Les 475 critiques de Coacho sur Bd Paradisio...

Mon nom est Capitaine. Yeah ! On se rappelle de Terence Hill dans un vieux western avec Henri Fonda quand il affirme sa non-identité, et Ratafia va plonger dans la piraterie et l’humour avec la même vitesse et la même acuité que ces satanés cow-boys ! Nicolas Pothier, connu pour ses pinailles chez Bodoï, a décidé de se faire plaisir en confiant à Frédérik Salsedo une galerie de personnages tous plus fantasques les uns que les autres afin de les faire évoluer dans une aventure qui n’a pas de but précis. En effet, en filigrane, la quête d’un trésor caché sert à des rencontres inopinées, des situations cocasses et donne lieu à un foisonnement de calembours qui renforcent la grande farce qu’est cette aventure de pirates dont le capitaine, épicurien jouisseur, deviendra un leader presque humaniste ! Et il y a de quoi continuer ces mises en situations hilarantes ou non-sensiques ou absurdes, puisque nos sympathiques marins possèdent 9 cartes marquées de cette croix rouge qui alimenta nos fantasmes d’enfants lorsque nous jouions avec le bateau des Playmobils ! Le dessin est de toute beauté. On sent bien que Salsedo s’est fait plaisir à esquisser de telles trognes, les yeux exorbités et ronds, en appuyant le trait sur les expressions et en développant une anatomie inhabituelle à ses personnages ! Les cadrages, les lumières, les cases muettes, tout est un récital des plus plaisants. Pour revenir à l’histoire, il faut plutôt en fait saluer Nicolas Pothier d’avoir su lier les diverses scènes qu’il avait visiblement imaginées comme autant de petits tableaux humoristiques. En effet, on passe d’une blague à un gag, d’un jeu de mot à un comique de situation (ah les tutus !), et tout cela avec une certaine jubilation non feinte ! Je ne vais vous gâcher le plaisir de la découverte mais il y en a pour tous les goûts en matière d’humour. De la farce à la Léonard est un génie et son tromblon, aux noms des personnages (Chandler), aux associations (Les pirates irlandais), à la syntaxe (je sais c’est sot), tout est en décalage et provoque de vrais envies de rire de ces gars dont les têtes auraient pu être made in Tex Avery parfois ! Oui mais que manque-t-il alors ? Ben peut-être justement un soupçon de cohérence à l’ensemble pour éviter que cet album ne ressemble seulement qu’à un Benny-Hill show ! Oui, bien sûr, je pinaille (hé hé), mais en la matière, et avec un dessin différent malgré le sujet commun de ces 2 albums, je préfère en cela le premier tome jubilatoire de Rosco le Rouge que vous pourrez trouver aux Editions du Cycliste. Mais ensuite, avant même la suite de Rosco, je vous conseillerai plus que vivement la lecture de ce petit bijou d’humour remarquablement plaisant. Une vraie réussite ! PS : Une pinaille qui devrait finir chez Bodoï en auto-flagellation : Le Capitaine, en case 4 de la première page, descend de sa chaise avec un monceau de rouleaux de parchemins sous le bras gauche. Alors pourquoi dans les 2 cases suivantes, alors qu’il sort de la pièce, les rouleaux sont sous le bras droit ? Hein ? Hein ?! ;o)
Une énième livraison du frénétique JD Morvan qui confirme l’activité cérébrale du monsieur. On peut parfois être content, parfois déçu, mais il faut avouer que par la diversité thématique de ses oeuvres, le lecteur est toujours surpris. En l’occurrence, cette histoire ne déroge pas à la règle. Divers individus sont dotés de pouvoirs étranges. Ils seront récupérés par un Ange déchu qui aura besoin d’eux pour accomplir un lot d’actions positives lui permettant de retourner au Paradis. De ce postulat, nous suivons les aventures du premier de ces « phénomènes » : Garance. Depuis toute petite, elle a le pouvoir de s’inscrire dans la mémoire des gens qu’elle croise. On suit son histoire jusqu’à sa rencontre avec l’Ange avec intérêt, intrigué par les situations diverses et curieuses qui sont le lot des premières pages. Morvan a l’air de vouloir toujours plus de cases (ce que souligne son dessinateur du moment Pedro Colombo) pour s’exprimer, et il tente l’abstraction au profit de la figuration. Le moins possible de dialogues pour utiliser pleinement le pouvoir des images et le séquentiel qui en découle. Bon album intrigant qui sert d’introduction à une histoire qui, espérons-le, sera à la hauteur des attentes suscitées.
Il est des livres où l’on sent rapidement le degré passionnel de l’auteur pour ce qu’il fait. Dans « L’aigle sans orteil », Lax nous conduit sur les chemins de sa propre enfance bercée par les exploits répétés de ces coureurs cyclistes « à l’ancienne » qui ont fait la légende du Tour de France. L’adoubement de ces seigneurs de la route, qui se faisait dès lors qu’ils avaient un surnom officiel, reconnu, faisait d’eux les super-héros de ce début de 20° siècle. Ils ont fait rêver des générations entières d’enfants et de parents, par leur quête de l’impossible, par leurs exploits incroyables, et cela continue aujourd’hui encore avec beaucoup de ferveur cent ans plus tard… Pourquoi ? Parce que chaque individu de n’importe quel coin de la France peut, avec courage et abnégation, devenir un de ces seigneurs de la route. Ce sport populaire par excellence a des représentants, des gagneurs, qui sont des « monsieur tout le monde ». C’est dans cette idée qu’Amédée, le personnage central de l’histoire de Lax, va se motiver dans des travaux divers d’acheminement de matériels à un observatoire, été comme hiver, pour s’endurcir et gagner assez d’argent pour pouvoir se payer son premier vélo. Robuste, acharné, courageux, vaillant, il va traverser maintes épreuves avant de réaliser un rêve persistant qui l’obsède au point de risquer de passer à côté de l’amour… mais il va continuer de l’entretenir et toucher cette donnée qui font que les plus humbles peuvent devenir les plus grands… Lax est généreux dans son histoire dont le sujet ne doit pas rebuter ceux qui n’aiment pas particulièrement le sport. En effet, cette toile de fond très présente qu’est la compétition cycliste est prétexte à une description minutieuse de la volonté d’un homme, des souffrances qu’il endure, et on suit sa vie avec énormément d’intérêt. Le contexte historique de l’époque (l’avant-première guerre mondiale) a son importance et on est curieux de connaître la suite des aventures d’Amédée… Mais hélas, le rythme est un peu plat, à mon goût, et manque cruellement de ces moments de folie, de ces moments de passion, qui sont devenus l’anthologie de ces épopées à bicyclette. On alterne des moments de simplicité bucolique avec des moments qui auraient dû être plus intenses d’émotion, car Amédée éprouve de grandes difficultés, qui sont autant de contre-temps à la réalisation de son désir le plus ardent, qui ne sont pas prenantes, comme si la fatalité était de mise, normale… Son combat, volontaire et noble, manque un peu de ce punch qu’il aurait mérité. Alors je ne voudrais pas faire la fine bouche car cet album est tout de même intéressant, Lax s’étant clairement fait plaisir, mais il me reste cependant ce petit goût, ou plutôt non, ce manque de sel qui aurait fait de cet album une des perles auxquelles nous a habitué Dupuis dans sa collection Aire Libre.
