deuxième album sur la magie « noire » qui accompagne l'étrange ennemi du cirque, l'homme à la cape et au haut de forme blancs qui sème la zizanie parmi les membres de la troupe. Le mystère à son sujet reste entier et cela donne du sel à une histoire qui mélange habilement les genres et les ingrédients les plus divers, un peu comme un Walt Disney. J'avoue, j'en redemande.
« Les sales blagues de l'Echo N°8 », par Vuillemin, chez Albin Michel/L'Echo des Savanes.

Sous-titré « L'été sera chaud », le nouveau recueil de Vuillemin est une lecture de vacances parfaite. A condition d'être prêt à rire de tout. Car à côté de l'enfant terrible de l'Echo des Savanes, Wolinski fait carrément figure d'enfant de choeur. Vuillemin ne respecte rien ni personne (comme Reiser mais en plus dégueulasse encore). Ca n'empêche pas le lecteur de rire presque à chaque fois. Le gag d'ouverture en trois pages intitulé « Rasons le gazon » est le plus digne de la « ligne crade » dont se réclame le dessinateur. Ca suinte de partout et ça sent franchement pas bon dans les phylactères. Mais cette introduction brutale a un avantage : elle permet de faire le tri parmi les lecteurs curieux qui feuilletteraient ce livre à la FNAC en attendant la fin d'une averse : soit ils referment l'album, dégoûtés, soit ils le lisent d'une traite (ce qui ne prend guère plus d'une demie heure). Il faut dire que la chute de cette première histoire est aussi crade qu'excellente. Mais il n'y en a pas que pour le sexe et la scatologie, ce serait trop facile. Vuillemin saccage tout sur sa route, avec la même jouissance provocatrice : fric, bêtise humaine et racisme y passent eux aussi. « Le balèze des banlieues » est à ce sujet assez bien senti. Bon, j'arrête de vous faire l'article. de toute façon, je sais que vous le feuilletterez à la FNAC en attendant la fin d'une averse, alors...
« Petit Vampire fait du Kung-Fu ! », par Joann Sfar, chez Delcourt Jeunesse.

Passée la surprise du premier album, que reste-t-il de l'enchantement de « Petit Vampire » ? Réponse : tout. Cette nouvelle histoire de trente planches montre à quel point Joann Sfar est à l'aise dans les histoires pour enfants. Le langage y est, les monstres, aussi hideux soient-ils, sont toujours amusants, l'inventivité est sans limite. Petit Vampire revient donc dans cette deuxième aventure bourrée de références pour les adultes (Chagall, Einstein et la relativité, etc...) mais tout aussi compréhensible pour les plus petits. C'est sans doute l'une des grandes forces de cet auteur que l'on peut souvent lire à plusieurs niveaux de lecture différents. Le premier tiers de l'histoire est une belle fable sur l'apprentissage, la peur, le courage. Ensuite, le délire commence. Geoffroy, mangé par des monstres, doit absolument être « reconstitué ». On essaie toutes les techniques et on fait appel à des magiciens finalement assez maladroits. C'est l'occasion, pour Joann Sfar, de laisser libre cours à sa fibre humoristique. On rit beaucoup dans cette seconde partie, mais il n'y a pas vraiment de gags ; c'est plutôt un comique de situation et la force des dialogues truculents qui provoquent le rire. Du tout bon qui ravira, selon la formule consacrée de moins en moins souvent vraie, les jeunes de 7 à 77 ans.
e-dad par Thierry Bellefroid
« e-dad » de beb-deum, chez PMJ.

