Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« L'apaisement », tome 3 du Journal de mon père, par Jiro Taniguchi. Chez Casterman.

On l'a déjà dit et redit, alors, enfonçons le clou une dernière fois : « Le journal de mon père » n'est pas un manga. Enfin, pas dans son contenu. Apparemment, Casterman voulait être sûr d'éviter la confusion puisque l'éditeur a choisi de publier cette oeuvre en trois fois et en grand format, comme elle fait pour ses BD classiques, et non dans la collection « Manga Casterman » dans laquelle on trouve notamment « L'autoroute du soleil » de Baru. Choix commercial, sans doute, éditorial peut-être. Car le grand public, souvent peu amateur de mangas, peut lire les trois volumes de cette bouleversante histoire familiale sans risque de se trouver face à un récit manichéen, violent et carré. Le journal de mon père est une histoire toute en finesse, en émotions, en profondeur. Jiro Taniguchi poursuit dans ce troisième tome l'évocation des souvenirs de son narrateur, Yoichi Yamashita, revenu dans sa ville natale pour la veillée funèbre et l'inhumation de son père après avoir coupé les ponts avec sa famille pendant de nombreuses années. L'oncle et la soeur de Yoichi sont là pour combler les trous de sa mémoire et surtout pour lui brosser un portrait inédit de celui qu'il n'a jamais voulu connaître vraiment, le père aujourd'hui disparu. (si vous voulez savoir pour quelle raison le père et le fils se sont ratés, lisez le tome deux, c'est la clé de l'ensemble). Ce troisième et dernier volet est plus introspectif que les précédents. Je serais tenté de dire plus japonais, aussi. On sent que le sens de la faute et le remords dû à l'ingratitude que Yoichi a opposée à la générosité de son père pèsent lourd, très lourd, dans ces 85 dernières planches. A tel point que le « mea culpa » auquel se livre le narrateur devient parfois pesant et surtout très répétitif. Mais il reste un tas d'anecdotes, de moments magiques, les années de jeunesse et la sincérité de l'auteur. Il reste aussi cette délicatesse, cette pudeur et toute la sensibilité que la BD japonaise préfère généralement ignorer. Pour tout cela -et pour connaître enfin la fin du long cheminement intérieur entamé par le narrateur à son arrivée à Tottori au début du premier tome-, cela vaut la peine de lire ce dernier tome, le plus grave des trois sans doute.
Devoirs de vacances (Rubine) par Thierry Bellefroid
« Devoirs de vacances », tome 7 de la série Rubine, par Walthéry, Lazare et Mythic. Au Lombard.

La fliquette de choc créée par Walthéry met une robe, de jolis escarpins à talons et remonte ses cheveux façon chignon négligé. Ca surprend. C'est pas par hasard. Mythic a eu l'idée de la renvoyer à la maison, chez Papa-Maman, dans le Sud. Un bled paumé qui ne vit qu'à travers un procès apparemment banal intenté par des veuves de fumeurs à un cigarettier. Ca sent les coupures de journaux patiemment mises de côté par le scénariste d'Alpha qui avoue son amour immodéré pour l'info, où il puise la matière de nombreux scénarios. Mais qu'importe. Personne n'a dit qu'un bon scénario devait tomber du ciel. Ce qui m'a plu, en revanche, c'est cette volonté de surprendre (enfin ?) le lecteur. Evidemment, il y a des références un peu faciles à Soda (ne dites pas à maman que je suis flic, elle ferait une attaque !) mais cette plongée dans le Sud profond permet à Rubine de jouer le rôle le plus intéressant de sa carrière de papier. L'histoire rappelle évidemment elle aussi un rien trop le film où une Demi Moore terrorisée devait faire changer le verdict d'un jury pour sauver sa peau et celle des siens, mais bon, admettons qu'il s'agisse d'une réminiscence inconsciente et que cette histoire de kidnapping d'enfants de jurés pour obtenir une subornation générale n'est pas si mauvaise, placée dans le contexte américain. L'humour est mieux dosé que dans les précédents albums. Quant au dessin, il est pareil à lui-même et ne vaudra jamais celui d'un bon Natacha. Boyan force un peu trop sur les couleurs et certains visages radicalement éloignés de la « ligne Walthéry » tombent comme un cheveu dans la soupe. C'est même là qu'on trouve le plus d'incohérences. En y regardant de plus près, on trouve des personnages qui ont l'air de sortir d'un film français (le cigarettier qui a une gueule à la Jean Yanne en moins rond), d'autres d'un film américain, d'autres encore d'une BD de Roba (le cousin), d'un Gazzotti ou même d'un vieux Renaud tendance Brelan de Dames... Y a pas que Rubine qui tire dans tous les sens...
Le sang des anges (Moréa) par Thierry Bellefroid
« Le sang des anges », tome 1 de la série Moréa, par Scotch Arleston et Thierry Labrosse. Chez Soleil.