Si on ne compte pas le « bonus » qui est une sorte de livre de "Maître de Donjon" pour un jeu de rôle, cet album est le 24° de la série des productifs Sfar et Trondheim. Mais le retrait annoncé par Trondheim devait-il être effectif sur Donjon ? Et bien, on peut penser que oui. En effet, les thèmes abordés par cet album pourraient être l’oeuvre des deux, mais on sent indéniablement la « patte » de Sfar sur celui-ci. Une sorte d’obsession sexuelle bien caractéristique, quelques représentations phalliques (et vulvaires !) placées ça et là, mais surtout des expressions niçoises très typiques (marave, boullègue, calus…) ! Manquerait plus que Marvin et les autres se tapent des barbajuans, socca et autres petits farcis pour que le tableau soit complet ! Cet album est pétillant, tendre, drôle, vivant, rapide, bref, tout ce qui en fait un bon livre d’aventure qui détend et fait plaisir, et qui n’est pas si innocent qu’il paraît. En effet, en replaçant le rôle de la femme comme dominatrice (Zakutu, mais surtout Ormelle), voulant insister sur cette émancipation en passant par la modification de la règle des mâles, en parlant de ces nouveaux pères qui s’occupent de leurs enfants, Sfar, et Trondheim, exprime sans nul doute le plaisir qu’ils ont a évoluer en famille. En tout cas, cet album fait un bien fou, plus pour la détente que pour la leçon philosophique, et on ne peut regretter qu’une chose, c’est le jeu de mot fait avec le grand fils de Marvin (je ne dis pas son nom volontairement !) que l’on espère ne pas lire tout au long du livre et qui, malheureusement, arrive tout de même ! Volonté expresse ou petite erreur de finesse ? Oui, j’exige beaucoup de choses maintenant ! Un bien bon album qui se lit avec plaisir, servi par de superbes dessins colorés de Kerascoët qui s’est admirablement bien fondu dans l’univers d’une des séries contemporaines les plus déjantées !
La pluie par Coacho
La collection Ecritures continue son exploration des récits qualifiés hasardeusement des «romans graphiques». Avec celui-ci, nous contemplons une hyperbole sur la déliquescence des rapports amoureux d’un couple dans lequel tout allait bien avec un changement climatique qui ne va qu’en s’empirant. En effet, alors que le couple radieux s’ébat au soleil, la pluie commence à tomber et le doute s’installe. La pluie s’amplifie, jusqu’à l’orage, rythmant alors des conflits pour tenter de faire réagir l’autre, pour tenter de sauver ce qui est sauvable, et le tout s’achève comme… A vous de le lire ! Entre vision intime et description psychologique d’un homme à la dérive, les auteurs nous dressent un portrait indistinct et pourtant charmant d’une aventure du quotidien. De ces aventures qui tourmentent tout le monde. Les planches sont courtes, 4 cases au maximum, et les esquisses de Lambé sont relevées de petites touches de couleurs qui donnent un certain charme et surtout une certaine cohérence à l’humeur décrite. Sans toutefois être passionnant, sans toutefois être subjugués, sans toutefois être captivés, nous sommes pris par l’évolution narrée et nous refermons le livre avec une étrange sensation…
Le transalpin dont on parle puisque son début d’année fut marqué par l’excellent « Notes pour une histoire de guerre », a été traduit aussi chez Vertige Graphic. Cet album assez plat, comportant peu de pages, est déjà attirant en tant qu’objet. Pour le récit, voilà une histoire presque banale, d’un oncle qui s’occupe de son neveu pour une journée, ne sachant pas trop comment s’y prendre, et surtout, avec un passé qui apparaît comme peu recommandable. Au lieu de se diriger vers une activité classique, il emmène le fils de sa sœur voir un ami sorti d’une longue période d’incarcération. Sur cette idée simple, Gipi construit son récit à la limite de l’explication de mœurs, et, de manière contemplative, nous décrit une adolescence en mal de vivre, souvent bafouée, encore enjouée, mais qui bascule souvent vers la gravité en détruisant les illusions et l’innocence, d’où le titre qui laisse envisager plusieurs interprétations. C’est captivant, rythmé et pourtant d’une certaine lenteur, et Gipi se permet même de nombreuses cases muettes de paysages ou d’attitudes pour renforcer son propos alors qu’il ne dispose pas de nombreuses pages pour cela. Comme quoi, avec le talent, tout est possible… Très bel album que ce livre là en tout cas…
Et bien en voilà une bonne surprise que cet album ! Une couverture pas forcément attirante, une compo de titre pas exceptionnelle, et des pages présentées dans une forme un peu inhabituelle, avec beaucoup de narration off qui pourrait rebuter le lecteur. Et puis il y a le récit. Lydia est fille de militaire, elle vit seule avec son père depuis que sa mère est partie, et elle veut entrer en école d’art, malgré la farouche opposition de son géniteur. Voilà, c’est tout… Ce premier tome nous raconte cette histoire de choix d’université, et la première journée de Lydia, dont on comprend qu’elle nous parle de ce passé étudiant 2 ans plus tard, et elle nous conte la particularité de son cours d’Art, dont l’option est : Justice ! Malgré un style bien différent, on peut faire un parallèle avec le sublime bouquin de Seth, «Le commis voyageur ». En effet, avec autant de talent, Michel Falardeau nous conte une histoire dans laquelle il ne se passe rien, dont la seule péripétie est peut-être bien une douche, prise dans la salle de bains commune, par Lydia en compagnie de Nicole, sa nouvelle amie, mais qui pourtant tient en haleine. Un récitatif langoureux qui est en constante interaction avec le personnage. Lydia nous parle, on l’écoute, attentivement, captivé par son récit. C’est difficilement plus descriptible que ça, je sais, c’est frustrant ! Mais je vous encourage vivement à vous procurer cet album étrange, captivant, attirant, entêtant, et de vous laisser aller au rythme de Lydia, et de Michel Falardeau… Aaaaaaaaaaaahhhhhhhhhh, vivement le second tome…
