« La poursuite » de William Henne. Aux éditions « La cinquième couche »
Voilà une excellente histoire kafkaïenne qui mériterait de sortir des cénacles un rien confinés où l'on trouve généralement les albums de « La cinquième couche ». Parue dans une nouvelle collection de petit format qui publie également « Hareng couvre-chef » de Christophe Poot et « Empenadas » de Damien Rocour, cette nouvelle graphique témoigne à la fois d'un vrai talent de scénariste et d'une belle approche du dessin.
Au début de l'histoire, un homme reçoit des mains d'un juge sa « licence de suicide ». On plonge immédiatement dans l'étrange. Les décors sommaires évoquent Bruxelles, sous la silhouette omniprésente du Palais de Justice déjà immortalisé par François Schuiten (voir « Brusel » chez Casterman). Notre homme a dû présenter un dossier très étayé pour recevoir l'autorisation de mettre fin à ses jours. Il sort de l'audience, son précieux sésame en mains. Une silhouette s'approche, se présente à lui. « Vous vous rappelez ? Au Commissariat, le bureau numéro six ? » Commence alors un flash-back dans lequel le héros revit les derniers jours qui ont précédé l'audience, depuis une première tentative de suicide « illégale » et son interrogatoire par les forces de l'ordre. Avec beaucoup d'ironie, William Henne invente un monde de bureaucratie coercitive dans les arcanes duquel notre héros n'est pas loin de se perdre, oubliant les motivations même de son acte. La plongée dans l'absurde est parfaite. La porte de sortie trouvée par l'auteur pour conclure l'est aussi, même si on la devine un peu trop tôt. Quant au traitement graphique, qui mêle très habilement des silhouettes ou des décors dessinés d'une plume presque maladroite et un lavis aux contours anguleux, il n'a rien à envier au reste.
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