Le plus gros vendeur d'albums de l'écurie Soleil a le vent en poupe et semble en état de grâce, alors, pourquoi ne pas en profiter ? Après les univers de Fantasy tournés vers le passé, Arleston nous propose une série futuriste, qui recycle habilement les ingrédients qui marchent ailleurs. En fait, à première vue, Moréa pourrait être le Largo Winch du XXIème siècle... au féminin. Une compagnie méta-nationale, la DWC, tente d'élargir son emprise sur la planète dont le centre économique est Cuba (pourquoi pas ? Il y a des repérages plus désagréables, non ? Quoique... au vu des planches de la Havane dans ce premier album, pas besoin de repérage...) Et voilà-t-y pas que l'aïeul à la tête de la DWC se fait descendre, en même temps que tous les héritiers, qui portent le même nom que lui. Tous ? Non, car Moréa Doloniac échappe au massacre, ce qui lui permet de prendre le contrôle de la société et de devenir le Largo Winch des années 2080. Soyons honnêtes : le scénario ne se résume pas à cette péripétie. Il y aussi les Dragons et les Anges, deux groupes d'immortels qui manipulent l'Histoire terrestre pour qu'elle favorise l'émergence de leur règne dans le futur. Les uns militent en faveur du bien et de l'harmonie. Les autres en faveur du mal et du chaos (du jamais vu...). Moréa est un Dragon, et c'est pour ça qu'elle a échappé au grand complot dirigé contre les héritiers Doloniac : elle est immortelle (mais jusque là, elle n'était pas au courant, la nature est mal faite !). Voilà en quelques lignes la substantifique moelle de cette nouvelle BD dont le dessin rappelle furieusement celui d'Adamov, mais comme tout me fait penser à autre chose quand je la lis, c'est sûrement de la mauvaise foi. Allez, ne boudons pas notre plaisir : Arleston est un pro et Moréa se laisse lire. On attend quand même la suite avec un brin de méfiance.
« Les ogres », une aventure de Hiram Lowatt et Placido, par David B et Christophe Blain. Dans la collection « Poisson Pilote » des éditions Dargaud.