Ca y est, le voilà ! Cet album était attendu d’abord par tous les habitués du net dédié à la Bd. Laurent Percelay, connu sous le pseudo « L’Amiral », sévit sur quelques forums célèbres et tient un blog d’une qualité plus que redoutable. Son compère, Boris Mirroir, est identifiable par une onomatopée pour pseudo, BenGrr, et son site, comme son blog, n’a rien à envier à celui de son scénariste… Bien sûr, l’indulgence pouvait être de mise à cause de la forte promiscuité qui unit ces auteurs à des gens comme moi… Mais tel le Chevalier Blanc, qui va et vient au secours d’innocents, j’enfournais mon destrier pour pourfendre ces allégations mensongères qui consisteraient à croire que nous sommes corruptibles, a fortiori lorsqu’on participe à la promotion active d’albums de gens que nous apprécions ! Mais je m’égare, je m’égare, et encore 2 fois écrite cette phrase et me voilà joyeux au Monopoly (quoi mon calembour est nul ? QUOI ?!)… Il restait donc à faire connaître au monde entier l’arrivée de cet album qui n’est pas exempt de critiques. Tout d’abord, parlons des influences, c’est un thème à la mode… ! En vrac, je citerais Les Monty Python, Les Nuls, Philippe Geluck, Gary Larson, Mike Peeters, Gotlib, Sempé, Mordillo, Quino, Pierangelo, Obion, Joe Dassin et Thiriet et Larcenet ! Et oui, rien que ça ! Et, osant d’une rhétorique hors pair dont je suis coutumier, et utilisant tous les artifices à ma disposition, je ferai mien les raccourcis les plus immondes pour qualifier cet album de plagiat pur et simple de Blutch et Goossens ! Oui, on ne peut pas être inspiré de Manu Larcenet sans être passé par la case Blutch, ça tombe sous le sens ! D’ailleurs, la tristesse de cet album sent bien la manipulation… Il n’y a qu’un pas que je vais franchir : ça m’a tout l’air d’être pompé sur Craig Thompson ! Comme l’expliquent les auteurs ej ne sais plus où (c’est LE truc ça, noyer les références !), ils ont été foutus à la porte de l’Association et tout et tout ! ;o) Bon, trêve de galéjades et revenons à nos moutons, à savoir l’intérieur de cet album de 56 pages broché, et à couverture souple. Qu’est-ce qu’on y trouve là-dedans ? Et bien un franc moment de rigolade, pour peu que l’on sache de départir de tout critère référentiel, pour peu que l’on essaye juste de passer un instant à se divertir, et se repaître des gags agencés par ces 2 auteurs heureux d’avoir rencontré les gens de "La Boîte à Bulles" ! La mécanique des gags est tout autant basée sur le visuel que sur le textuel et cette alliance démontre l’inventivité de nos deux larrons. J’en veux pour preuve certains dessins comme ceux des éléphants apeurés pour une raison que je vous laisse découvrir (hilarant !), les toilettes pour dames, le perroquet qui se suicide (j’en ris encore !), une des filles de Barbapapa, Jésus qui marche dans…, et d’autres encore, dont une image écologique lourde de sens si on la décortique… Vous voulez du moins bien ? Oui, je sais que le voyeurisme est une tare de notre société, qu’il faut du nichon et du sang pour attirer le spectateur… Vous cherchez donc une gamelle des auteurs, un truc qui les plante là où ça fait le plus mal hein ? Et bien à part 4 ou 5 gags que je trouve pas du même niveau comme la femme du shérif, ou les dés, ou le lecteur de Dvd de salon, je suis désolé de vous décevoir mais l’album est cohérent ! En tout cas, je suis content de voir que Laurent Percelay et Boris Mirroir aient pu trouver un éditeur, et qu’ils aient enfin leur livre à eux tout seuls ! E vous encourage vivement à le lire, non pas pour faire un quelconque acte d’encouragement envers eux, non, juste pour VOUS faire plaisir et renouer avec cette forme d’humour qui n’est plus que celui que l’on peut trouver en dessin de presse… Sauf que là, ce n’est pas de la presse, ce n’est pas daté, et donc pas suranné ! Comment cracher sur un bon moment de détente ? Hein ? Ah oui, tout de même un reproche, mais que l’on ne peut pas imputer aux auteurs : le prix. 12,50 euros, même à 56 pages couleurs et tout et tout, ça fait un peu cher je pense pour les bourses les moins larges… Le temps de lecture est un peu court, mais augmentez donc celui-ci en vous mettant des challenges comme celui d’essayer de trouver un hommage au plus célèbre lapin de la Bande Dessinée décédé il y a peu… ;o)
Je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi j’ai acheté cet album. C’est confidentiel ! Quoi qu’il en soit, alors qu’un débat intéressant vient de naître sur les scénaristes, et in extenso sur les éditeurs (merci au livre paru chez Niffle), il était il y a peu question de Mathieu Gabella qui s’illustre par ailleurs chez Delcourt avec sa nouvelle série « Idoles » dont le tome 1 vient de paraître. "Les Mesures du Temps" donc, est un album de 62 planches dont le thème existe depuis fort longtemps, et dont les différents traitements permettaient de croire, à raison, que nous avions fait le tour de la question. Que ce soit par les livres d’HG Wells, ou, plus bédéiquement et plus récemment, par UW1 ou Aberzen, il était question de ces failles temporelles et c’est avec curiosité mais méfiance que j’entrais dans ce livre. Quelle bonne surprise de voir que l’histoire tiens d’une simple découverte… Un peu de sang sur une aiguille de l’horloge et celui-ci s’arrête… Benjamin découvre cette incroyable propriété et, désireux de devenir célèbre, compte bien tirer avantage de cette découverte. Alors que l’on attend les poncifs du jeu avec le temps, Gabella nous entraîne dans son univers avec poésie et finesse, se jouant des écueils pour mieux les détourner et nous surprendre. Ajoutez à cela ce qu’il faut d’humour, un rebondissement intéressant et une jolie révélation finale et vous aurez un album plein d’attrait et de charme ! Croyez-moi ! Servi par un talentueux Anthony Audibert dont le trait est plus que séduisant, cet album se révèle être un petit bijou de mécanique de précision, ce qui n’est pas rien puisque c’est d’un horloge dont il est question… A lire, vite, et bien !
