Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Noé par Thierry Bellefroid
"Noé" de Stéphane Levallois, dans la collection Tohu Bohu aux Humanos.


Une perle. Une perle noire. Un album inclassable, onirique, magistral. Un rêve éveillé. « Noé » est un peu de tout ça et bien autre chose. "Noé", c'est d'abord une vision, celle d'un scaphandrier qui traînerait derrière lui un gigantesque navire délabré dans un vaste désert. Et puis la vision est devenue une histoire, le désert s'est peuplé de créatures extravagantes, mystérieuses, aux silhouettes démesurées pour les unes, décharnées pour les autres. Allusions au Sahara Occidental. Thèmes de l'Ancien Testament. Vestales vénéneuses sous leur cloche de fer forgé. Phares dressés en plein désert. Sillons. Traces. Partout, des lignes qui se croisent. Des os, du sang séché sur le sable. Et puis du vent. Des cadrages magnifiques, de l'audace. Mais pas de phylactères. Car "Noé" est une BD muette. Rien à voir, cependant, avec "La mouche" de Trondheim ou "La Teigne" de Robin. L'auteur n'a pas joué la carte du dessin animé en BD. "Noé" est un roman graphique écrit au scalpel. Il joue avec les codes du cinéma pour mieux nous renvoyer à l'essence de la BD. Chaque image est signifiante et libre, détachée du récit et pourtant, maillon de l'histoire.

"Noé" n'est pas un album comme les autres. Et Levallois n'est pas un auteur comme les autres non plus. A chaque fin de chapitre, il nous offre quelques lignes de texte, comme pour rattraper les dialogues manquants dans les cases. Et à chaque fois, c'est une autre dimension qui s'ouvre, un carrefour entre l'image et l'imaginaire, entre le dessin et la littérature. Tout cela est d'une richesse, d'une maturité exemplaires. Sans parler du dessin, qui laisse voir à la fois la plume dans tout ce qu'elle a d'anguleux, et le pinceau, diluant avec un incroyable talent des couches de gris et de noir. Le talent à l'état pur, du de Crécy en plus épuré, de l'imagination et de l'expressivité à chaque page. Et tout ça réalisé par un petit nouveau dont c'est la première BD ! On en reparlera...
La débauche par Thierry Bellefroid
"La débauche", par Tardi et Pennac, chez Futuropolis/Gallimard.

Peut-on dire à la mi-janvier qu'on a déjà eu entre les mains ce qui sera un des cinq ou six albums de l'année ? Ca paraît hautement hasardeux et pourtant, j'ai l'impression que cette "débauche" aura peu de concurrents au moment des bilans "bédéesques" de l'année 2000. Si vous ne l'avez pas compris, j'ai aimé. Beaucoup. Et j'en recommande la lecture immédiate, sans modération.

Il y a dans "La débauche" tout ce qui fait le sel des romans de Pennac. Tout. Ou presque. Car les dialogues de cet album, même s'ils sont au-dessus du niveau de 80% de la production BD, restent en dessous de ceux que l'on trouve dans les romans de Pennac. Les répliques souffrent d'être emprisonnées dans des phylactères et de ne pouvoir s'enchaîner comme dans un récit écrit. Personne, mieux que Pennac, n'arrive en effet à recréer dans ses romans ces conversations surréalistes dans lesquelles les meilleurs moments sont les moments de silence marqués par des points de suspension ("-...") entre deux répliques.

Ceci étant, on retrouve dans cet album tous les points forts de Daniel Pennac. D'abord les personnages, qui rappellent inévitablement ceux de ses romans. A commencer par celui de la "patronne", vieille mémé fumeuse de cigare qui dirige l'équipe d'enquêteurs de la PJ. Elle ressemble très fort à l'image qu'on peut se faire de Van Thian, l'inspecteur d'origine asiatique qui se travestit en femme pour ses enquêtes dans les romans de Pennac ( voir "La petite marchande de prose", "La fée carabine", "Au bonheur des ogres", etc...) Ensuite, la construction, à la fois simple et complexe, fluide et tarabiscotée, qui correspond au Pennac du meilleur cru. On ne sait pas où il nous mène, mais on s'y laisse mener avec plaisir, sans s'ennuyer une seconde, à la découverte de personnages toujours truculents. (Exemple, le "Capitaine" qui répond à chaque question par un nom de ville) Enfin, ce regard goguenard mais jamais gratuitement noir sur la vie, les gens, l'argent et le pouvoir. Bref, "La débauche", c'est vraiment Pennac en BD. Mais c'est aussi du Tardi. Du vrai de vrai, du comme on aime, comme on en redemande. Un miracle de symbiose ou d'osmose, puisque chacun des deux protagonistes semble imprimer sa griffe de manière égale.

Premier plaisir graphique, retrouver Tardi dans le Paris d'aujourd'hui, au Jardin des Plantes et en couleur. Sur près de soixante-dix planches, le père d'Adèle Blanc-sec propose une vision personnelle du polar. Après avoir réussi avec brio les adaptations des univers de Manchette, Malet et Daeninckx, il prouve ici qu'il est actuellement le véritable dépositaire du genre en Bande Dessinée et que la couleur ne nuit en rien aux ambiances policières généralement confinées au noir et blanc. Avec la complicité de Loustal pour les toiles du peintre Helas, Jacques Tardi a donné dans cet album le meilleur de lui-même et ça se sent. Sans doute parce qu'une association avec un romancier de la trempe de Daniel Pennac constituait un véritable défi. En résulte une histoire lisible à plusieurs niveaux, à la fois drôle et palpitante, morale sans être moraliste, magnifiquement racontée, une histoire légère et grave. La définition même d'une bonne BD !
Station debout par Thierry Bellefroid
"Station debout", par Chauvel et Ehretsmann dans la collection Sang-Froid des éditions Delcourt.

L'air de rien, Chauvel se taille une place enviable au sein de l'écurie Delcourt. Ses séries se multiplient, avec des dessinateurs souvent peu connus (voire inconnus). Certaines rencontrent un succès d'estime, d'autres remportent carrément l'adhésion de la critique, comme le très bon "Arthur" ou encore "Trois allumettes", un récit de la collection "Encrages " nominé dans la catégorie "meilleur scénario" aux Alph'Arts d'Angoulême. "Station debout", one-shot de série noire américaine pur jus, devrait être à mi-chemin. Ni best-seller en puissance. Ni album faible. Un bon polar, réalisé avec une maîtrise presque académique. Trop académique, sans doute, pour être vraiment parfait.

Tout d'abord, une première source d'étonnement : "Station debout" est le premier album de la collection "Sang-Froid" en noir et blanc. Cette collection de polar grand format se distinguait justement jusqu'ici de la collection « Encrages » par le fait qu'elle proposait des one-shot en couleur. Elle avait même fait sortir de leurs habitudes des auteurs catalogués "black & white", comme Davodeau ou Moynot. Thomas Ehretsmann change la donne et on ne peut pas lui donner tort. Son dessin colle parfaitement à l'ambiance du récit qui est particulièrement noir. Les couleurs n'y auraient rien apporté. Au contraire, elles auraient peut-être fait perdre une part de sa spécificité à l'album. Le dessin qui oppose des zones très claires à d'autres largement noircies d'aplats fait la part belle aux ombres, celles -bien réelles- des corps et celles -figurées- des esprits. Les combats de chiens, qui sont le départ de l'intrigue, ont le bon goût d'être suggérés plutôt que complaisamment montrés. Les personnages sont parfois un peu bancals, mais l'un dans l'autre, la réalisation graphique de ce "Station debout" est agréable, cohérente.