Faut-il rappeler que c'est avec l'excellent « La révolte d'Hop-Frog » que nous sont arrivés Hiram Lowatt et son fidèle ami indien Placido ? L'album avait fait grand bruit, tant par l'originalité de son propos que par sa qualité graphique. Depuis, les deux auteurs ont fait un bout de chemin. David B a assis une notoriété déjà appréciable, grâce à ses travaux à L'Association mais aussi -et peut-être surtout- plus récemment, grâce au « Capitaine Ecarlate » paru dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis (voir « coup de coeur » sur ce site). Quant à Christophe Blain, c'est également chez Dupuis et dans la collection Aire Libre qu'il a pu faire connaître et reconnaître son talent ; succès d'estime et Alph'Art Coup de Coeur à Angoulême pour son « Réducteur de vitesse ». En créant sa nouvelle collection très marquée « Asso », Dargaud ne pouvait donc pas passer à côté de ces deux-là. D'où la réédition d 'Hop-Frog au « format » Poisson Pilote avant ce nouvel opus qui est une suite sans l'être.
Avant de plonger dans « Les ogres », j'ai relu Hop-Frog. J'y ai retrouvé ce plaisir de lire une histoire hors des sentiers battus, aux références littéraires omniprésentes mais en même temps totalement déridée, sainement folle. Cette richesse, cette finesse, peut-être, est absente du nouvel album. Beaucoup plus conventionnel, plus attendu, il ne surprendra guère le lecteur habitué aux univers de David B ou de Sfar. Sfar dont le dessin semble par ailleurs avoir déteint sur cet album. Après les pastels qui avaient donné à Hop-Frog cette apparence si colorée et ces contours volontairement flous, voici que le dessin se noircit, mettant la plume en avant et forçant les hachures pour donner de la matière. On est à deux doigts d'un « Professeur Bell ». Etrange, même si on n'attend pas de créateurs comme David B et Christophe Blain qu'ils reproduisent les mêmes recettes d'un album à l'autre.
Révélateur de la différence qui existe entre les deux albums, le titre du premier (« La révolte d'Hop-Frog ») laisse l'imagination vagabonder alors que celui du second (« Les ogres »), réduit la marge de manoeuvre. Je n'imagine ni David B ni Christophe Blain exécuter des travaux de commande, ou faire de l'alimentaire. « Les ogres » est un album suffisamment bon pour le placer au-dessus de ce genre de débat. Je suis juste resté un peu sur ma faim. Après tant de temps et forts de leurs travaux ailleurs, ils pouvaient sans doute faire mieux. Mais les aventures d'Hiram Lowatt et Placido ne sont pas finies. Leurs deux créateurs ont suffisamment de talent pour nous surprendre au moment où on les attendra le moins.
« La voie du guerrier », tome 2 de la série « Black Hills » par Yves Swolfs et Marc-Renier, chez Glénat.

J’avais été si déçu par le premier album de la série que je ne pouvais presque qu’être favorablement étonné. Je dirai que je me suis moins ennuyé à la lecture de ce second tome. De là à dire que je suis réconcilié avec cette série, il y a un pas que je me garderai bien de franchir. Il n’y a toujours pas un élément qu’on n’ait déjà vu ailleurs dans ce nouvel opus. Mais le recyclage m’a paru moins lourd qu’au premier essai, ce qui rend cette « voie du guerrier » un rien plus digeste. Les couleurs continuent de constituer la seule originalité du projet, même si elles sont gâchées de manière toujours aussi maladroite par des « paw paw » en rouge sang lors de chaque fusillade. Les chevaux semblent ne jamais avoir connu le galop, ils sont lourds, pansus, pas racés pour un sou.
Quant aux humains, ils paraissent tous figés sur une vieille gravure du siècle dernier. Le dessin de Marc-Renier est sclérosé, statique, vieillot, mort pour résumer. Est-ce dans l’espoir de le cacher qu’il maltraite sa mise en page et nous sert des cases imbriquées les unes dans les autres de manière exagérément alambiquée ? Un joli cadre n’a jamais fait une belle photo.. Tout ça manque de vigueur, de mouvement et d’un brin d’originalité. Faut-il vraiment en dire plus ?
« La dernière rencontre », tome 4 des 4X4, la série de Pierre Christin et Philippe Aymond. Chez Dargaud.

Ca ne s'arrange pas chez les « 4X4 ». Après trois titres médiocres, Christin persévère dans cet ersatz de « 4As » version ados modernes pour public pré-pubère. Pour tout vous dire, cette bande de copains des quatre coins du monde qui se sont « trouvés » et qui depuis se tirent des pires pièges les uns les autres, moi, je n'y ai jamais cru l'ombre d'une seconde. Tout est trop facile. Leur rencontre, bien sûr. Mais aussi leurs histoires, bien gentiment calquées sur l'Histoire par un Christin appliqué -mais pas inspiré. La maffia russe, mise à toutes les sauces de Alpha à Vlad, repointe ici son nez avec son cortège de violents sanguinaires (et parfois demeurés) sans scrupules. Ca tire dans tous les coins le long de la Riviera. Ce qui n'empêche bien sûr nullement trois des quatre larrons de voler au secours du quatrième, en passant entre les balles. La crédibilité n'est pas le souci principal de cette série, en dépit de références à l'actualité et de quelques mots écrits en russe dans les phylactères. Tout le monde joue bien gentiment son rôle et le grand Christin (dont je n'oublie pas qu'il a écrit « Partie de Chasse » et quelques autres des meilleures BD des années 80, sans parler des Valérian de la grande époque) s'applique à montrer qu'il est un homme moderne en glissant où il le faut des références aux nouvelles technologies de l'information. Mais ses petits jeunes sont désincarnés, trop intelligents, trop intrépides ou trop prévisibles dans leur anormalité. On ne les suit que par paresse. Sans compter que la fin bâcle en cinq pages ce qui aurait pu constituer la matière première d'une autre histoire. Christin semble être arrivé à un point où le fait d'avoir beaucoup voyagé et beaucoup lu remplace dans ses scénarios la nécessaire part d'imagination qu'ils devraient renfermer. Comme le dessin d'Aymond est gentil sans plus, rien ne distingue ce produit d'un Kleenex version BD ; vite lu, vite jeté.
Une exposition imaginaire par Thierry Bellefroid
« Une exposition imaginaire, Le catalogue ». Dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis.