Ange-Marie par Coacho
Et voilà, le mois de mai arrivé, j’ai pu lire enfin le dernier Aire Libre, celui d’Eric Stalner et d’Aude Ettori. Toutes les promesses alléchantes furent-elles au rendez-vous ? Et bien ma foi, ces 70 planches se lisent très très bien ! Mais sans revenir sur le déroulement précis de l’histoire, il n’est pas sans rappeler l’ambiance du fabuleux Zoo de Frank et Bonifay. En ce sens que l’ambiance, les plantes, les lieux, le poids de la guerre, les ruines, sont autant de clins d’œil, ou plus précisément de références indirectes, à cette série dont nous attendons tous fébrilement le tome 3. Ange-Marie, personnage central de l’histoire, est l’objet de la curiosité d’un groupe de gosses, et plus particulièrement de celle de Luce, qui, sans opérer de transfert de personnalité, va espérer retrouver par ce jeune vétéran une trace de son père disparu. Les relations des uns et des autres vont se nouer, se tisser, se déchirer, s’emmêler, pour finir en pelote, comme les nerfs, et puis retrouver ensuite une issue que je vous laisse découvrir. Le but de cette histoire est avant tout de scruter les sentiments humains, des plus pénibles, aux plus nobles, en passant par la passion et la déraison, tout en gardant une certaine cohérence. Les pages d’Eric Stalner sont de toute beauté. Il se trouvera bien entendu des détracteurs du style, le trouvant trop ci ou trop ça, mais il faut lui reconnaître un choix de couleurs et une composition qui donnent un rythme et une ambiance apaisante, tout en se préservant des couleurs plus efficaces pour accompagner les nombreuses crises du héros. Belles périodes enneigées à saluer aussi… Un bémol en ce qui concerne le choix du lettrage. Enfin, celui de la correspondance, voix off qui accompagne tout le récit. En effet, cette forme manuscrite est un peu pénible à lire, à déchiffrer parfois, et rend la lecture plus tortueuse, moins fluide. Ensuite, les caractères des personnages sont fouillés, et on se plait à rire de la balourdise de Paulin, de l’audace de Joseph. On pense aussi aux stigmates de la guerre, à ces cicatrices laissées dans le cœur des mères, des pères, des épouses, à la destruction psychologique de chaque être l’ayant vécu… Le pivot central de cette histoire sera cette quête de la quiétude, de la rédemption même. Et cette rédemption, elle est attendue à divers niveaux, qu’ils soient d’ordre personnel, guerrier, ou amoureux… Les non-dits, accentués par les caractères trempés des villageois, par la jalousie qui étouffe certains, ont des répercussions fortes sur les vies des personnages. Mais alors qu’Ange-Marie est le pivot central de l’histoire, il se détache un caractère en filigrane, qui finit par dominer le reste : il s’agit de Luce. Cette gamine perdue, touchante, souriante, maligne, facétieuse, désirable, belle, sera un élément déclencheur et fédérateur pour le déroulement de cette reconstruction de tout être et de toute chose de ce conte. Vous aimerez ses yeux de Chimène, son enthousiasme, sa peine, sa déchirure, son abnégation, son entêtement, sa beauté, son désespoir (page 30…), sa mutation… Franchement un bon album mais, mais, mais… Alors que nombre de plans et séquences sont magnifiques, il me manque un je ne sais quoi de liant… Un truc en plus… Ce petit plus qui fait que Zoo m’a fait monter les larmes aux yeux. Pas question de comparaison hein, ce n’est pas mon propos, mais vraiment, il me semble que malgré les déchirements des uns et des autres, il manque quelque chose de plus crié, déchiré, hurlé, plus de hauts et de bas… Là, j’ai eu l’impression d’être spectateur passif d’une histoire non pas molle mais manquant un peu de souffle, de folie… d’entrain ? Je ne sais plus quel mot mettre pour définir avec exactitude mon ressenti… Mais la fin m’est apparue comme pas forcément logique, ou étrange, mais je ne peux pas en parler plus que cela pour éviter de vous gâcher le dénouement, et les voies qui menaient à cette conclusion étaient plus « belles » que « prenantes », dans le sens de l’émotion pure… Alors bien sûr, tout cela est très subjectif car de nombreuses scènes nous transportent dans des émotions réelles, mais c’est une cohérence d’ensemble qu’il me manque, mais c’est mon avis, et il n’engage que moi ! Quoi qu’il en soit, cet album est à lire sinon je ne me serai pas employé à rédiger autant de lignes ! Merci tout de même à Aude et Eric de nous avoir offert ce livre qui a bien évidemment sa place chez Aire Libre ! Certains en doutaient presque… !