Quant au scénario, il applique à la lettre les recettes du genre. C'est à la fois très énervant et très réussi. A chaque moment décisif, Chauvel pratique l'esquive, s'en va dresser le portrait d'un protagoniste ou jouer la carte du flash-back pour faire monter le suspense. Ca fonctionne, évidemment, mais le recours systématique à la formule magique est tout de même un peu lourd. En revanche, j'ai été surpris par la fin de l'histoire, à laquelle je ne m'attendais pas, ce qui est un bon point. La vie apparemment inutile et ratée de Lesley/Vicente est un bel exemple de portrait de looser, même s'il devait y avoir moyen de faire mieux. La première et la dernière page, laissant entrevoir une vision fantasmagorique (et sans doute psychotique) "à la David B" paraissent un peu gratuites, en tout cas sous-exploitées dans le récit lui-même où l'on ne retrouve ces visions que de manière détournée. Sans ça, "Station debout" est un bon album qui sonne comme du Chauvel, la longueur en moins (on est loin des trois volumes de Nuit Noire ou des cinq tomes des Enragés qui explorent des thèmes semblables).
Les aventures d'Hergé par Thierry Bellefroid
Les aventures d'Hergé, par José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et Stanislas Barthélémy, chez Reporter.

Rien à dire, l'automne est chaud, en Belgique. Du moins si on se place sous l'angle des tintinophiles. D'un côté, Moulinsart sort du bois et publie plusieurs ouvrages, avec l'ambition de relancer l'intérêt du public pour le fonds Tintin. Casterman y met du sien en rééditant l'ensemble de la collection Tintin en petit format dans un coffret de fêtes à prix démocratique (pour autant qu'on aie une bonne vue, car les cases sont vraiment très petites !). De l'autre, il y a les "non-autorisés. Hugues Dayez, qui vient de publier chez Luc Pire un "Tintin et les héritiers dont on parle beaucoup (sortie en France peu avant le Festival d'Angoulême) et qui se lit comme un roman policier. Et ce trio de Français qui publie chez Reporter la vie d'Hergé en BD dans une version totalement indépendante de ce qu'on pourrait appeler "la ligne Rodwell" (Pour ceux qui ne le connaissent pas, Nick Rodwell est l'actuel mari de Fanny, la veuve d'Hergé. C'est lui qui règne en maître sur les droits de Tintin... et le fameux héritage). Bref, les voix sont discordantes, le discours est pluriel. Et c'est tant mieux !

Chacun trouvera son compte dans ces sorties très diverses. Les curieux ne manqueront toutefois pas de feuilleter l'album très documenté scénarisé par Bocquet et Fromental et dessiné dans une très jolie ligne claire un rien anguleuse par Stanislas (l'un des cofondateurs de L'Associaton, faut-il le rappeler ?). Un album qui commence en 1914 et nous raconte la vie d'Hergé de manière presque impressionniste, comme s'il s'agissait bel et bien d'un personnage de BD. On reprochera aux auteurs les petites anecdotes mises bout à bout sans grand souci de lier : deux pages en 1914, puis quatre en 25, puis quatre encore en 1930, 34, 41, 44, et ainsi de suite. Aucune année n'a droit à plus de cinq pages. La méthode permet difficilement de s'attacher aux personnages, et ne les décrit finalement qu'à travers des clichés et des phrases-types (je pense ici à la rencontre entre Hergé et EP Jacobs). Il n'empêche, il fallait oser et ils l'ont fait. Ces aventures d'Hergé -qui réussissent le tour de passe-passe de ne jamais montrer un dessin de Tintin (les droits à payer eussent été exorbitants, soyons-en certains !) - sont un bel hommage de la BD à un homme qui lui a voué sa vie et qui a tant cherché ailleurs (dans la peinture) la reconnaissance. Dommage qu'il y ait quelques erreurs et surtout, cette maladroite volonté des auteurs à "faire parler belge" leurs personnages. Quoiqu'il en soit, la lecture de cet ouvrage permettra de mieux comprendre l'ouvre et l'homme sans lire l'imposante biographie d'Assouline, les exégèses de Benoît Peeters ou les entretiens avec Numa Sadoul. En soi, ce n'est déjà pas si mal...
Petit Polio, de Farid Boudjellal, chez Soleil Productions.

Décidément, la BD aborde beaucoup la guerre d'Algérie ces derniers temps. Elle n'est pas la seule, les média français ont eux aussi rouvert quelques-unes des plaies laissées béantes par la guerre d'indépendance. Cela permet à certains auteurs de livrer leur vérité et d'ouvrir les yeux de leurs lecteurs sur ce qu'a été « leur » guerre d'Algérie. Pour Petit Polio, c'est l'occasion de se rendre compte de sa différence, de ses racines. C'est aussi le moment de voir jusqu'où va l'amitié, peut-être de commencer à douter.

Mais pour nous, lecteurs, cette façon qu'a Boudjellal de se livrer n'est pas qu'un témoignage sur la différence et la tolérance. « Petit Polio », C'est une BD traversée par un souffle généreux et sensible, que le vocabulaire toulonnais rehausse de sa poésie. Pas une case, pas un phylactère qui ne sente bon le Sud. Difficile de faire plus vrai, plus touchant aussi. D'autant que Boudjellal ne cesse de parsemer le récit de petites anecdotes du quotidien. Un auteur du catalogue Soleil qui ne fait pourtant pas dans le mélo -Denis Bajram pour ne pas le citer- me disait récemment que tous ceux qui avaient lu le second album lui avaient confié avoir pleuré. Je veux bien le croire. Plus encore que dans le premier, on est touché par tout ce qu'il y a d'universel dans le propos de Boudjellal, qui renvoie chacun à sa propre enfance, à ses propres peurs de gosse. Parce qu'il aborde la mort -et la mort d'une mère, l'être cher par-dessus tout pour un enfant-, parce que Petit Polio voit son père partir en prison, parce que les amis d'hier se fuient, parce que la honte est bue jusqu'à la lie et la bêtise humaine montrée dans toute sa splendeur, ce deuxième tome de « Petit Polio » ne peut laisser indifférent. D'autant qu'à cette touche humaniste, sensible, s'ajoute un dessin aussi simple que limpide, capable de styliser en quelques traits l'expression douloureuse ou ravie d'un visage d'enfant. Plus facile à dire qu'à faire...
Lune de guerre par Thierry Bellefroid
« Lune de guerre », par Van Hamme et Hermann, dans la collection « Aire Libre » des éditions Dupuis.

Dupuis crée l'événement dès les premiers jours de 2000 avec un one-shot réunissant deux des plus grandes stars de la BD francophone actuelle. Le résultat est réussi et séduira sans doute bon nombre de lecteurs, ce qui permettra au passage d'asseoir plus encore la notoriété de la collection Aire Libre.

