
« Et si… » Reprenant une petite phrase du leader nord-coréen Kim Jong-Il passée inaperçues alors mêmes que les militaires américains ciraient leurs bottes pour casser de l’Irakien, Peter Bagge s’est livré à un petit exercice d’anticipation. Et si les nord-coréens avaient lâché une bombe atomique sur Seattle ? Que deviendrait la population ? Bagge donne des éléments de réponse en plongeant Perry et Gordo en pleine mouise radioactive. Le premier est un « nerd », informaticien paumé hors de son environnement urbain, le second un petit magouilleur élevé à la mode plouc américaine. Les deux amis se planquent dans une cabane au cœur de la forêt pour échapper aux retombées. Comment se comportent-ils ainsi isolés ? Ils retrouvent leurs plus bas instincts. Le récit de Bagge vire alors au « Survivor » plus ou moins disjoncté, dans un monde devenu le règne du « chacun pour soi », seule la cellule familiale immédiate semblant tenir le coup. On y tue pour des bouteilles de soda, on y tue par vengeance, on y tue par peur, on y tue par principe, on y tue par intérêt… L’état sauvage n’est pas loin. C’en est même excessif, du moins de notre point de vue européen. Les questions posées par Peter Bagge sont pertinentes (nourriture, isolement, adaptation, autodéfense, …) mais les réponses sont celles de péquenots perdus dans la montagne avec une arme dans chaque tiroir. Bagge fait en outre le choix de focaliser sur le quotidien de ses personnages, perdus sans ressources ni informations, sans prendre de recul, ou même s’intéresser à la ville elle-même. Son traitement volontairement caricatural – sur le plan du récit comme du graphisme – renforce l’idée de chaos et de dérive. Il peine cependant à emporter l’adhésion. Cormac McCarthy, il faut dire, est depuis passé par là. Son roman « The road » (prix Pulitzer en 2007) a placé le très haut degré d’exigence en matière de récit post-apocalyptique (l’humour en moins). Notons cependant que les anglo-saxons s’y retrouvent. « Apocalypse Nerd » doit faire l’objet d’une adaptation sous forme de mini-série par la BBC, sous le titre « Wasted ».
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