Beau livre dont le rythme est d'une extrême lenteur mais jamais on ne s'endort... C'est étrange. Nous revisitons le développement du commerce et les notions marketing en place en 1950, et nous découvrons une famille disparate investie dans le commerce de ventilateurs. Le plus jeune fils va se retrouver obligé de se transformer en Vrp, un exercice qui va le conduire dans une impasse psychologique... Servi par un dessin impeccable, Seth nous offre un récit non pas monotone, mais lancinant, qui ne laisse pas indifférent...
Epique ! Ca va vite, c'est fort, quelques fois confus, mais un sacré bon bouquin de Chester Brown. J'avais lu ci ou là que le format du livre n'était pas adapté, que Brown écrivait son histoire avec un dessin "distant" pour montrer qu'il n'est que conteur, scrutateur, etc... C'est possible. Je dois avouer que j'aurai préféré lire cet album en format cinémascope pour mieux plonger dans son univers graphique mais je me suis contenté de ce morceau d'histoire canadienne qui est un récit saisissant et emballé.
Désoeuvré par Coacho
Et bien voilà, je m’attaque à la lecture de la Collection Eprouvette et donc, j’ai commencé par mon chouchou Lewis avant d’attaquer le Menu. Un amuse-gueule quoi ! Je lisais de-ci de là, cahin-caha, quelques avis positifs, et d’autres plus circonspects. Je me suis dit qu’il fallait alors aller tranquille, que je chemine. (Oui, je sais, je suis d’humeur badine mais mon hilarante allusion ne touchera qu’une poignée de personnes, d’un certain âge pour la plupart). On reproche à ce livre de ne pas répondre aux critères de « l’essai » tant attendu. On reproche aussi à Lewis l’étalage de ses connaissances du milieu. On dit aussi que sa réflexion est un peu vaine, un peu creuse, un peu superficielle. Oui oui oui… Et alors ? On en revient toujours à cette dichotomie systématique de l’appréciation d’une lecture, entre ceux qui la ressentent en amalgamant et superposant leurs expériences sur le propos de l’auteur, et ceux qui ont du recul, parfois trop pour ne pas se laisser aller à cette bonne vieille full-imersion. (Et là, ça fait zarma j’me la pète). Je suis généralement de la première catégorie mais là, en l’occurrence, j’ai essayé d’être Lewis Trondheim, ce qui me fit en effet bœuf quand je découvris les gens que je connaissais et le talent inégalable que tous me louaient ! Et je me voyais là, assis à ma table à dessin, une table que je fréquentais plus qu’assidûment depuis 14 ans, en train de réfléchir depuis 80 jours d’inactivité sur ma vie et mon œuvre… Ce questionnement qui taraude tout quadragénaire mêlé aux affres de la création. Oui… La création… Certains parlent du vieillissement des boulangers (ce bon Berberian), et d’autres lui reprochaient cette façon de questionner vainement ses condisciples. Alors oui, Lewis aurait dû interroger des boulangers, ça l’aurait assurément et définitivement rassuré sur ses angoisses créatrices. Il aurait trouvé le réconfort absolu dans une passe où sa psychologie ultra-sensible avait besoin de se confronter à des pains au chocolat (ou des chaussons aux pommes ?! Dju-Dju)… Oui… Il y a similitude entre les boulangers et Lewis Trondheim… Le pétrin ! Car lorsque l’on est aussi fragile et sensible que Trondheim, lorsque depuis votre premier livre vous affichez vos doutes, vos angoisses, vos psychoses même, et que vous ne savez plus trop où vous allez, oui, vous êtes dans une forme de pétrin. Et, reprenant la place de Lewis, comme invité par une société qui avait déjà par ailleurs ses entrées dans la tête de John Malkovich, je me laissais entraîner dans ce bourdonnement incessant qui enflait de son hémisphère gauche à son hémisphère droit… Création et rationalisation étaient en effervescence… Est-ce que cela permet une réflexion claire, construite, posée ? Bien entendu, je me fais avocat défenseur de quelqu’un qui n’est accusé de rien et qui pourrait se défendre seul de tout cela, et le fait de trouver son questionnement bien ordonné dans ce petit livre bleu pourrait déjà répondre de manière contraire à ce que j’énonce, mais je me plais à croire qu’après avoir suivi Lewis depuis tant et tant d’années, sans jamais avoir été déçu une seule fois, je suis capable d’empathie… Et comprendre que son questionnement, qui peut paraître superficiel à tout lecteur désireux d’en savoir plus sur les facettes de son auteur favori, traitant de sa passion qu’est la Bd, puisse être tout aussi confus que léger en apparence. La pudeur nimbe toujours les réflexions de Lewis Trondheim et, habilement, il se dédouane de toute profondeur en arguant qu’il n’est pas universitaire. Mais c’est vrai punaise ! Alors il ne cesse d’osciller entre la sensation de toucher au but, d’avoir LA réponse, et l’écroulement immédiat de ses théories les plus abouties… Oui, je crois que psychologiquement, c’est analysable, mais le faire sur un forum public serait aussi vain qu’irrespectueux de l’auteur… On pourrait évidemment se demander ce qu’il veut de plus puisque tout lui réussit, il est entouré de succès, d’admiration, et de pognon aussi ! Une vie matérielle et, apparemment, intellectuelle tout à fait éblouissante ! Oui, mais lorsque le doute n’est pas que passager, lorsqu’il vous accompagne toute une vie, au point d’en développer, jusqu’à l’irrationnel, un certain rapport à la vie, d’en faire une attitude quasi-permanente, vous ne pouvez pas vous défaire ainsi d’une telle pression psychologique… Je citerai une phrase très juste d’un célèbre philosophe d’origine vietnamienne qui disait "qu’anticiper le malheur pour s’en prémunir" était une attitude qu’il comprenait très bien… Je m’inscris dans cette lignée tant cette phrase me paraît juste, belle, me correspondre et si bien aller à Lewis Trondheim… Alors devons-nous attendre un quelconque choc psychologique, un truc qui nous remue ? Mais Lewis ne dit-il pas que "être sincère ne veux pas forcément dire être intéressant ?" ? Et que donc, il ne faut pas attendre une jolie historiette, pleine d’humour, bien construite, avec une intrigue et