
"Juke-Box", Makabi 4, de Luc Brunschwig et Olivier Neuray. Repérages Dupuis.
Luc Brunschwig serait-il un rien sadique ? L'homme pratique l'art de placer ses personnages dans des situations tordues, de les pousser dans leurs retranchements, en limite de rupture. Et d'en exacerber les réactions, pour les amener finalement là où le lecteur les attend le moins. Cette nouvelle livraison de Makabi, série au héros pour le moins atypique, ne déroge pas à la règle.
Lloyd Singer, comptable du FBI spécialiste du combat à mains nues, est ressorti éprouvé de son implication dans le "Dossier Zéna". C'est donc un Makabi déjà perturbé que ce fin tacticien jette dans la fosse aux lions, à savoir l'académie du FBI à Quantico. Une formation destinée à faire de lui un homme "terrain" suivant les normes en vigueur, alors même qu'en parallèle, son ami La Bianca le convainc de tenter d'entrer en contact avec une jeune femme défigurée, seule victime survivante d'un serial killer surnommé "La chanson douce". Soumis à des pressions multiples, entouré de stagiaires parfaitement abrutis, aussi violents qu'homophobes, Makabi voit ressurgir ses vieux démons.
Le parti-pris du scénariste est lumineux. Luc Brunschwig aime ses personnages. Il les développe, les entoure, leur donne un passé, un présent, une âme et des raisons d'être. L'intrigue qui sous-tend l'album en devient à cet égard presque secondaire. En regard, ses choix narratifs, la construction même de l'album est complexifiée à l'extrême, au risque de faire décrocher les moins attentifs. Brunschwig multiplie les allers et retours dans le temps, creusant le sillon de l'histoire de Singer, disposant autour de son personnage les pièces d'un puzzle que le lecteur doit reconstituer lui-même.
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