« Lune de guerre », c'est du sur-mesure pour Hermann. Plus encore qu'à l'accoutumée, on dirait que Jean Van Hamme a travaillé son scénario pour correspondre à son dessinateur. Résultat, l'histoire sonne comme du Greg de la grande époque, que ce soit dans ses personnages dominateurs à l'allure taurine ou son crescendo tragique. Van Hamme le confesse en avant-propos, « Lune de guerre » doit son origine à une anecdote, glanée il y a une dizaine d'années à un repas mondain. Au cours d'une noce, un différent oppose le père du marié au restaurateur, à qui l'on reproche de servir des tomates crevettes d'une fraîcheur approximative. Le père du marié n'arrivant pas à se mettre d'accord avec le propriétaire du restaurant, se propose d'emmener tout son petit monde déjeuner ailleurs. Voyant son chèque lui échapper, le restaurateur enferme alors la mariée dans les toilettes et refuse de la libérer tant qu'il ne reçoit pas son argent. Dans l'histoire originale, tout le monde revient à table et la journée s'achève sans autre incident. Plus machiavélique, Van Hamme y donne une autre suite. D'abord, il fait séquestrer la belle-mère en plus de la mariée, histoire de provoquer la colère du père du marié et de jouer, plus tard, sur les relations délicates entre les deux femmes. Ensuite, il conçoit un drame particulièrement musclé qui se déroule sur quelques heures à peine, prétexte rêvé à une étude de caractères bien trempés.

Dans ce qui commence comme une partie de bras de fer entre un propriétaire terrien autoritaire et un restaurateur qui ne veut perdre ni la face ni son argent, Jean Van Hamme injecte ce qu'il faut de dérapages pour que l'affaire vire au drame. Et on se prend au jeu. Avec des personnages tels qu'ils sont présentés dans « Lune de guerre », ce genre de situation est tout à fait plausible. Bien sûr, des familles comme les Maillard ne courent pas les rues. Un peu d'auto-suggestion est nécessaire pour y croire. Mais ensuite, tout s'enchaîne avec brio. Les personnages principaux, mais aussi secondaires sont tous plus que des acteurs du drame : ils ont une histoire, une épaisseur, des petits secrets qui vont transparaître au fil des pages et, parfois, cristalliser les haines qui se sont données rendez-vous dans ce petit coin d'Ardennes. Les célèbres fiches qu'établit Jean Van Hamme sur ses personnages en marge de ses scénarios n'ont peut-être jamais paru si utiles au récit que dans ce « Lune de guerre ».

Et Hermann, dans tout ça ? Il se sent comme un poisson dans l'eau, bien sûr. Lui qui se fait tirer l'oreille pour travailler sur les scénarios des autres semble avoir plongé dans « Lune de guerre » avec un réel plaisir. En revanche, si on a l'impression que Van Hamme a tout fait pour ne pas faire « du Van Hamme », Hermann, lui, n'a rien changé à son dessin. Tous les visages ont un air de déjà vu et les femmes sont toujours aussi peu à leur avantage. Quant aux couleurs directes -le véritable plaisir d'Hermann depuis Sarajevo-Tango réalisé il y a quatre ans pour la même collection Aire Libre-, elles semblent très pales, parfois même presque délavées. Une tendance qui s'amorçait déjà dans les derniers travaux du dessinateur et qui semble correspondre à sa nouvelle vision de la couleur. Elle en désarçonnera sans doute plus d'un. Plus réussies, presque parfaites, même, les scènes de nuit (et plus encore l'incendie final) prouvent une réelle maîtrise de l'aquarelle et de la lumière indirecte. Quant à l'action, rien à dire, c'est le fond de commerce d'Hermann. Peu d'autres dessinateurs peuvent le concurrencer dans ce domaine.

En résumé, « Lune de guerre » est un bel album, qui prouve que Jean Van Hamme n'est jamais aussi bon que lorsqu'il évite les séries (on pense au « Grand pouvoir du Chninkel », à « S.O.S Bonheur », à « Histoire sans héros », etc...). Et même si on ne peut parler ici de chef-d'oeuvre, il convient de rappeler que le scénariste de XIII, Largo Winch, Thorgal et autres Maîtres de l'orge est si coutumier des succès de librairie que la critique en oublie parfois de souligner ses qualités. Voilà qui devait être dit !
« Paroles de taulards », Collectif, Collection Encrages, Delcourt.

Avec une couverture et un titre pareils, cet album est assuré de ne pas faire partie des best-sellers de l'année. Même si j'ai beaucoup d'admiration et d'affection pour Baudoin, placer un dessin comme celui-là sur une couverture, c'est déjà un appel à la déprime ! Et ceci n'est pas une critique, contrairement aux apparences. Au contraire, même. Fruit d'un travail passionné et passionnant, initié -une fois n'est pas coutume- par un festival de BD (BD Boum, Blois), cet album ne cède en rien aux impératifs commerciaux. Et c'est tant mieux !

Réaliser de courts récits sur le monde carcéral, voilà une idée louable. Mais en général, une idée qui tourne court. L'intérêt de ce projet est d'avoir été chercher la matière à la source. Les « hôtes » de la Maison d'arrêt de Blois ont raconté leurs histoires, leurs obsessions, leurs angoisses ou leurs petites joies à Corbeyran, qui les a transformées en scénarios de BD, puis confiées à ses amis dessinateurs. Cela donne un album (forcément) en noir et blanc qui est à la fois l'expression d'un cri, une oeuvre forte, profonde, authentique et plurielle.

Les dessinateurs qui ont joué le jeu ne sont pas des inconnus. J'ai parlé plus haut de Baudoin. Il ne s'est pas contenté de la couverture et clôt l'album avec une histoire de dix planches au pinceau comme il sait si bien les faire. Davodeau, lui, ouvre le feu et confirme, après deux albums en couleur, qu'il reste très à l'aise en noir et blanc. Entre les deux, on trouve des connus (Berlion, Guérineau, Bézian, Peyraud, Crespin...) et des moins connus (Matthys, Lemaire, Lejonc, Christopher...) Mention spéciale pour Marc-Antoine Mathieu qui en six planches allongées et muettes parvient à rendre toute la noirceur d'une première incarcération et toute la solitude de celui qui s'y trouve confronté. Toutes ces pattes différentes se complètent en tout cas très bien et proposent un album qui ne se contente pas de mettre en images les histoires rêvées -ou cauchemardées- par des détenus.
La Métamorphose de Lucius par Thierry Bellefroid
« L'homme de papier », chez Albin Michel et « La métamorphose de Lucius », aux Humanos, deux albums signés Milo Manara.

Deux nouveautés à quelques semaines d'intervalle, pour le N°1 italien de la BD, ça peut paraître beaucoup. Mais les fans francophones de Manara sont suffisamment nombreux pour permettre aux deux éditeurs de rentabiliser leur mise. Tout d'abord, il y a ce vrai-faux western, chez Albin Michel, l'éditeur « de référence » du Manara que nous appellerons le plus « hot ». Albin/L'Echo des Savanes, c'est « Le déclic », « Le parfum de l'invisible » ou « Candide caméra » pour n'en citer que quelques-uns. Les lecteurs qui s'attendent à retrouver ces univers dans « L'Homme de papier » seront déçus, l'album ressemble davantage à « Un été indien », le superbe album réalisé avec Pratt chez Casterman.