une chute finale avec moult feux d’artifices à la lecture de « Désoeuvré » ? Parce que c’est ce qui était peut-être attendu par certains lecteurs, désireux de retrouver non pas Lewis Trondheim mais LE Lewis Trondheim de telle ou telle œuvre… A ce propos, ça me permet d’introduire une parenthèse, avec brio (oui, je me lance aussi parfois quelques fleurs), sur la prétendue implication de Trondheim dans le fameux parcours de Frantico… Ne serions-nous pas en mesure de croire qu’après avoir tellement exposé ses peurs sur la répétition, il serait capable de nous livrer cet incroyable personnage, tics graphiques et genèse mise à part ? Bon, je dévie là… Dans « Désoeuvré », l’humour, l’acidité et l’ironie sont toujours présents, mais on sent bien que c’est beaucoup plus délicat, beaucoup plus à fleur de peau, toujours empreint d’une sincérité qu’il lui faut aussi voiler quelque peu par peur de trop d’exposition… Parce que Lewis nous a habitué à tant de chose, nous devrions attendre de lui un questionnement digne de la profondeur des raisonnements de nos plus grands philosophes ? Et si nous en attendions tous un peu trop ? Et si nous ne nous étions pas rendu compte que derrière son apparente complexité, Lewis était un homme simple, avec des peurs simples et une expression pour matérialiser celles-ci un peu confuse ? Beaucoup soulignent l’homme de contradiction qu’est Lewis Trondheim… Mais oui, c’est cela… La contradiction en permanence et qui illustre mon propos d’il y a quelques lignes… Ce qui montre bien « l’immaturité » de son introspection, dans le sens qu’il n’a toujours pas trouvé de réponse à ses angoisses et qu’il semble un peu perdu, dans son parcours professionnel, mais aussi d’homme qui s’interroge sur son devenir et son utilité ! Et ce Lewis là, on a envie de lui prendre la main et de l’aider, au delà des belles cases de ce livre, de certaines ellipses magnifiques qui nous font comprendre son désarroi, de l’aider donc, et de le rassurer, en lui assurant de la sincérité de toute notre affection, conquise il y a déjà fort longtemps, par son énergie, son univers, pour ce qu’il est, simplement… Alors non, pour moi, cette lecture ne fut pas si anodine et anecdotique qu’elle pourrait paraître, et je pourrais sûrement écrire encore de très nombreuses lignes si le temps et l’espace ne m’étaient pas comptés… Le livre « Désoeuvré » est-il passionnant ? Oui ou non, c’est à vous de vous faire votre idée… Lewis, lui, est DEFINITIVEMENT passionnant, et la fin de son « essai » nous replace au début de celui-ci… Lewis ne sera jamais en harmonie avec lui-même car le doute continuera de le ronger éternellement, au point de le rendre dépressif… Remercions insidieusement et presque honteusement ce mal qui le ronge car c’est dans cette veine qu’il puise l’inspiration qui lui permet de nous livrer de si beaux livres…
Nous sommes aujourd’hui, après environ 10 ans d’entraînement, rompus aux exercices souvent périlleux de la lecture de tranches de vie diverses. Que ces chroniques soient autobiographiques, romancées, ou juste le fruit d’une grande acuité de l’auteur, elle nous chiffonnent parfois l’esprit, nous chagrinent, nous font rire, nous montrent, avec souvent ce qu’il faut d’ironie, nos travers quotidiens. C’est le cas du livre de Jean-Philipe Peyraud qui prend place à Paris mais qui peut aussi bien se dérouler dans n’importe laquelle de nos grandes cités, avec des personnages comme nous en connaissons tous, comme nous en croisons, et qui sont des quidams devenus à leur insu les héros de ces quelques planches de BD. En 10 histoires de 10 planches chacune (je sais que « Le mauvais rôle » en compte 12 mais la moyenne est rattrapée par « Journée classée rouge » qui n’en fait que 8 !), Peyraud va utiliser ce coefficient exponentiel pour multiplier nos émotions en passant par toutes les gammes de la partition personnelle qu’est la vie de chacun. De ces petits riens de tous les jours, il visite les sentiments de ses personnages confrontés à la tromperie, au divorce, au souvenir, aux séparations, aux attentes, à la vieillesse et même au suicide, sans jamais s’appesantir, en laissant le lecteur à son interprétation. Des silences lourds de sens, compensés par ces petites attitudes faussement héroïques que les individus tentent d’afficher face à l’un de ces nombreux drames du quotidien, et que chacun s’efforce d’afficher tant bien que mal, histoire de continuer le cours de leurs vies respectives… C’est beau, touchant, servi par un trait d’une douceur absolue, un dessin élégant et racé, qui peut déplaire, c’est question de subjectivité que de dire cela, Lewis Trondheim est un auteur qui visite aussi les tracas du quotidien, même s’il s’amuse à détourner notre attention des choses les plus évidentes pour savoir s’attarder sur ces petits riens qui lui servent de prétexte à des aventures ironiques et belles. Peyraud, lui, ne travestit rien et nous laisse face à cette existence parfois pesante que nous menons tous avec plus ou moins de brio, avec plus ou moins de peine, avec plus ou moins force, mais toujours avec la sensibilité propre à chaque individu et nous laisse imaginer l’entre-cases, avec beaucoup de talent. Même si beaucoup des amateurs de Peyraud lui ont préféré ses anciennes sorties, ce n’est pas tout à fait mon cas, et je le défends ici ! Il y avait les contes de Perrault, il y aura maintenant ceux de Peyraud…
