
... ou plutôt de relire « Lova », par Servais. Intégrale parue dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis.
Il y a bien longtemps, « La Tchalette » a été un de mes livres de chevet. Puis il y a eu « Silence » de Comès et j'ai commencé à m'éloigner de Servais que je trouvais moins adulte, plus léger. Les albums du cycle « Tendre Violette » ont bien failli me réconcilier avec l'auteur de l'actuelle série « La mémoire des arbres ». Mais c'est finalement « Lova » qui y est arrivé. Ces deux albums aujourd'hui réunis en intégrale que je n'avais plus relus depuis au moins cinq ans sont à ce jour ce que cet Ardennais a livré de mieux. Reprendre le chemin de cette forêt de Merlanvaux fut un plaisir et m'a permis de m'apercevoir que cette BD n'avait pas pris une ride. Aussi, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'une nouveauté, ai-je envie d'en dire quelques mots dans cette rubrique à l'attention des plus jeunes qui auraient loupé cette parution à l'époque.
Dans « Lova », Servais aborde avec une pudeur et une finesse parfaites un thème pourtant éculé, celui de l'enfant-loup. D'abord en ne faisant pas commencer son récit à la découverte de l'enfant ou même à son accueil par la meute mais bien à sa prime enfance parmi les hommes. Lova est une petite fille comme les autres, et sa disparition n'intervient qu'après une série d'événements plus ou moins importants sur lesquels l'auteur prend le temps de s'attarder. Ensuite, il y a le contexte presque policier dans lequel Servais a inséré son histoire, et dont le dénouement n'intervient que dans les toutes dernières planches. Enfin, il y a ce souci de réalisme qui a poussé l'auteur à jalonner son récit de théories, de personnages, de lieux avérés. A aucun moment, cette BD ne cède à la facilité des clichés. A aucun moment, le lecteur ne peut être tenté -comme trop souvent c'est le cas- de la refermer en se disant : tout ça n'arrive que dans les histoires. Servais ne s'est attelé à cette bande dessinée que muni d'une solide connaissance de son contexte et cela se sent. Mais il a su éviter en même temps d'être trop scientifique ou didactique. Lova est avant tout une très belle histoire humaine et romanesque, dessinée avec toute la rigueur qu'on connaît à Servais lorsqu'il aborde des lieux comme la forêt ou des thèmes comme le rapport à la nature ou à l'animal. Défenseur des loups, il a su aussi éviter le plaidoyer brutal et diluer son parti-pris dans un récit charpenté au réalisme parfaitement saisissant. S'il faut retenir un album de sa déjà longue carrière, pour moi, c'est celui-là.
|