Dessiné à l'ancienne, avec une plume très visible et des hachures omniprésentes, cette histoire au scénario très ténu nous balade dans l'Arizona à la suite d'un très improbable trio de personnages. Il y a l'Indienne prisonnière, Lapin Blanc, qui est moins prisonnière qu'elle en a l'air. Il y a le soldat britannique qui rejoint Quebec à pied et en grand uniforme en provoquant tout ce qu'il trouve sur sa route. Et il y a l'amoureux transi surnommé « L'homme de papier » parce qu'il rêve de sa fiancée en regardant sa photo. Autour d'eux, des personnages tantôt fantasques (le pacifique barbu que chaque pluie transforme en bête féroce ou encore l'Indien Contraire, qui monte à cheval à l'envers), tantôt proches de la réalité historique (le lieutenant Grattan...) Tout ce petit monde passe son temps à se perdre et se croiser sans cesse dans un certain désordre, pour ne pas dire une certaine anarchie et sous des couleurs volontairement pâles : jaune, bleu et vert surtout. Un album qui m'a paru avoir été fait en dilettante, sans grande inspiration ni ambition. Bref, un album dispensable.

L'autre nouveauté, « La métamorphose de Lucius », est très différente. L'album est réalisé dans un noir et blanc « amélioré » qui ressemble davantage à un blanc et sépia (rehaussé de mauve, de rose, de brun et même de rouge vif, parfois) laissant apercevoir l'aquarelle et le rotring. Cela rappelle le dernier Giuseppe Bergman chez Casterman (« Revoir les étoiles », Mars 98) et ça réussit plutôt bien au trait de Manara qui semble y retrouver une certaine vigueur. La métamorphose de Lucius est une adaptation d'un conte de la Rome antique. Forcément, une source d'inspiration pour Manara qui y retrouve tous les ingrédients de sa propre oeuvre, à commencer par le sexe. Dans la droite ligne de l'illustration du premier volet d'Aphrodite réalisé pour le même éditeur, Manara soigne ici dessins et personnages. Il joue habilement sur les cadrages, se plaît à dessiner dans le détail l'une ou l'autre scène d'orgie romaine, s'amuse à raconter les mésaventures de Lucius, transformé en âne après avoir bu un philtre magique. C'est souvent drôle, c'est aussi plus déshabillé et volontiers grivois que « L'homme de papier », mais paradoxalement, cela ne va pas de pair avec la vacuité qui caractérise le précédent. Bref, une bonne manière de voir que le même Milo Manara est capable de médiocrité lorsqu'il n'est guère inspiré et de qualité quand d'autres lui soufflent quelques idées de scénario. Cet autre, en l'occurrence, est un auteur latin du IIIème siècle et s'appelle Apulée. J'avoue ne pas l'avoir lu en latin !
Slide à mort (Franky Snow) par Thierry Bellefroid
« Samson & Néon N°1 : Mon copain dans l'espace », « Marie Frisson N°1 : Il est revenu le temps du muguet » et « Franky Snow N°1 : Slide à mort ». Chez Glénat.

Pourquoi réunir ces trois albums en une seule chronique ? Tout simplement parce qu'il existe un lien entre eux, et non des moindres. Tébo, Baptizat, Supiot et Buche, leurs auteurs, travaillent pour le magazine « Tchô » et signent ici leur premier recueil chacun. (Malika Secouss en est, quant à elle, à son deuxième album, raison pour laquelle je ne la range pas dans la même catégorie) Mais, au-delà du fait qu'ils sont publiés dans le même magazine, ces nouveaux auteurs appartiennent-ils réellement à ce qu'on pourrait appeler une école ? Je pense que oui et c'est pour cette raison qu'ils méritent qu'on en parle.

Deux de ces trois séries -Samson & Néon et Franky Snow- fonctionnent sur un humour qui rappelle inévitablement celui de Zep. La troisième, Marie Frisson, peut sembler plus différente de prime abord, mais elle s'adresse au même public et assume pleinement un choix de couleurs qui n'a rien à envier à celui du Zep des grands jours (il faut voir des originaux du Suisse pour se rendre compte à quel point il emploie, lui aussi, des couleurs pures). Ce que Marie Frisson perd en mécanique humoristique, elle le regagne en poésie, essentiellement grâce à un dessin novateur privilégiant délibérément la couleur, à tel point que celle-ci est l'unique support des personnages, remplaçant à elle seule tous les décors. Le seul risque est d'effrayer certains enfants en usant de tons aussi agressifs qui rendent encore plus terribles les monstres en tout genre croisés par la petite Marie.

Franky Snow, le roi de la glisse, ça pourrait être Titeuf en jeune adulte. Comme lui, il est ultra branché. Comme lui, il maîtrise les sports et les passions de son époque. Comme lui, il est le REFLET de son époque. Et n'est-ce pas là une des raisons du succès de Titeuf auprès de millions d'écoliers ? L'influence de Zep est énorme, tant dans le dessin (la façon dont Buche dessine les jolies filles, par exemple) que dans le découpage (les cases remplacées par des bulles aux contours flous, comme le fait souvent Zep...) Certains gags pourraient même être transposés tels quels dans l'univers de Titeuf (je pense à « Crazy Roller » ou « Le bus de 7H43 », par exemple) ce qui ne veut pas dire que Buche manque d'une personnalité propre. Comme ceux de Zep, ses gags sont tout simplement très visuels, avec un sens aigu de l'observation et du mouvement.

Enfin, Samson & Néon. Les remarques faites pour Buche valent aussi pour Tébo. La filiation du dessin avec celui de Zep est évidente, même si Tébo préfère un trait plus stylisé, plus proche du Comics américain. Ici aussi, le sens du gag est parfait. Comme dans beaucoup de séries d'humour (du Gowap à Boule et Bill...), la différence entre les deux personnages principaux (ici, un gamin et un extra-terrestre) produit les ingrédients du rire et ça fonctionne comme une mécanique parfaitement huilée.

Bref, la carrière de ces « enfants de Zep » semble promise à un bel avenir.

« Samson & Néon N°1 : Mon copain dans l'espace », « Marie Frisson N°1 : Il est revenu le temps du muguet » et « Franky Snow N°1 : Slide à mort ». Chez Glénat.

Pourquoi réunir ces trois albums en une seule chronique ? Tout simplement parce qu'il existe un lien entre eux, et non des moindres. Tébo, Baptizat, Supiot et Buche, leurs auteurs, travaillent pour le magazine « Tchô » et signent ici leur premier recueil chacun. (Malika Secouss en est, quant à elle, à son deuxième album, raison pour laquelle je ne la range pas dans la même catégorie) Mais, au-delà du fait qu'ils sont publiés dans le même magazine, ces nouveaux auteurs appartiennent-ils réellement à ce qu'on pourrait appeler une école ? Je pense que oui et c'est pour cette raison qu'ils méritent qu'on en parle.