Que dire de ce catalogue imaginaire sinon qu'il vous donnera sans doute envie, comme il me l'a donnée, de relire l'ensemble des titres de cette prestigieuse collection. L'air de rien, « Le voyage en Italie », l'un des meilleurs Cosey parus à ce jour, allait provoquer une petite révolution chez Dupuis. Créé pour lui, le nouveau label qui allait très vite s'enorgueillir d'un deuxième titre de grande envergure (« SOS Bonheur », sans conteste l'un des Van Hamme les plus aboutis) est devenu en dix ans l'une des références du monde de la BD. Ce qui fait la force de cette collection, vous le retrouverez en lisant ce catalogue imaginaire : des auteurs généreux à la fibre humaniste et des histoires solides, mûres, à leur image. Un rythme de parution exemplaire -41 albums en un peu plus de dix ans- permet également à Aire Libre de compter très peu de déchet. A de rares exceptions en effet, tous les albums parus dans cette collection méritent d'y figurer et de figurer dans votre bibliothèque. Ce catalogue imaginaire vous permettra de compléter l'assortiment d'une pincée de dessins inédits -un par album. Vous y trouverez aussi de belles photos d'auteurs et des biographies qu'il vaut la peine de prendre le temps de lire, car même les auteurs qui reviennent trois ou quatre fois ont toujours droit à un texte différent, original, respectueux de leur oeuvre. Aire Libre a permis à Dupuis de se forger une image positive auprès de la critique, des libraires et du public bédéphile. Pour y arriver, il a fallu que le plus gros éditeur de BD francophone qui inonde le marché de quantité d'albums médiocres (non, je ne citerai pas de nom, mais allez faire un tour dans n'importe quel supermarché, il y a de quoi avoir la nausée) accepte de ne pas faire de chiffres de vente faramineux sur ces albums haut de gamme. Dix ans après, c'est tout bénéfice. Non seulement certains de ces albums atteignent des chiffres de vente très honorables, mais en plus, ils raflent des prix dans tous les festivals. Ce n'est pas par hasard. Et ça méritait bien qu'on s'y attarde dans une catalogue aussi prestigieux que la collection elle-même.
« Expériences », le tome 4 du Chant des Stryges, par Corbeyran et Guérineau. Chez Delcourt.

Vous ne connaissez pas encore le « Chant des Stryges » ? Ne lisez pas cette chronique, allez tout de suite acheter les quatre albums parus, lisez-les, on en reparlera. Vous connaissez déjà la série et vous n'avez pas encore acheté le nouvel album ? Nul n'est parfait, mais que je ne vous y reprenne pas. Que dire encore de cette série phare qui puisse convaincre les derniers irréductibles de passer d'urgence à sa lecture ? Je dirais peut-être que dans ce quatrième tome, Corbeyran a vraiment décidé d'arrêter de diluer son histoire, qu'il nous la sert sur un rythme à faire frémir d'envie n'importe quel réalisateur de films d'action hollywoodien et qu'on en redemande. Les cinq premières pages, muettes, sont un exemple du genre. Les suivantes, suivant l'action principale en même temps que les errances d'un petit chat curieux ne sont pas plus mal, même si elles sont beaucoup plus calmes. Le final est parfait. Et entre tout ça, il y a une sacrée bonne histoire bien servie par un Corbeyran qui surfe à merveille sur la vague de X-File et un Richard Guérineau à qui je ne ferais qu'un reproche : nous avoir « croqué » la tête de Woody Allen en plein milieu d'une histoire qui n'en avait pas besoin. Mais c'est si peu de choses...
Gladys (Pin-up) par Thierry Bellefroid
« Pin-Up » N°6, par Yann et Berthet. Chez Dargaud.