Voilà un album qui ne laisse pas indifférent. Certains vont détester, il n'y a aucun doute. Le parti-pris esthétique est déjà en soi source de polémique. Personnellement, sans être -loin delà- un fan du dessin à l'ordinateur, j'avoue avoir été séduit. La petite Li-Li-San -conçue, à l'origine, pour un éditeur japonais (ce qui explique son physique délibérément eurasien)- est totalement craquante et hyper expressive. Son père virtuel, « e-dad », que l'auteur a baptisé « Monsieur Papa » avec beaucoup d'humour, est à l'image d'un Robocop de papier. Tout en muscle et en acier. Mais cette enveloppe trop parfaite, cette cuirasse pourrait-on dire, affiche une délicieuse opposition avec le caractère très « papa-gâteau » du héros. Bref, ça fonctionne, ça fonctionne même très bien quand on pense que beb-deum arrive à nous faire oublier qu'il n'y a que deux personnages (et une fugace apparition de la mère de Li-Li-San de temps à autre) dans toute cette BD. Ajoutez-y le fait qu'il n'y a pas de décor et vous obtiendrez cet étonnant cocktail qu'est « e-dad ». Ma seule gêne est de me demander si l'apparente naïveté de l'auteur est belle et bien innocente. Première histoire avec le père (virtuel) et la petite fille complètement nus. Le père affiche ses attributs (avec discrétion, mais quand même) et la petite fille ne cache pas qu'elle en est une. Ensuite, on rhabille plus ou moins tout le monde, mais les petites culottes de Li-Li-San sont étrangement souvent visibles. Quand on sait que les Japonais profitent de certains mangas pour assouvir des penchants limite-pédiphiliques, on peut se demander si tout cela est bien dû au hasard. Je me pose toujours la question (ne prétendant pas avoir trouvé la réponse) et ne peux m'empêcher de rester sur un léger malaise. En dehors de ça, beb-deum réussit une très belle BD, très agréable à lire, très esthétique et résolument moderne sans être un produit de mode.
« Un bon plan de chez bon plan » , (Mes voisins sont formidables-T.2) par Philippe Thirault et Sébastien Gnaedig. Comix n°21 des éditions du Cycliste.

Suite de « Mes voisins sont formidables » (paru dans la même collection Comix), cette petite histoire de 24 pages en noir et blanc est comme la précédente un véritable florilège de névrosés et autres barjots qu'on peut avoir pour voisins dans un HLM. Julien Banes, l'écrivain maudit spécialiste des romans à compte d'auteur invendus récidive, mais cette fois, il écrit « jeune ». Ce qui nous vaut cet extrait « J'te dis qu'elle m'a téma, espèce de bouffon ! J'suis croc d'elle, cette zessegon j'la kife grave, j'vais l'emmener dans la cepla, j'vais la fonceder à donf, j'suis trop love d'elle » , du Thirault pur jus. La voix-off, elle, est un peu moins « Série Noire » que dans le premier tome, qui s'ouvrait par ces quelques mots : « 9 heures, j'ai dû trop fumer hier soir. C'est cette merde que m'a refourgué Mazdak. Elle rend space. Elle ferait tomber la bite à Clinton. » Mais elle nous réserve encore de grands moments. Morceau choisi : « ... et il y a toujours la blondasse de 40 balais bourrée qui se fait payer des verres mais qui couche pas, parce que la descente d'organes, ça la rend haineuse. On finit toujours tout habillé dans le plumard, avec la bouche sèche et des cauchemards de merde. » Bref, l'un dans l'autre, le ton est le même et les personnages sont croqués avec le même oeil observateur et méchant, que pose Philippe Thirault sans la moindre complaisance dans les albums de « Miss » chez Humanos. Et puisqu'on parle des Humanos, signalons que Sébastien Gnaedig, le dessinateur de « Mes voisins sont formidables » et de « Un bon plan de chez bon plan » n'est autre... que le directeur éditorial de cette prestigieuse maison d'édition. Gnaedig s'offre cette petite récréation avec un simple feutre qui convient parfaitement au traitement très noir de l'histoire. Mention spéciale pour le personnage de Monsieur Boloni, cinglé total qui passe sa vie avec des céphalopodes, même si dans l'immeuble imaginé par Philippe Thirault, aucun habitant n'est vraiment « normal ». A bien y réfléchir, il y a quelque chose de « Monsieur Jean » en plus méchant, en plus noir aussi, dans ces voisins formidables. Bienvenue chez les loosers !
« Le journal d'Henriette, tome 2 », réédition, par Dupuy et Berberian. Aux Humanos.