Le petit dernier de la famille Larcenet Bros. Alors, suite aux dernières agitations et échauffements divers des fora qui ont eu comme centre le personnage Manu Larcenet, son dernier album paru chez Poisson Pilote faisait office de point final. Quid de cet album donc ? Et bien effectivement, échappons aux critiques dites traditionnelles et arrêtons-nous un instant sur la raison d’être de Nic Oumouk. Car, comme un pied de nez à tous ceux qui pouvaient mettre en cause les aspects psychologiques et mentaux de l’auteur, celui-ci répond par le nom d’un personnage que la décence m’empêche de vous traduire mais que vous aurez tous entendu au moins une fois… En plus de cela, il montre par cette dernière livraison sa facette sentimentale de façon plus détournée… En remerciant Brigitte Findakly et Ferri, en dessinant un chat qui a tout de celui du « Sorcières » de Chabouté, en glissant Gildas et Martina, puis Marco, il égrène une partie de son œuvre, de sa vie, et, par ces personnages, montre l’attachement qui le lie à tous ces personnages imaginaires, et à ses créateurs, aux personnes qui ont une importance pour lui… Bien sûr, vous pouvez me taxer d’élucubrations, mais c’est ainsi que je ressens le phénomène… Alors Nic Oumouk est-il l’album le plus drôle de ces 20 dernières années ? Là n’est pas le problème… Mais à une lecture plus attentive, on se rend compte que c’est un album éminemment attachant et ça transpire dans ces cases silencieuses qui ressemblent à ces temps morts musicaux qui renforcent ce sentiment que l’on a que Larcenet AIME son Nic Oumouk. Et c’est là que réside le plaisir de cet album… A ne pas bouder…
Voilà typiquement l’exemple qui illustre une discussion née il y a peu sur la recherche de “l’exception culturelle” ! Ce petit bouquin insignifiant, à la couverture intrigante mais sans plus, ne mériterait presque aucun regard dans des étals de bouquinistes submergés par le flux ininterrompu des sorties BD. Alors comment ouvrir ce livre aux pages jaunes ? Et bien en écoutant l’enthousiasme de son entourage, en étant un brin docile, un brin curieux, et se laisser aller à l’achat d’un truc que l’on regrette déjà un peu… Oui, on s’enflamme, il se peut même que l’on se laisse berner par les avis dithyrambiques, et, sans être spécialement influençable, juste par curiosité, on veut tout de même comprendre… Mais comprendre quoi ? Même l’auteur nous dit en épilogue qu’il ne comprend pas qu’un éditeur français publie son livre, qu’il ne comprend pas pourquoi il reçoit des lettres enthousiastes d’inconnus, qu’il ne comprend pas la préface d’un célèbre réalisateur, que Tina, l’héroïne n’a rien compris et que lui-même, n’a rien compris et ne comprend rien à ce qui lui est arrivé… Alors quel intérêt ? Peut-être aucun… Un bouquin inutile, qui traite d’un sujet à la limite de la folie, pornographique, obsédant et presque ignoble… Monstrueux… Pour qui se rappelle les frasques de John Waters, la scatologie en moins, le personnage de Tina est la réplique exacte de Divine, son égérie, sa muse, avec laquelle il fit les choses les plus immondes… Ca vous donne une image hein ?!... Entre pédantisme et élitisme, cette œuvre a été poussée par certains, pour la faire découvrir, la sortir d’une fange qui, pourtant, pourrait bien lui convenir… Un livre sale, qui passe par une gamme de sentiments aussi divers que la méchanceté, le sadisme, le vice, l’amour, la passion, l’obsession, et j’en passe… Mais le pouvoir d’attraction répulsion s’exerce… Oui, car aussi particulier soit ce livre, aussi fou soit-il, il est l’œuvre d ‘un auteur génial qui sait nous emmener dans sa lente descente psychologique, sa déchéance morale, avec rythme, talent et classe ! Oui, classe, un mot qui fait désordre au vu de cette lecture sordide mais divine(encore elle !)ment écrite, construite, agencée… On est littéralement aspiré (l’humour me pousserait à écrire liposuccé !) par cette incroyable force séductrice qui émane du travail de Dave Cooper… Je me cache hypocritement derrière mon doigt là car en fait, la séduction qui opère, la magie qui fascine, c’est bien de Tina qu’elle émane… Créature obèse, laide, au sourire carnassier, aux boutons purulents, au regard vide, qui sait jouer de sa timidité, puis de sa naïveté, pour ensuite devenir vicieuse, méchante, lascive et destructrice, jouant de sa plastique démesurée pour envoûter Martin, le satisfaire en accédant à ses rêves pour les railler plus facilement par la suite… C’est ébouriffant ! Entre fantasme et réalité, Martin perdra sa force créatrice en même temps que sa raison pour cette adolescente ensorcelante qui finit par obséder le lecteur, le voyeur devrais-je dire, que nous sommes… Spectacle désolant mais qui prend aux tripes, cette passade graphique est érectile, bluffante, incroyable ! Je ne vous livre que des impressions en bloc, je ne vous donne qu’un sentiment fugace, rapide, une sorte de livraison post-lecture sans grande envergure, tellement je suis claqué, vanné, abasourdi par ce que je viens de lire… L’histoire, le pourquoi de l’existence de ce bouquin, je vous la laisse découvrir, pour ne pas paraphraser, pour ne pas encombrer la pensée… La base est simple… L’important reste la rencontre de Martin et Tina et ce qu’elle va induire… Ce bouquin est absolument génial, peu importe le trait, peu importe le sujet, les mots finissent par manquer, l’inspiration se tarit, je suis absorbé (obsédé ?!) par Tina, cette mante religieuse qui finit par vampiriser notre esprit par sa présence hors-norme, charismatique même… Exception culturelle ? Elitisme ? Boulouboulisme ? Cessons ces clivages un instant, juste celui nécessaire à la lecture de Ripple… C’est extraordinaire, un chef-d’œuvre… ! Merci…
J’aime beaucoup ces histoires qui se passent en marge de l’Histoire. Celle-ci est particulièrement bien traitée, malgré la courte durée de lecture qui s’écoule sur 44 pages d’un dessin qui vous happe et vous transporte dans l’époque. Entre réalisme photographique et trait plus épuré, ce récit est proche du film d’archive et nous montre un visage à contre-courant de 2 protagonistes, décideurs de guerre, mais aussi victimes de celle-ci et de sa folie… Une pause cigarette qui rapprochera promptement ces 2 hommes que tout oppose et qui permet de s’interroger sur le bien, le mal, la guerre, sa raison et ses déraisons… C’est peut-être la force de ce récit que de nous laisser les questionnements comme autant de pistes soulevées par Nikolavitch ? Oui, sûrement… En tout cas, une lecture prenante…
