« Chaînons manquants », tome 1 de la série Silex Files, par Foerster. Dans la collection Troisième Degré des éditions du Lombard.
Voilà un album difficilement classable. Humour décalé, parodique et référentiel. Mais aussi véritable calque des récits et films mettant en scène des détectives privés. Il n'y a finalement que l'univers préhistorique qui évite à ce Silex Files de ressembler à mille autres histoires du genre. La voix off, souvent banale, ne rivalise pas avec la Série Noire ou le Serpent à Plumes. Et les dialogues sont trop souvent poussiéreux. L'indic qui monnaie ses confidences à coups de petites phrases du genre « Ca se pourrait. Mais y a aussi ma mémoire qui doit gagner sa croûte », ça sent plus que le déjà-lu. Pourtant, Foerster parvient à glisser quelques bons mots et l'une ou l'autre réplique carrément excellente, lorsqu'il joue sur les télescopages d'époque. Tout le sel de Silex Files est là : être joyeusement anachronique. Mais les anachronismes ne suivent pas tous le même rythme : si on accepte que le portable et le revolver en silex existaient à la préhistoire, l'aéronautique n'a pas encore été inventée, ce qui nous vaut cet amusant échange de propos :
-Ecoute, coco, quand l'humanité aura inventé l'aéronautique, tu seras chef d'escadrille.
-Ca ne veut rien dire, votre réplique, là...
-Mmh...
Bref, Foerster s'amuse à fixer lui-même les règles d'un univers qui en est totalement dépourvu. Du coup, tout est possible, ce qui rend évidemment la tâche du scénariste plus facile ; il peut sortir son héros de n'importe quelle situation difficile, simplement en inventant une nouvelle arme, une bestiole de sa création ou un anachronisme de plus. A la longue, ça pourrait lasser, mais c'est plutôt l'inverse qui se produit. Assez hermétique de prime abord (voire verbeux), Silex Files finit par emporter l'adhésion. Pas jusqu'à la franche hilarité. Mais jusqu'à une chute joliment absurde qui prouve combien Foerster pouvait encore nous étonner. Il faut dire que le chemin graphique allant de cet album à ceux de la période Fluide Glacial est aussi long que la route menant de Venise à Rome en passant par le Cap Horn !
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