Sur la couverture, un sticker annonce : « fin du deuxième round, bientôt le cycle de Las Vegas ». Pas à dire, Pin-Up, c'est avant tout une affaire qui roule. Et chez Dargaud, quand ça marche, on fait marcher tant que ça peut. Au point d'un rien effrayer le lecteur parano dans mon genre. Moi, quand on me vend l'album qui suit avant même que j'ai tourné la première page de celui que j'ai entre les mains, je trouve ça louche. Quoi, celui-ci est-il donc si mauvais que Dargaud nous rassure en nous promettant un autre cycle « bientôt » ? A moins que ce ne soit pour rassurer les naïfs qui pensaient qu'en bons pères de famille, Yann et Berthet n'allaient pas tirer sur la ficelle mais bien tirer leur révérence, en arrêtant ici leur série fétiche (-iste ?...). Enfin, quoi qu'il en soit, voici donc la fin du deuxième round, ce qui m'amène à cette première constatation : fallait-il donc trois albums pour nous le raconter ? La réponse me semble couler de source : non. Diluée, étirée, édulcorée, cette suite au cycle initial n'en est que l'ombre. Elle n'amène guère de surprises si ce n'est celle, un rien désagréable, de voir Dottie se frotter à une expérience homosexuelle qui, décidément, semble obséder tous les scénaristes en mal de chiffres de vente (Dufaux d'abord, Van Hamme plus récemment, et maintenant Yann... mais qu'est-ce qu'ils ont tous !) Heureusement, non seulement la parenthèse est vite refermée mais en plus elle est traitée avec une certaine pudeur, juste pour faire fantasmer les mecs en mal d'héroïnes bisexuelles et de caresses à la Bilitis. Yann sait ce qu'il fait. Berthet aussi, d'ailleurs. Pin-Up se vend sous toutes les formes : habillée en album, moins habillée en sérigraphie, glamour en figurines de plomb, rétro en affiches ou sur les bouteilles d'armagnac, j'en passe et des moins belles. Les produits dérivés deviennent plus importants que le personnage et cela se ressent sur l'esprit de la série, calqué à 100% sur l'attente d'un public qui en redemande. Pourtant, étant l'heureux possesseur d'un tirage de tête de deux des albums de cette série (non, vous n'aurez pas mon adresse. D'ailleurs, je n'ai que ceux-là, je ne suis pas collectionneur !), je ne cesse pas de m'émerveiller du talent de Berthet. Ses crayonnés sont souvent plus beaux que le résultat publié, même s'il faut lui reconnaître un encrage intelligent et une coloriste tout à fait « dans le ton ». Alors quoi ? On attendrait peut-être un brin de sincérité, quelque chose de plus désintéressé. Mais si ça se trouve, le public ne serait pas d'accord. Car malgré tous les reproches qu'on peut faire aux auteurs, c'est avant tout ceux qui les lisent qui ont fait de Pin-Up ce qu'elle est aujourd'hui : un produit de grande consommation.

PS. Vous aviez des doutes sur l'indépendance d'esprit du chroniqueur de bdparadisio ? Cette chronique devrait les dissiper. Le fait que ce site organise un concours Pin-Up avec albums à la clé ne m'empêche nullement de dire ce que je pense...
Le feu occulte (Trolls de Troy) par Thierry Bellefroid
« Le feu occulte », tome 4 de Trolls de Troy, par Arleston et Mourier, aux éditions Soleil.