Deux de ces trois séries -Samson & Néon et Franky Snow- fonctionnent sur un humour qui rappelle inévitablement celui de Zep. La troisième, Marie Frisson, peut sembler plus différente de prime abord, mais elle s'adresse au même public et assume pleinement un choix de couleurs qui n'a rien à envier à celui du Zep des grands jours (il faut voir des originaux du Suisse pour se rendre compte à quel point il emploie, lui aussi, des couleurs pures). Ce que Marie Frisson perd en mécanique humoristique, elle le regagne en poésie, essentiellement grâce à un dessin novateur privilégiant délibérément la couleur, à tel point que celle-ci est l'unique support des personnages, remplaçant à elle seule tous les décors. Le seul risque est d'effrayer certains enfants en usant de tons aussi agressifs qui rendent encore plus terribles les monstres en tout genre croisés par la petite Marie.

Franky Snow, le roi de la glisse, ça pourrait être Titeuf en jeune adulte. Comme lui, il est ultra branché. Comme lui, il maîtrise les sports et les passions de son époque. Comme lui, il est le REFLET de son époque. Et n'est-ce pas là une des raisons du succès de Titeuf auprès de millions d'écoliers ? L'influence de Zep est énorme, tant dans le dessin (la façon dont Buche dessine les jolies filles, par exemple) que dans le découpage (les cases remplacées par des bulles aux contours flous, comme le fait souvent Zep...) Certains gags pourraient même être transposés tels quels dans l'univers de Titeuf (je pense à « Crazy Roller » ou « Le bus de 7H43 », par exemple) ce qui ne veut pas dire que Buche manque d'une personnalité propre. Comme ceux de Zep, ses gags sont tout simplement très visuels, avec un sens aigu de l'observation et du mouvement.

Enfin, Samson & Néon. Les remarques faites pour Buche valent aussi pour Tébo. La filiation du dessin avec celui de Zep est évidente, même si Tébo préfère un trait plus stylisé, plus proche du Comics américain. Ici aussi, le sens du gag est parfait. Comme dans beaucoup de séries d'humour (du Gowap à Boule et Bill...), la différence entre les deux personnages principaux (ici, un gamin et un extra-terrestre) produit les ingrédients du rire et ça fonctionne comme une mécanique parfaitement huilée.

Bref, la carrière de ces « enfants de Zep » semble promise à un bel avenir.

"La soufrière", troisième et dernier volet du "Passage de la dinde sauvage" de Joe G. Pinelli, chez PLG.

J'ai une tendresse particulière pour les ouvrages de Joe G. Pinelli. Ce vétéran de la BD autobiographique affiche un tel mépris des règles en vigueur qu'il force l'admiration. Professeur de dessin à l'académie de Liège, ce globe-trotter continue, depuis vingt ans, à publier des albums totalement en marge du circuit commercial où il se raconte, avec plus ou moins de fantaisie. Les personnages croisés au gré des voyages tissent une toile autour de ce héros mi-chauve et musculeux, toujours dessiné le cigarillo au bec, qui n'est autre que le reflet de papier de l'auteur. Dans cette trilogie entamée en 96 avec "Sainte Victoire", Pinelli part à la recherche d'un message écrit sur des galets par un de ses anciens étudiants en dessin qui s'est suicidé. C'est le point de départ d'une série de rencontres dont la moindre ne sera pas Cham, qui élucidera l'énigme au bout d'une longue quête hasardeuse. Des gens, des accents, des lieux, des réminiscences, Pinelli aime jouer du flash-back et fouiller sa mémoire sans prévenir. Le fil est parfois ténu, le lecteur perdu, mais on finit toujours par s'y retrouver, guidé par une écriture à la syntaxe guerrière. Car Pinelli, c'est à la fois un trait, un ton et une écriture. Impossible d'en faire le tour en quelques lignes, il faut l'avoir lu pour l'apprécier... ou détester ! A près de quarante ans, ce Liégeois épris de l'accent de son terroir (la tirade sur l'emploi du "w" -qui se prononce "oué" en Wallonie- en atteste) semble vouloir revenir aux choses essentielles. Sa trilogie débouche en tout cas sur un message superbe, emprunté à Jean Giono : on ne peut pas vivre dans un monde où l'on croit que l'élégance exquise du plumage de la pintade est inutile. A méditer !
Red Movie par Thierry Bellefroid
« Red Movie », par Chritian Lax, chez Pierre Paquet.

Il fallait s'en douter : Christian Lax est plus qu'un simple dessinateur. Après avoir magnifiquement illustré les scénarios de Franck Giroud (« Les oubliés d'Annam », « La fille aux Ibis » et le diptyque « Azrayen », tous parus dans la collection Aire Libre de Dupuis), on le croyait arrivé au sommet de son art. Azrayen, surtout, qui fut l'occasion d'un long travail de gestation et de réflexion sur le dessin, nous avait livré un dessinateur en pleine maturité, dépoussiéré de tout tic, grand coloriste et portraitiste. Pourtant, s'il avait fallu des mois dans le secret de son atelier à Christian Lax pour trouver son nouveau trait lors de l'élaboration de ce projet sur l'Algérie avec Giroud, il y avait encore moyen d'aller plus loin, et il vient de le prouver.

Cette nouvelle, car c'est bien d'une nouvelle qu'il s'agit, vient prouver l'étendue des talents de Christian Lax. Et ce n'est pas tant dans le dessin que j'ai trouvé l'objet de ma stupéfaction, c'est dans l'écriture. Lax n'est peut-être pas (encore) un grand scénariste, au sens BD du terme. Ici, pas moyen de juger de son talent en matière de découpage ni de dialogues. Mais il s'affirme réellement comme un auteur, au sens noble du terme. Un auteur, c'est quelqu'un qui a quelque chose à dire, à raconter. Et qui sait quelles voies emprunter pour sublimer son histoire. Cette voie, en l'occurrence, ce sont les mots et le dessin. Lax maîtrise les mots bien plus que son passé de dessinateur pouvait le laisser supposer. Son écriture est belle, limpide, parfois drôle, toujours légère. Et elle se sert admirablement du renvoi au dessin, puisque l'histoire est celle d'un dessinateur qui raconte comment quelques portraits de femme ont fait basculer sa vie... et sa raison. Quant aux crobards dessinés par ce « héros » sur des papiers en tout genre (notes d'hôtel, papier d'emballage, etc), ils montrent à quel point Lax a travaillé sa patte. En quelques traits, il donne vie à des visages (voire à des dos, c'est le cas du deuxième Indien et c'est très réussi !). Christian Lax est arrivé à la quintessence du dessin : quand il ne faut plus chercher à trouver de nouvelles couleurs ni surcharger ses portraits, quand l'émotion vient à fleur de crayon, de manière brute, immédiate. Pour toutes ces raisons, « Red Movie » -qui n'est pas à proprement parler une BD- mérite de sortir de l'ombre.
« Urban Games », tome 1, les rues de Monplaisir, par Brunschwig , Raufflet, Cagniat, Hirn et Van den Abeele, paru aux Humanoïdes Associés.