Editeur des albums « d'Henriette » (à ne pas confondre. Près de dix ans séparent ces deux séries au nom très proche : « Henriette » et « Le journal d'Henriette »!) et éditeur de « Monsieur Jean », Humano ne pouvait pas laisser éternellement « Le journal d'Henriette » au rayon des introuvables. Après la réédition du tome 1, voici donc le deux, premier album entièrement en couleur des aventures de cette petite intello grassouillette qui a eu bien du mal à imposer sa silhouette et ses histoires dans Fluide Glacial à la fin des années 80. Une réédition, c'est à la fois un plaisir pour les lecteurs et un chemin de croix, parfois, pour les auteurs. Surtout quand il s'agit de remettre en vente un album qui a plus de dix ans. Les personnages plus ronds, les gueules hurlantes avec mâchoires à la dentition impressionnante en gros plan, les visages très rapprochés et de manière générale l'utilisation du grand angle (comme pour le chasseur de l'histoire intitulée « samedi 13 février ») sont toutes des options aujourd'hui abandonnées par le duo. Mais Philippe Dupuy et Charles Berberian ont assez d'humour et de détachement pour ne pas renier cette période.

Il y a dans « Le Journal d'Henriette » une rondeur presque exagérée qui n'ôte pas l'impression d'avoir à faire à une BD au trait un peu figé, statique. (Dupuy et Berberian ont été bien plus loin en la matière, lorsque, sous l'influence de Chaland, ils adoptaient une ligne claire quasi géométrique dans les histoires de « Wagner », que l'on peut retrouver dans la compilation de leurs travaux de jeunesse parue à L'Asso en 91, « Les héros ne meurent jamais »). Le premier Monsieur Jean (édité lui aussi en 91) aura marqué un tournant graphique dont on mesure aujourd'hui toute l'évolution. Un tournant négocié en douceur mais que l'on ne devine pas encore, par exemple, dans « Klondike », la première expérience « post-Henriette » parue chez Milan en 89, truffée, elle aussi, de gros plans et d'effets cinématographiques (mais où l'on trouve quand même déjà des « évasions » poétiques plus stylisées). Aujourd'hui, les lignes de Dupuy et Berberian se veulent plus fuyantes, les contours plus estompés, l'épaisseur du trait est partie prenante de la composition (comme dans les très beaux « Carnets de New York » et « Carnets de Barcelone » parus chez Cornélius en 96 et 99) et cette évolution graphique est l'une des clés du succès actuel de ce duo vieux de bientôt vingt ans. Autant dire qu'il faut regarder la réédition du journal d'Henriette avec une sorte de bienveillance qui ne signifie nullement qu'on doit ignorer les défauts de cette œuvre de jeunesse. Quand je parle de bienveillance, c'est parce que la tentation est grande de prendre ces rééditions pour des suites d'Henriette, l'actuelle série dont deux tomes sont déjà parus aux Humanos avec un lay-out presque identique. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts entre ces deux périodes créatrices, à tel point que pour certains amateurs, la lecture ou la relecture de cet album tiendra de l'archéologie. Pour les plus distraits, elle pourrait davantage s'apparenter à un raté... à tort !

