Après la décevante rencontre entre Van Hamme et Hermann pour « Lune de guerre », on retrouve deux grands maîtres de la BD franco-belge, qui n’est ici en l’occurrence que le tandem de la série « Thorgal ». Que peut-on dire de ce one-shot ? Tout d’abord les lecteurs sont bien contents de le voir paraître, car il était annoncé depuis un an. Ensuite c’est un western de haute qualité. Contrairement à « Lune de guerre », qui fut décrié, Van Hamme assène un coup de massue à ceux qui disaient qu’il avait perdu la main au niveau du scénario. Une histoire simple et peu banale. Jugez plutôt : Wyoming, 1858. Eddie van Deer a été élevé parles Sioux Lakotas, et son oncle promet une récompense à qui retrouvera l’enfant. Jess Chisum, un chasseur de primes, a la solution : il fait passer son frère Nate pour l’enfant disparu et il touchera la prime ! L’oncle et Chisum se font tuer ; Nate doit être amputé du bras gauche. Il trouve quelques années plus tard un boulot de gardien de banque dans une petite ville. Il se fait remarquer, gagne de l’argent en tuant des bandits. Mais ce qui l’attire surtout c’est Cathy, l’héritière des Van Deer dont il voudrait récupérer l’héritage. Il échafaude un plan qui va bien vite tomber à l’eau, car les événements en décideront autrement… Dans la lignée du « Grand pouvoir du Chninkel », chef-d’œuvre de la BD de la fin des années 80, les auteurs ont réalisé un petit bijou. Van Hamme livre les informations au compte-gouttes ; il a balisé son histoire de bout en bout pour que le lecteur ne comprenne certaines choses qu’au bout d’un certain temps. Pas trop de détails, juste le strict nécessaire. Une structure narrative et un découpage qui prouvent que Van Hamme est au mieux de sa forme. Au-delà de l’histoire on découvre des éléments qui donnent à réfléchir : la fatalité, le destin, la lâcheté (du sherif entre autres)… Le seul défaut que je trouverais à "western" est l'épilogue qui, après y avoir réléchi, ne sert pas à grand chose; cela aurait donné à lafin un côté pathétique. On apprend aussi pas mal d’éléments sur la vie quotidienne (notamment le fonctionnement de la banque). Rosinski devait relever un véritable défi graphique, et il l’a remporté haut la main. Une pureté du trait, des décors qui donnent le ton et l’ambiance au fil du récit, les superbes tableaux de deux pages qui marquent les transitions… Après les deux « Thorgal » bien décevants (peut-être était-ce dû au fait qu’il devait en paraître deux sur la même année), on peut dire que les deux amis et auteurs ont réalisé quelque chose de fort, de très fort même.