De plus en plus couramment, une nouvelle génération d'auteurs propose des projets élaborés en équipe de quatre ou cinq personnes. Chacun y fonctionne comme un rouage essentiel de la machine et voit son nom apparaître au même titre que les autres en haut de la couverture. C'était déjà le cas depuis quelques années pour les coloristes, c'est en train de le devenir aussi pour les concepteurs graphiques ou les co-scénaristes responsables du découpage. Ici, ils se sont mis à quatre autour de Luc Brunschwig, l'un des scénaristes les plus captivants de cette deuxième moitié de décennie (« Le Pouvoir des Innocents » -un must-, mais aussi « L'esprit de Warren » ou encore « Vauriens », trois séries parues chez Delcourt). Il y a le complice de la première heure, Laurent Hirn, dont le dessin en constante évolution est l'une des clés du succès du « Pouvoir des Innocents ». Il a signé le story-board d'Urban Games. Laurent Cagniat est un autre complice de Brunschwig, c'est le dessinateur de « Vauriens ». Il signe le design de la série. Jean-Christophe Raufflet est le nouveau venu. Illustrateur pour des éditeurs de jeunesse, il a mis en dessin les personnages « préparés » par les trois autres dans un style personnel, combinant un réalisme saisissant avec une rondeur caricaturale, presque humoristique. Enfin, Caroline Van den Abeele a mis tout cela en couleur. Résultat : pour leur entrée aux Humanos, ces mousquetaires de Delcourt frappent fort.

Urban Games est une série qui promet d'être palpitante. Menée sur un rythme effréné, une action à tiroirs comme les aime Luc Brunschwig et surtout, des personnages qui sont loin d'avoir livré ce qu'ils ont dans le ventre. Dans notre société où le jeu vidéo est en train de dépasser auprès des jeunes le pouvoir de la télé elle-même, Urban games vient à point, comme une parabole, ou à tout le moins, un reflet de son époque. Brunschwig recycle bien quelques ingrédients déjà utilisés, notamment au cinéma, mais il le fait avec cette habilité qui le caractérise. L'entrée en matière, par exemple, est brillamment réussie, qui mélange cotillons, déguisements, clowns, jeu et violence. La suite continue de jouer sur le mélange des genres et des registres. Magie et cirque, combats et justiciers, roublardises et naïveté se renvoient incessamment la balle. Dans ce Las Vegas futuriste sous la coupe de l'inquiétant Srpingy Fool affublé d'un costume de lapin, les vies ne pèsent pas lourd. Surtout quand démarre l'Urban Interceptor, et que commence, en « direct live », une chasse à l'homme qui donne lieu à des paris démesurés. Urban Games est une BD au carrefour de tous les genres, aussi inclassable que son scénariste dont la première qualité est de savoir bien s'entourer !
La semaine des 7 Noël par Thierry Bellefroid
"La semaine des 7 Noël", par O. GROJnowski, dans la collection grand format de Casterman.

J'avoue, j'ai eu chaud en ouvrant cet album. Une république de Pères Noël, ça faisait plutôt "déjà vu", pour ne pas dire dangereusement faisandé. L'ami Tronchet allait-il lancer sa meute d'avocats aux trousses d'Olivier Grojnowski, bientôt suivi par ceux de Nicolas de Crécy pour la parenté du dessin ? Pourtant, malgré ces apparences de plagiat, j'ai eu envie d'en lire davantage. Faut dire que le dessin à la de Crécy, non seulement c'est pas pour me déplaire, mais en plus, ça s'explique par le fait que les deux dessinateurs ont côtoyé les bancs de l'école des Beaux Arts d'Angoulême au même moment et faisaient partie de la "bande" dans laquelle se trouvaient également Chomet et Chevillard, pour ne citer qu'eux.

Et puis il y a la préface de Tronchet himself. Là, j'avoue, ça m'en a bouché un coin. Aller demander à la concurrence de signer un petit texte sur la parenté de votre oeuvre avec la sienne, y a pas mieux pour désamorcer les critiques ! En ce qui me concerne, ça m'a rassuré. Au moins, O'Groj ne nous la jouait pas : "comment, y a déjà un gars qui a fait une république de Pères Noël ? ¯. L'honnêteté paie toujours, comme dirait maman, et dans le cas présent, elle m'a permis de laisser mes préjugés au vestiaire et de lire cet album avec tout le respect qu'il mérite. Je ne le regrette pas. O'Groj, auteur des "Dragz" dans les pages de Spirou, manie parfaitement dans cet album les ingrédients de l'univers kafkaïen type.

"La semaine des 7 Noël" m'a fait rire, beaucoup rire. Le scénario est redoutable. Dans une république de Pères Noël, un serial killer assassine ceux-ci les uns après les autres, dérobant leurs bottes aux cadavres. Fins comme peuvent l'être les policiers dans un état qui porte leur nom (un Etat policier, quoi), ils décident de mettre les cordonniers sous surveillance. Les bottes des Pères Noël passeront par là tôt ou tard. La famille Prion, sous prétexte d'avoir gagné un répondeur à la loterie, se retrouve prise au piège. Car en fait de répondeur, les Prion héritent d'un homme, un vrai, qui répond au téléphone, mais qu'il faut loger, nourrir, supporter continuellement. Et cet homme, qui plus est, n'est autre qu'un super flic très heureux de régner en despote sur les Prion, qui n'y voient que du feu. Les situations les plus absurdes se suivent, entraînant le lecteur dans la confidence dès la mise en place du piège. A côté de cela, les trouvailles continuelles d'O'Groj viennent rehausser le niveau de l'histoire (les deux super flics nommés "Staline et Stalone", par exemple) Bref, de l'humour noir, de l'humour décalé, et comme chez Tronchet, une envie de se moquer de la fête obligatoire, cela tout en arrivant à faire oublier Houppeland. Voilà pour le scénario. Mais la "Semaine des 7 Noël", c'est aussi un dessin en noir, blanc et rouge qui malgré sa ressemblance avec celui de de Crécy m'a enchanté d'un bout à l'autre (si ce n'est dans le prologue où, justement, O'Groj a joué la carte de la couleur). Voilà un album qui méritait bien de paraître dans le nouveau grand format de Casterman. Ce qui n'est malheureusement pas le cas de toutes les autres nouveautés de cette jeune collection.
"Merlin contre le Père Noël", par Sfar et Munuera, chez Dargaud

Décidément, on arrive à peine à suivre la production de Joann Sfar. Tantôt scénariste, tantôt auteur complet, il suit les traces de Trondheim (avec qui il travaille sur "Donjon", rappellons-le) en matière de productivité et d'inventivité. J'avoue une préférence pour ce "Merlin" parmi les nombreux projets concrétisés cette année (quoique... "Petit Vampire va à l'école" est une grande réussite également) . Cette excellente parodie de Merlin l'Enchanteur enfant a le don de me faire rire comme peu de BD y parviennent. Le dessin de José Luis Munuera (avec qui Sfar a déjà commis "Les Potamoks" chez Delcourt) convient parfaitement pour ajouter la touche de légèreté et d'humour graphique qui rendent Merlin, Jambon et Tartine si sympathiques. Le reste, c'est de l'humour à dose parfaite, mâtiné de poésie et de clins d'oeil à l'enfance qui sommeille en chacun de nous.