Un mot -tout de même-, du fond de ce « Journal d'Henriette, tome 2 ». Léger, plus premier degré que certains travaux ultérieurs, il ménage cependant quelques belles surprises. Par exemple, l'histoire intitulée « Mercredi 23 novembre » dans laquelle Henriette sert de boîtes aux lettres entre un jeune amoureux transi et la fille qui l'a laissé tomber. C'est sans aucun doute l'histoire la plus drôle et surtout la plus inattendue de ce recueil. On y trouve notamment cette scène truculente, lorsque le jeune homme lit avec beaucoup de conviction la liste d'insultes qu'il a écrite à sa fiancée face à une Henriette entourée de curieux interloqués. J'aime aussi beaucoup « jeudi 7 avril », histoire de la première cuite d'Henriette qui permet notamment à nos auteurs de jouer à fond sur l'absence d'horizontalité et d'installer un running-gag en deux temps trois mouvements : celui de la machine à laver, à la fois objet des conversations d'adultes qui n'ont rien à se dire, et vague obsession de la « pocharde » (de petits détails comme les inscriptions salaces sur le mur de la cabine téléphonique montrent que Dupuy et Berberian se sont manifestement amusés en écrivant cette histoire). Les autres récits ne sont pas pour autant dénués d'intérêt. Simplement, ils font plus (trop ?) facilement appel aux recettes liées aux caractéristiques évidentes de l'héroïne (moche, grosse, rêveuse, etc...). Mention spéciale pour le « conte de Noël » final, une belle variation sur un genre éculé et presque obligatoire dans les magazines de l 'époque.
Le destin de Jane (Fog) par Thierry Bellefroid
« Le destin de Jane », tome 2 de « Fog » par Bonin et Seiter. Chez Casterman.

Un dessin qui ne manque ni de personnalité ni de qualités, un scénario qui tient parfaitement la route sans céder à la facilité, des personnages intéressants, bien ancrés dans leur époque et leur place au sein de la société. Fog est une de ces BD qui sans être un chef d'oeuvre (mais il y en a si peu ! ) nous laisse sur un sentiment de bonheur au moment de fermer la dernière page. Rien à dire, ce deuxième album vient confirmer tout le bien qu'on pensait à la lecture du premier. Il est même meilleur, à bien des points de vue. Délaissant le côté fantastique du début de l'histoire, Roger Seiter distille ses réponses avec parcimonie, au point que si tout semble plus ou moins s'éclairer vers le milieu de l'histoire, le vrai coupable, lui, reste dans l'ombre jusqu'à la dernière minute. Quant au dessin de Cyril Bonin, apparemment très ressemblant à celui du précédent album, il évolue davantage qu'il n'y paraît. C'est vrai que les couleurs ont l'air de se ressembler. Mais à y regarder de plus près, le blanc, très présent dans « Le tumulus », a disparu au profit de toute une gamme de couleurs beaucoup plus nuancées allant du jaune au rose. Quant aux aplats noirs, ils sont radicalement opposés à ceux du premier album. Ici, Cyril Bonin utilise l'eau tant qu'il le peut, diluant la couleur à l'extrême, ce qui nous donne cette très belle matière un peu floue dans les noirs des tissus, des murs ou des coques de bateaux. Avec un graphisme très personnel qui allie la clarté au sens du détail, Bonin réalise ici une très belle alchimie qui convient à merveille aux ambiances policières londoniennes développées par son scénariste. Scénariste qui a eu la bonne idée de ne pas tirer son récit en longueur plus qu'il ne le fallait. Deux tomes, c'était juste assez pour développer personnages et intrigue tout en gardant un rythme efficace et attrayant.
Lazarr (Les Entre-Mondes) par Thierry Bellefroid
« Lazarr », par Patrice et Manu Larcenet. Dans la collection Poisson-Pilote des éditions Dargaud.

Les frères Larcenet frappent fort avec cette version du purgatoire entre humour noir et onirisme acerbe. Ce Lazarr fourmille de bonnes idées. La principale est d'avoir imaginé quel bordel pouvait mettre dans ce purgatoire un type qui y arriverait avec « le Graal Noir » (un revolver, en fait) le seul objet convoité par tous car il peut tuer les morts (sic). Mais il y a bien d'autres trouvailles dans ce délire « à la Trondheim ». Le greu -l'oiseau qui a le pouvoir de provoquer des visions-, le canard communiste commis aux rondes, et bien sûr, les deux héros, la brute épaisse du Ku-Klux-Klan -le shérif qui a baptisé son flingue Lee Harvey- et le « négro » -Bird-, condamnés à rester chevillés l'un à l'autre durant tout leur séjour au purgatoire. Quant aux dialogues, ils sont franchement excellents et nous réservent quelques très beaux échanges du genre :
-Comme disait je sais plus qui, « un bon négro est un négro mort »
-C'était Custer... et il parlait d'indiens.
-...La différence est minime.
-Ca dépend de quel côté du canon on se trouve.

