« La digue », par Vincent Fortemps. 11ème numéro de la collection Feu ! d'Amok.
Il y a longtemps que les passerelles existent entre Fréon et Amok comme elles existent entre peinture ou arts plastiques et bande dessinée. Il n'est donc pas étonnant de voir aujourd'hui les deux maisons d'éditions unir partiellement leurs destinées et proposer un catalogue commun sous le nom de Frémok. Et tout naturellement, d'y trouver Vincent Fortemps, co-fondateur de Fréon, avec un nouvel ouvrage sous le la label d'Amok. Comme toujours, Fortemps fait dans le muet. Mais sa BD n'est qu'une lointaine cousine du cinéma des années trente. Elle est résolument contemporaine et plastique. Plastique comme ces feuilles sur lesquelles Vincent travaille sa matière, faite de crayons lithographiques gras étalés, grattés, écorchés, caressés, étirés, déliés avec le doigt, l'ongle, la main entière s'il le faut. Vincent Fortemps nous livre dans cette collection particulièrement expérimentale une oeuvre forte qui sent l'embrun et le pluie, on entend la mer en furie et le cri des goélands et celui des bateaux de pêche qui rentrent au port, on entend le bruit des roulettes d'un landau sur le sol mouillé de la digue, on se réchauffe dans les cafés presque vides, on réinvente la vie en ramassant une bouée sur la plage, du sable plein les yeux et plein les dents, les cheveux au vent. En quelques pages, sans l'apport d'une ligne de texte, Vincent Fortemps raconte la mer, l'automne, la vie, la solitude à plusieurs. Et s'il est possible de ne pas comprendre, il est difficile de ne pas au moins être ému par la beauté soufflante de son dessin.
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