Quelle bonne idée d'avoir "invité le Père Noël dans ce deuxième album ! Un album qui vient, soulignons-le, six mois à peine après le premier opus et qui prouve que cadence peut aller de pair avec qualité. Mais revenons à notre propos, à savoir, le Père Noël. Enfin, quand on dit le Père, ce qui fait tout l'intérêt de cet album, c'est que Merlin n'est pas le seul enfant de la bande, le Père Noël est tout aussi juvénile. Et comme il n'a aucune expérience, tout peut lui arriver, y compris se retrouver pris dans un piège à loup disposé au pied de la cheminée par Merlin, Jambon (le cochon) et Tartine (l'ogre repenti), les trois amis, qui craignaient -à juste titre- de s'endormir avant l'arrivée du livreur de cadeaux. Vous l'avez compris, tout cela est totalement ébouriffant, d'autant que les potions magiques ne produisent pas les effets escomptés et que les ogres ont grand appétit... je ne vous en dis pas plus, sachez que Merlin est l'une de ces BD qu'on peut mettre entre les mains de tous : enfants comme parents-, avec un égal bonheur !
"Lanfeust de Troy" N°7 : "Les pétaures se cachent pour mourir". Par Scotch Arleston et Didier Tarquin, aux éditions Soleil.

Que dire encore de Lanfeust de Troy ? Soit vous faites partie des fans de la série, vous savez déjà tout, vous connaissez le site de Lanfeust par coeur, vous pouvez réciter la biographie d'Arleston et Tarquin à trente mots par seconde, vous possédez tous les coffrets, tirages de tête et objets de collection dont Soleil a le secret, vous lisez Lanfeust Mag tous les mois, vous courez tous les festivals en l'espoir d'arracher une nouvelle dédicace à Tarquin (il faut avoir assisté à une quasi émeute, l'an dernier, à Angoulême, pour réaliser jusqu'où peut aller l'idolâtrie en BD !) et vous trouverez ma critique molle, mal documentée, dépourvue du moindre scoop (rassurez-vous tout de suite, c'est le cas !). Soit vous ne connaissez pas encore la série. Et votre cas n'est pas moins désespéré. Ne me dites pas que vous n'en avez jamais entendu parler, je vous croirais difficilement. Donc, vous êtes rétif. Ou paresseux. Ou les deux. Et vous vous demandez si vous avez raison. Laissez-moi vous dire que non.

Lanfeust de Troy est un succès pour de multiples raisons. La première est que les auteurs ont du talent. C'est incontestable. Comme dans la Quête de l'Oiseau du Temps, on oscille sans cesse entre le conte de fées, le jeu de rôles en BD, l'héroïc fantasy... et la BD d'humour. Astérix n'est pas loin. Il l'est moins encore à la lecture de la série "satellite", Trolls de Troy, qui exploite avec talent les trucs de René Gosciny pour provoquer le rire. Et c'est sans doute ce savant mélange de rire et d'aventure qui est l'ingrédient le plus précieux de la réussite. Une réussite que « Lanfeust Mag » vient bien évidemment alimenter comme le font tous les magazines qui portent le nom d'un héros ou d'une série. Alors, la question qui se pose est de savoir si, portés par le succès, les auteurs tiendront la distance. On peut dire à la lecture de ce septième Lanfeust qu'ils sont loin de s'essouffler. L'imaginaire de Scotch Arleston ne semble pas avoir de limites et son potentiel humoristique est totalement intact. Les dialogues sont toujours excellents et la jalousie entre C'ian (la fiancée de Lanfeust, pour ceux qui l'ignoreraient) et Falordelle, la jolie gitane fille du chef de la caravane qui accueille Lanfeust est l'occasion de quelques très belles réparties. Le Troll continue d'être une valeur sûre, lui aussi, avec sa bêtise incommensurable et son ton naïf, primesautier. Des personnages auxquels les lecteurs sont désormais coutumiers au point de rendre la quête presque secondaire. Rassurez-vous, celle-ci n'est cependant pas oubliée, au contraire. Lanfeust avance. Lentement. Mais comme on ne s'ennuie pas une seconde, on le lui pardonne volontiers.
"La collection d'anatomies", 1ère partie, par Sevrin et Pourbaix, aux éditions Paquet.

La "Collection d'anatomies", dans la collection "Tango Noir" des éditions Paquet. Fichtre, friserait-on la mise en abîme ? Rassurez-vous, il n'en est rien, cette "Collection" promet d'être un excellent récit, entre policier et portrait psychologique. Dans une ville qui ressemble fort à Bruxelles (comme le confirme le journal "Le Soir" lu par le héros) et qui rappelle un peu l'univers de Broussaille (le Museum des Sciences Naturelles), un homme cherche à réaliser sa quête artistique. Mais le tableau parfait n'est pas qu'une question de métier ou de couleurs. C'est aussi une question de modèle. Et quand on a des goûts bizarres, une fascination pour l'anatomie, une obsession pour les insectes, une thérapeute qui s'intéresse beaucoup à votre enfance, tous les ingrédients sont là pour mettre le doigt dans un dangereux engrenage.

Le scénario de cette "Collection d'anatomies" est charpenté, intelligent. Il ne cède pas à la facilité et propose de déjouer les pièges. Félix Demy, le héros, n'est peut-être pas celui qu'il dit, mais il n'est pas non plus celui qu'il croit être. Il semble en tout cas ne pas être pressé de régler tous les comptes en suspens depuis l'enfance. Pierre Pourbaix nous entraîne donc sur les traces d'un sympathique et apparemment inoffensif déséquilibré obsédé par sa quête du "beau". Et Marc Sevrin donne corps à ce récit en dessinant avec une fausse maladresse une ligne claire qui serait le produit d'un croisement entre Hergé, Wasterlain et Joann Sfar. La mise en couleur d'Isabelle Busschaert (la coloriste de Dupuy et Berberian herself !) vient presque prendre le lecteur à contre-pied et lui faire oublier qu'il est en train de basculer dans l'horreur. Tout cela est habile, inventif et frais à la fois. Dommage qu'il faille attendre le tome deux pour résoudre le mystère de cette "collection d'anatomies". Les grandes cases et le nombre restreint de phylactères font passer à toute allure la lecture de ce premier volume et on reste un peu sur sa faim. Mais il est vrai que Pierre Paquet aime les histoires courtes, qui caractérisent généralement son catalogue. Alors, vivement le tome deux, qu'on en finisse !

O Sancta simplicitas (Alban) par Thierry Bellefroid
« Alban » N°3 : O Sancta simplicitas. Par Dieter, Fourquemin et Voillat, aux éditions Le Téméraire.