Et voilà, c'est fini. Trolls de Troy ne sera pas une série à rallonge. A moins que l'idée d'un nouveau cycle n'effleure Scotch Arleston. Ce quatrième album vient clore une très jolie série « périphérique » qui a fini par presque voler la vedette à Lanfeust. Sans doute doit-elle beaucoup de son succès à l'humour que Scotch Arleston a su y insuffler et Jean-Louis Mourier y rendre par le dessin. Un humour à qui je reprochais dans une précédente chronique de chasser un peu trop ouvertement sur les terres de René Goscinny. C'est vrai qu'on voyait beaucoup de similitudes entre Astérix et Trolls de Troy. Cette fois, ce n'est plus ni du hasard ni du plagiat ni même une inspiration inconsciente, c'est du pastiche. La case finale en dit long sur l'amour qu'Arleston porte aux personnages de Goscinny, dont certains sont même pastichés dans leur attitude type. Ainsi, on retrouve dans la scène d'ouverture le climat identique à celui des scènes d'empoignade verbale entre César et les tribuns de Rome. Et plus loin, les « esclaves » Trolls rappellent des scènes d'Astérix et Cléopatre. Montré aussi franchement, ce qui paraissait comme un défaut de la cuirasse devient une qualité de l'oeuvre. Oui, Trolls de Troy est une sorte d'hommage à Astérix (en passant, il salue aussi les Schtroumpfs de Peyo, vous le verrez en lisant cet album), mais un hommage qui se laisse lire sans une pointe d'ennui. On sourit souvent, on rit parfois, c'est léger, drôle et fin à la fois, c'est aussi mené sur un train d'enfer, exactement à la manière d'un Astérix. Bref, Goscinny a un fils spirituel. Et Arleston a tout compris.
Frisco (Loranne) par Thierry Bellefroid
« Frisco », le tome trois de la série Loranne, par Dieter et Nicaise, dans la collection Grafica des éditions Glénat.

Fin de parcours (ou de cycle, je ne sais pas...) pour Loranne, cette jeune Américaine aux mauvaises fréquentations entraînée dans une histoire pas très nette par un ancien (?) agent de la CIA, Keith Malone. Deux premiers albums au climat glauque, mystérieux. On sent que Keith ne joue pas franc-jeu, que Loranne n'est pas tout-à-fait dupe, que Dusty, son frère drogué, est la clé de l'histoire. Et puis dans ce troisième volet, le dénouement. On est tenté de se dire : tout ça pour ça ? En effet, le « grand complot » auquel Keith mêle malgré eux Dusty et Loranne est pour le moins éculé. C'était pas la peine de nous faire de grands airs de conspirateurs et des conversations mystère si c'était pour déboucher sur une action aussi plate. Enfin, heureusement, ce qui sauve tout, c'est la fin. Et là, j'ai retrouvé ce bon vieux Dieter qui aime soigner les fins de ses histoires et surprendre ses lecteurs en égratignant ses héros au moment où l'on ne s'y attend plus. Le retournement de situation du procès de Loranne est en effet totalement inattendu. Heureusement. Il sauve carrément l'album. Le dessin de Viviane Nicaise, lisse comme un parquet ciré, ne jette pas de lumière très particulière sur cette « saga » dont on retiendra surtout les caractères des personnages et le climat oppressant bien développé par Dieter au fil des albums. Un produit honnête mais qui ne fait pas vibrer.
« La clé du mystère, tome 1 : Meurtre sous la Manche », par Sikorski et Lapière. Chez Dupuis.

Dans la bibliographie de Denis Lapière se trouvent des albums inégaux. Certains sont de petits bijoux (j'ai une tendresse toute particulière pour la série Ludo, par exemple, ou pour Alice et Léopold, mais je pense aussi au « Bar du vieux Français », dessiné par Stassen). D'autres semblent ne pas tenir leurs promesses. Celui-ci fait partie de la seconde catégorie. Cruelle déception, en effet, que ce faux suspense dessiné par le « vieux » comparse, Alain Sikorski, avec qui Denis Lapière avait repris les aventures de Tif et Tondu au début des années 90. Evidemment, quand une série s'appelle « La clé du mystère » et affiche en couverture « Démasquez vous-même l'assassin ! Les dernières pages scellées renferment la solution », on place la barre très haut. On s'attend à une enquête démoniaque, un scénario à embrouilles truffé de fausses pistes passionnantes. Il n'en est rien. Et pour ne pas découvrir la supercherie finale, il faut faire preuve d'une bonne dose de mauvaise volonté, tant cette astuce est cousue de fil blanc et usée jusqu'à la corde par des décennies de mauvais scénarios ! Autant dire que la copie est à revoir, le dessin dépourvu de personnalité de Sikorski ne sauvant pas l'ensemble du naufrage. Seul le personnage de Kéli est vraiment attachant. Mais ce duo d'enquêteurs aux méthodes et aux moeurs antagonistes fait lui aussi déjà vu. Pas facile de prendre la relève de Tillieux. Beaucoup s'y sont déjà essayés. Denis Lapière n'est pas le premier à s'y casser les dents. Pourtant, on sent bien qu'il a tenté de refaire du Gil Jourdan à la sauce d'aujourd'hui. Je préfère relire l'original...
Elise (Le prince de la nuit) par Thierry Bellefroid
« Elise », tome 5 de la série « Le prince de la nuit », par Yves Swolfs. Dans la collection Grafica des éditions Glénat.