Ou encore, cette scène dans les toilettes où le shérif Metzger découvre Bird, juste sous le panneau « White only » :
-Dis-moi, Bird... tu sais pas lire ?
-Bin... pas très bien. C'est sans doute dû au fait que l'école aussi était réservée aux Blancs.

Bref, des idées et de bons dialogues. Sans compter un dessin agréable. Seul problème, Lazarr part un peu dans tous les sens. Peut-être les frères Larcenet avaient-ils assez de matière pour des albums différents. En tout cas, l'ensemble aurait gagné à être plus resserré, moins décousu. Trop d'idées tue l'idée, quoi. Le problème étant le décalage entre un début très humoristico-absurde et une fin très moralisatrice et premier degré (la page 45 tombe carrément comme un cheveu dans la soupe) Quoi qu'il en soit, la lecture de cet album reste recommandée, et elle prouve la bonne tenue de cette nouvelle collection.
« Le télescope de Charon », tome deux de « Monsieur Mardi-Gras Descendres, par Eric Liberge, chez Pointe Noire.

C'était le risque. Le superbe univers créé par Eric Liberge ne tient pas la distance au bout du deuxième album. Trop compliqué à suivre, trop de ressemblances entre les personnages (c'est forcé quand on ne travaille que sur des squelettes, mais dans le premier album on arrivait encore à savoir qui était qui en suivant une action beaucoup moins complexe) et trop alambiqué, il essouffle lecteur. Pourtant, cet univers de purgatoire sidéral formé de squelettes vieillissants avait tout pour plaire, ne fût-ce que l'incroyable habileté du dessinateur à croquer des carcasses entassées sur des terres désolées et à leur donner vie. J'y ai cru. Et j'ai apprécié le travail du jury du prix Goscinny qui avait eu le flair d'aller dénicher cette pure merveille pour la faire connaître au grand public. Je ne dirai pas que ce deuxième album est mauvais, loin de là. Il n'était tout simplement pas nécessaire. Qu'apporte-t-il de plus qu'une suite peu enthousiasmante où une chatte perdrait ses petits ? Dommage. Eric Liberge a un talent certain, et pas seulement comme dessinateur. Mais il gagnerait à ne pas s'attarder au-delà du troisième et nécessaire dernier album dans cet univers dont il a fait le tour. Un univers avec lequel je vous engage à faire connaissance, si ce n'est déjà fait, en lisant l'excellent premier tome. C'est poétique, intelligent, plein d'idées, drôle et caustique, visuellement splendide. Celui-là, c'est sûr, vous ne regretterez pas de l'avoir lu. Et avec un peu de chance, vous adorerez le deuxième et me traiterez de « vieux con intégriste ». C'est tout ce que je vous souhaite !
Douce violence (Emma) par Thierry Bellefroid
« Douce violence », tome 2 de la série Emma de Christian de Metter, chez Triskel.