Qui ne connaît pas la série choc « The Shield » ? Série dans laquelle officie Michael Chiklis dans le rôle d’un flic véreux, Vic MacKey, et qui montre les tourments d’un quartier de Los Angeles où tous les vices ont rendez-vous et où la corruption est reine. Et bien certains critiques rédigeaient d’une plume enthousiaste que l’on finissait par prendre pitié… les criminels de cette série tant les exactions perpétrées par les membres de cette escouade étaient féroces ! Pourquoi je vous parle de « The Shield » ? Juste pour faire un parallèle avec le lieutenant de police Luchito Lassabia, personnage principal de cette nouvelle histoire écrite par le talentueux Carlos Trillo. Rappelons que ce Trillo a écrit des histoires de très grande qualité comme Cybersix (dessin de Meglia), Spaghetti Brothers (dessin de Mandrafina), Buscavidas (with Big Master Breccia), ou encore avec son comparse Risso, Fulu, Je suis un vampire, etc… N’en jetons plus ! Un des thèmes chers à cet argentin, c’est la corruption, et pour en revenir à mon idée de départ, les caractéristiques dont il a affublé son « héros » sont suffisamment abjectes pour faire passer le Vic MacKey de la précitée série pour un enfant de coeur qui aurait encore un peu de morale, un comble ! Il est tout à la fois… Odieux, avide, avare, magouilleur, c’est vraiment une crapule sans foi ni loi qui détruit tout sur son passage… Il développe son réseau de prostitution, encaisse les billets en veux-tu en voilà, impunément, il traque, trucide, élimine, tout ce qui le gêne… Mais une limite arrive… Un avocat communiste veut mettre fin à ce triste règne et est bien décidé à alpaguer cet inspecteur affecté par une maladie qui sied bien au personnage : la gale. Comment Lassabia va s’en tirer ? Va-t-il s’en tirer ? A vous de le découvrir… Mais force est de constater que trop d’abondance nuit et là, pour le coup, on frôle l’indigestion à tenter d’avaler toutes les horreurs que Trillo nous sert avec beaucoup trop d’excès… Drogue, sexe, et pas rock’n’roll, situations scabreuses et immondes, on commence choqué, on sourit, parfois, puis on trouve le temps long, même si ces 56 planches de Valiente méritent le détour ! Parfois, ses courbes ressemblent à certains album de Dumontheuil, insistant plus sur le jeu des couleurs pour établir ses contours, et cela constitue un ensemble cohérent ! Mais franchement… Trop, c’est trop… La lecture devient très dérangeante et se termine loin des canons Disneyiens, je vous l’assure !
Je me remémorais les longues apnées de Jacques Mayol, dont le film « Le Grand Bleu » narrait les romancées aventures, et je me disais que je devais aller en faire une nouvelle dans Le Grand Blanc de la collection Blandice de Paquet. Une fois avalée la décalée « Perspective Nevsky », je me jetais dans cette histoire noire, à tous les sens du terme ! Le Sud américain, ses rednecks et son racisme, dessinés avec beaucoup de talent par Taborda, sont le décor de cet album qui se déroule dans les années 30. Beaucoup de choses ont été dites, écrites, filmées sur ce thème de la « haine ordinaire » et il fallait trouver une façon différente de livrer son sentiment sur cette période morose post-crise financière. C’est sous les traits de 3 frères bien différents que l’histoire se met en place… Le premier, adipeux et pas très intelligent, accompagné du deuxième, fluet et aussi intelligent que couard, se retrouvent sur le perron de leur maison à contempler leur troisième frère, Big Bill, costaud et bad boy de la région, qui se balance au bout d’une corde… Ils veulent savoir pourquoi ? Qui ? Où ? Quand et comment cela est arrivé ? La couverture est éminemment alléchante mais l’intérieur se révèle un peu moins à la hauteur des espoirs fondés et malgré la double originalité de commencer le récit par les causes potentielles de la mort de Big Bill par le biais d’anecdotes racontées par ses frères, et d’éviter l’écueil de la présence du KKK, l’histoire se met à dérailler quelque peu et avoir quelques ratés qui empêchent l’immersion totale. Les personnages, qui restent tout de même issus d’une galerie de portraits hauts en couleurs, ne sont pas vraiment attachants, se succèdent sans vrai liant, et malgré certains changements comportementaux de certains, restent assez « plats » ! Big Bill est charismatique mais ce personnage, tout central puisse-t-il être, est mort et absent du déroulement de l’histoire ! Une fin précipitée prend à contre-pied le lecteur, qui n’avait pas eu le temps de bien s’installer, et rend la lecture un peu inconfortable ! Pour le dessin, je n’ai noté qu’une pinaille, c’est celle du trou dans la chaussure du pendu, qui apparaît et disparaît au gré des envie de Taborda ! Une lecture plaisante, sans plus…
Très difficile de sortir indemne de cette somptueuse mise en image du conte d’Andersen… Madsen s’est tout d’abord livré à un exercice psychologique très violent pour digérer cette bouleversante histoire d’une mère qui va se battre contre la Mort elle-même dans l’espoir de retrouver son enfant disparu ce glacial froid d’hiver… Il s’est ensuite attelé à la mise en image et là, le lecteur en prend plein les mirettes… Chaque double page, chaque planche, chaque case est un tableau magnifique… Un soin porté au moindre détail font de cet album est délice graphique que certains pourraient ne pas aimer mais reconnaître qu’il est fait avec beaucoup de talent… Enfin, les chapitres de cette œuvre bouleversante sont rythmés avec une grande intelligence, à commencer par cet entêtant tic-tac qui accompagne la lente agonie d’un enfant que l’on voit partir et s’effacer du monde des vivants en même temps que l’horloge de cette même vie se met à dérailler… Viennent ensuite la colère, le sacrifice, le combat, même si c’est celui du désespoir, et des épreuves sans cesse plus exigeantes mais qui démontrent à chaque fois la détermination de cette mère égarée… Quant au maelström final, sur l’aboutissement de cette quête sans issue, qui oppose la folie à la raison, je vous la laisse découvrir de toute urgence… C’est grand, c’est beau, c’est fort, et c’est encore un hymne à l’amour des plus sensibles…
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