Chassant sur des terres assez proches d'Odilon Verjus, Alban a réussi d'emblée à s'en distinguer. Dans les deux séries, des hommes d'église sont utilisés à des fins burlesques, ce qui n'est pas si courant en bande dessinée. Mais si Yann se plaît à faire vivre à ses héros des aventures dans lesquelles ils croisent tous les personnages importants du début du siècle et voyagent d'un bout à l'autre de la planète pour le compte du Vatican, Dieter, lui, a choisi la voie d'une quête unique, placée dans un monde aux frontières très imaginaires juste après les Croisades. Son personnage principal : Alban, un moinillon de l'ordre des Cabécous (miam), copain comme cochon avec Orphéon (qui en est un) et Laïus, autre moinillon qui l'accompagne dans sa quête. Alban est le Gaston Lagaffe de la BD ecclésiastique ! Partout où il met les pieds avec son porcelet Orphéon, il sème désordre et désolation. Mais il le fait avec une telle candeur et une telle volonté de bien faire qu'on lui pardonne tout (c'est pas tout à fait vrai, quelques méchants veulent carrément sa peau, mais bon...)

Trois albums, déjà, que le pauvre Alban cherche le saint Suaire pour le compte de l'archevêque. En trois albums, que de rencontres et de retournements de situations cette quête a-t-elle provoqués ! A chaque fois, le rire est au rendez-vous, car le personnage d'Alban est totalement irrésistible. Le voilà qui tente de faire la paix avec les nains qui infestent les terres du seigneur évêque Renaud, et vlan, il réussit tout juste à signer son arrêt de mort. Sa maladresse confondante (qui n'a d'égal que son coeur d'or) est une véritable « bénédiction » pour Dieter qui semble se laisser porter par son personnage pour écrire les scénarios. Le dessin de Xavier Fourquemin gagne quant à lui en souplesse et en énergie. Tant mieux, le premier tome était quand même fort grossier. Bref, une vitesse de croisière qui semble de bien bon augure.


Je viens (enfin) de lire... « L'ascension du Haut Mal », volumes 1 à 4, par David B, à L'Association.

Je ne sais pour quelle étrange raison je n'ai pas suivi immédiatement le conseil de nombreux amis qui avaient lu avant moi cette œuvre magistrale. Peut-être ai-je été rebuté par le côté très sombre du dessin. Peut-être ne savais-je pas, tout simplement, que cette série d'albums était la clé de toutes les autres histoires de David B (j'avais lu « Le cheval Blême », « Le Tengû carré », « La révolte d'Hop-Frog » et « Les incidents de la nuit » sans soupçonner un instant d'où pouvait surgir un tel univers). J'ai été bouleversé par ce long récit autobiographique, je dois le reconnaître. Pourquoi ? D'abord parce que j'ai rarement vu un auteur se mettre à nu comme le fait David Beauchard. Ensuite parce que son histoire est poignante, passionnante et pathétique à la fois. Dans mon adolescence, j'ai eu une amie épileptique, je croyais donc connaître ce problème. Je me rends compte à la lecture de cette histoire que j'étais bien loin des réalités quotidiennes vécues par la famille d'un tel enfant, confrontée à l'incompétence du corps médical, désignée du doigt par les voisins, les collègues, les compagnons de classe ou de jeu, placée à la merci de tous les gourous et de tous les charlatans. On se demande à la lecture de cette « ascension du Haut Mal » jusqu'où ce frère malade peut entraîner les siens, dans quel engrenage délirant ils vont encore mettre le doigt, mus par cette volonté de « faire quelque chose », de ne pas baisser les bras. La macrobiotique, les gourous plus ou moins honnêtes, les savants mégalos, la société secrète, et même, la recherche de la pierre philosophale... la famille aura tout tenté, tout connu. Quant à l'honnêteté avec laquelle David se raconte, elle est tout simplement stupéfiante ! On a l'impression d'être tombé sur un journal intime ou d'assister à une psychothérapie sans y avoir été convié. Parfois, on ressent même un certain malaise : ne sommes-nous pas devenus les voyeurs de la vie de David ? Ne profitons-nous pas de son « impudeur » pour nous repaître de ses malheurs ? Et ces dessins au symbolisme troublant, cet imaginaire peuplé de monstres et d'êtres hybrides, nous est-il vraiment destiné ? Sincèrement, je crois que oui. Je crois que David ne se dessine pas par hasard. Parce qu'il a senti que sa voie était là, qu'il était né pour raconter des histoires et que la plus incroyable de toutes, la plus émouvante et la plus vraie était forcément la sienne.
Gaston 19 (Gaston) par Thierry Bellefroid
« Gaston N°19 » par André Franquin, chez Marsu Productions

La question que je me pose à la lecture de cet album est simple : André Franquin aurait-il permis la parution de ce dix-neuvième et -nous promet-on- ultime Gaston ? Vraisemblablement non. Franquin, indécrottable perfectionniste, n'aurait pas accepté de se moquer ainsi de son public. Cela n'empêchera nullement des milliers de lecteurs de se jeter sur cet ersatz d'album avec l'espoir de rire une dernière fois en lisant des gags inédits (n'ai-je pas fait la même chose ?).

Annoncé par l'éditeur comme la future meilleure vente de l'année (Je cite : « Avec une mise en place de 700.000 exemplaires en français (donc 100.000 en Belgique francophone), « Gaston 19 » sera la meilleure vente de l'année »... on a rarement lu quelque chose d'aussi immodeste dans un dossier de presse !), cet album ne cache pas ses ambitions : faire un carton. Et s'il est un peu tôt pour décréter qu'il s'agira bel et bien de la meilleure vente de l'année, il y a fort à parier en revanche que cet acte mercantile trouvera une réponse à la mesure de ses objectifs. Pourtant, il me reste un goût amer dans la bouche après avoir lu cet opus : comme si j'avais contribué à trahir la mémoire de Franquin. Déjà, l'avant-dernier Gaston, publié juste avant le décès du Maître, ne contenait pas plus d'une moitié de gags inédits. Le reste provenait de fonds de tiroirs divers. Cette fois, c'est encore plus grave. En vertu de la recette qui veut que pour faire un album, il faut avoir de quoi le remplir, les joyeux éditeurs ont compilé tout ce qu'ils ont pu trouver. Pour un peu, on découvrirait des dédicaces au coin de l'une ou l'autre page. Fait de bric et de broc, ce N°19 réunit des dessins de toutes les époques et surtout de tous les genres. Couvertures de Spirou, gags, dessins démesurément agrandis (il faut bien remplir), quatorze ( !) pages de gags publicitaires... On va même jusqu'à laisser traîner quelques monstres dans les marges laissées libres par un minuscule gag de quatre cases (un peu peu pour remplir une page entière, en effet)

Vous l'aurez compris, je ne défendrai pas cet album. Pourtant, il y a quelques beaux moments. Il y a surtout les quatre dernières planches qui constituent les véritables inédits de Gaston, elles n'avaient jamais été publiées et la quatrième n'est pas terminée. Mais devant un tel déploiement d'astuces pour réaliser un album de quarante-quatre pages, on peut tout simplement se demander pourquoi Marsu n'a pas fait un vrai et beau livre d'hommage, reprenant le matériel « intéressant » en sa possession et l'agrémentant -pourquoi pas ?- de textes, interviews, photos... Il est évidemment plus facile de vendre un « faux » nouveau Gaston qu'un livre d'exégèse, une biographie ou « les inédits de Franquin ». Le premier garnira tous les rayons des supermarchés. Le second ne se serait vendu qu'en librairie. CQFD.
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