
Drôle d’album que ce « Trop grand vide d'Alphonse Tabouret ». D’abord par ce qu’il tient tout autant du livre illustré que le la bande dessinée. Ensuite par ce qu’il aborde, sous ses airs faussement naïfs, un ensemble de questionnements particulièrement vaste, généralement réunis sous le qualificatif générique de « relations humaines ». Qui est Alphonse Tabouret ? Un petit bonhomme « né de la dernière pluie », auquel un Grand Monsieur, un démiurge tout autant qu’un père, donne un jour un nom. Alphonse ne sait rien de lui-même ni du reste. Ce qu’il est ? Ce qu’il fait là ? Ce dont il a envie ? Rien. Le personnage est une page blanche.
Les auteurs confrontent leur création à toute sortes de rencontres, le mettent à l'épreuve de sentiments parfois doux, parfois violents, souvent contradictoires. Le personnage tente de combler un terrible vide affectif en cherchant l’amitié à tout prix. Une quête de l’autre cahoteuse, faite de petits bonheurs et grandes désillusions, toujours rendues avec humour et tendresse. C’est là toute la force du texte de Sybilline. Le récit est avant tout une fable, un conte initiatique, une ode moderne à la découverte de soi par la découverte de l’autre. Une fable aux accents contemporains, dénuée de moralisme, dont l’universalité touche à tous les âges. Le livre peut naturellement être pris en main par les enfants. Il trouve cependant un écho particulier chez les adultes, chacun y puisant ou s’y projetant en fonction de son vécu. Le travail de Jérôme d’Aviau participe pleinement de la narration. Son trait poétique – un noir et blanc tout à tour épuré et complexe - et la narration douce mâtinée d’un humour façon « Prince de Motordu », entrent en résonance au cœur d’une mise en page fusionnelle. Le principal défaut de l’ouvrage ? Sa longueur. Mais une fois considéré dans sa globalité, il présente une belle cohérence. « Le trop grand vide d’Alphonse Tabouret » est un Ovni comme on n’en voit peu, à placer entre toutes les mains.
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