Il y a quelque temps, j'avais laissé transparaître mon enthousiasme dans cette rubrique en y « parlant » du premier tome d'Emma. Découvrant la suite en librairie, la semaine dernière, je n'ai pas pu résister au dessin de couverture qui a lui seul est une très grande réussite. J'ai immédiatement acheté puis dévoré cette deuxième et avant-dernière partie. Le graphisme de Christian De Metter -dont un album est en prévision aux Humanos, m'a dit le même gentil libraire- est toujours aussi saisissant. Je dirais même qu'il l'est d'autant plus qu'on avance dans l'histoire. Car la seconde partie de ce deuxième album, toute entière dédiée au personnage d'Emma, est l'occasion de compositions magnifiques. A la fois effrontée, sauvage et par moments mystérieuse ou délicieusement nature, Emma est ce genre d'héroïnes dont on ne peut que tomber plus ou moins amoureux. Elle passe avec une incroyable grâce de la candeur à la gravité et de la sensualité à la langueur... ou au sommeil innocent !
L'histoire racontée par Christian De Metter reste accessoire : notre héros, Alex, est toujours amnésique et continue de peindre intuitivement. Les problèmes avec sa logeuse et la rencontre d'un possible mentor ne viennent que le détourner d'une retraite volontaire dans laquelle Emma va venir prendre toute la place. Mais les ambiances, le travail sur les lumières (ou, parfois, sur l'absence de lumière), les expressions des visages et la palette de couleurs sont autant de moments de pur bonheur. Contrairement à beaucoup d'autres, De Metter a par ailleurs réussi le délicat exercice d'introduire dans son histoire un faciès existant, celui de Gainsbourg. Réussi pour deux raisons. La première, un travail de peintre qui rend presque « Lucien-Serge » plus vrai que nature. Saisissant. C'est vraiment lui, pas une caricature. Ensuite, une utilisation parfaitement habile et appropriée de Gainsbourg dans le scénario (même si l'histoire se passe en 1922 !) qui crédibilise ce visage pourtant si connu et si typé. Une belle réussite. On attend le tome trois avec impatience.
Studio par Thierry Bellefroid
« Studio » par François Avril, paru aux éditions Le Neuvième Monde.

L'air de rien, François Avril est dans la course depuis un bail. Et ses influences remontent plus loin encore. Avec Chaland, Dupuy, Berberian, Götting (tous de purs esthètes, comme lui) mais aussi Stanislas et Jean-Christophe Menu, il émerge au milieu des années 80. L'un de ses premiers albums est d'ailleurs scénarisé par Charles Berberian. Il faut dire que ces auteurs ont tout pour se rencontrer. Outre leur graphisme qui privilégie l'économie de moyens, ils sont tous attirés par l'illustration dans ce qu'elle peut apporter de mieux à la BD. Un de leurs maîtres, une des principales influences de François Avril, en tout cas, est Ever Meulen, un Belge aujourd'hui âgé d'un peu plus de cinquante ans dont les BD publiées dans les années 70 et 80 font autorité autant que les travaux d'illustration ou de publicité qu'il réalise dès les années soixante. (pour les amateurs, une expo consacrée à Ever Meulen pourrait bien avoir lieu dans une librairie bruxelloise dans les mois à venir...)

Avril est donc, à l'instar de Chaland, un adepte de ce qu'on pourrait davantage appeler « la ligne pure » que la ligne claire. Pour s'en convaincre : un petit détour par l'expo organisée en ce moment par la librairie Sans-Titre à Bruxelles... ou, pour ceux qui n'habitent pas précisément dans la région, l'achat de ce petit opuscule en noir et blanc. Peu d'artistes peuvent se permettre de nous offrir un peu plus de quarante nus aussi élégants et envoûtants que ceux d'Avril. Sur chaque page de droite, une femme sans visage pose, parfois de manière très provocante, dans le « studio » de François Avril. Sur chaque page de gauche, un prénom. Pas d'histoire, donc, pas de texte non plus. Quand le dessin arrive à ce stade de beauté et quand la maîtrise du gris se fait aussi parfaite, on a pas besoin d'en savoir plus. « Studio » est un petit livre d'images, mais celui d'un grand artiste. On le voudrait plus prolifique, mais contentons-nous de ce qu'il nous donne...

Ceux qui voudraient fouiller l'aspect plus BD de ce dessinateur tenteront de se procurer « Soirs de Paris », un très bel album paru en 89 aux Humanos (sur scénario de Philippe Petit-Roulet) dont quelques exemplaires traînent encore chez les bons libraires.
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