« Moloch », par Michael Matthys. Au Frémok.
Dans la veine des ouvrages réalisés par ce qu'on pourrait appeler l'école Fréon, qu'il s'agisse de ceux de Vincent Fortemps ou de Thierry Van Hasselt, voici un livre audacieux, difficile d'accès et magnifique, qui se lit comme un livre de photographie. Normal, voudrait-on dire, puisque le matériau de base de Michael Matthys est la photo. Une photo retravaillée et mise en continuité, en séquences, pour introduire une narration là où le livre de photographie et l'exposition d'uvres se contentent de l'évocation. Une plongée dans la chaleur d'une usine où le feu et l'acier induisent généralement des couleurs proches de l'orange vif. Ici, le gris et le blanc sont le seul conducteur, mais le lecteur n'a pas pour autant l'impression d'une désincarnation du monstre industriel. Au contraire, il faut se plonger dans ce livre pour ressentir l'oppressante poussière, la chaleur étouffante de l'endroit et son implacable dureté. Dès la couverture, on est pris par la beauté singulière de ce décor pourtant infernal. Matthys est parvenu à transcender les lieux pour en tirer toute l'essence esthétique, ou artistique. Mais la visite guidée n'est malheureusement pas très scénarisée. L'histoire ne captive pas, elle est d'ailleurs un prétexte à une mise en abîme de l'auteur qui, pour ainsi dire, se regarde regarder l'usine. L'objet est donc beau, très beau, mais trop premier degré pour mener au véritable frisson. Peut-être eût-il mieux valu que Michael Matthys en confie la rédaction à un véritable scénariste, voire, pourquoi pas, à un auteur de littérature. Dommage.
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