Il y a tout juste vingt ans, le jeune Yves Swolfs créait son premier héros, Durango. Il allait trouver son public grâce à cette variation sur le thème du western spaghetti dont les meilleurs albums resteront ceux de la trilogie « Amos - Sierra sauvage - Le destin d'un desperado ». Et puis, en 95, après avoir créé Dampierre (dont il a très vite cédé le dessin à Legein), Swolfs surprenait tout le monde en se lançant dans une grande fresque à travers les âges sur les traces des vampires. « Le prince de la nuit » était né. A l'enthousiasme des uns répondait le rejet des autres, trouvant, souvent à juste titre, que Swolfs véhiculait dans cette histoire des tombereaux entiers de lieux communs. Avec ce cinquième volume en cinq ans (le rythme ne faiblit pas malgré les nouvelles collaborations avec Marc-Rénier et Griffo), Yves Swolfs reste fidèle à son idée de base. Face à face, encore : Kergan, l'infâme, le malfaisant vampire aux pouvoirs terrifiants et Vincent, dernier des Rougemont à tenter de contrer cette bête immonde. Ca sent l'album de transition, les gousses d'ail à deux sous et autres recettes de cuisine. Tous les personnages se ressemblent (on peut remplacer certains des protagonistes du Prince de la nuit par leurs frères jumeaux déjà vus dans Durango, mais ce n'est pas nouveau) sauf un, le commissaire de police Durieux, qui a la gueule de Jean Gabin. Pourquoi cette caricature dans une BD qui n'a rien d'un hommage au cinéma français ? Clin d'oeil au rôle de flic proche de la retraite qui décide d'aller jusqu'au bout, malgré les interdictions de ses supérieurs ? Sans doute. Mais voir la tronche de Gabin dans une histoire de vampires en BD, c'est un peu comme si on vous faisait un Jérôme Bloche avec la gueule d'Humphrey Bogart ! Non seulement, ça n'apporte rien, mais en plus, ça décrédibilise l'ensemble puisque ça déforce l'effet fantastique. Bref, je ne peux pas dire que cet album m'ait enthousiasmé. En tout cas, quand on le lit juste après avoir avalé les deux tomes de "Je suis un vampire" de Trillo et Risso, il n'y a pas l'ombre d'un doute...
Le Sacrifice du Fou (Tower) par Thierry Bellefroid
« Le sacrifice du fou », tome 2 de la série « Tower », par Goethals et Ange, chez Vents d'Ouest.

Deuxième volume de ce captivant thriller scénarisé par Ange (Bloodline et Némesis, entre autres) et dessiné par Sébastien Goethals. Tout le monde veut la peau de Tom Cleggan : le Mi-5, son ancien chef à l'IRA, le détective privé envoyé d'Italie par les parents de sa compagne... pas besoin de vous faire un dessin, avec autant d'ennemis, « Tower » a tout du héros de BD parfait. Personnellement, je ne raffole ni du graphisme parfois torturé de Goethals ni des cloueurs de Delphine Rieu (la première page, par exemple, n'est pas un appel à la lecture), mais j'arrive à passer outre sans trop de problème car l'adaptation de l'histoire imaginée par Hubert Chardot ne manque pas de qualités. On trouve tous les ingrédients auxquels on pouvait s'attendre dans une histoire s'attachant à raconter comment un tueur de l'IRA qui a décroché peut être rattrapé par son passé : Mi-5, SAS, vrais activistes et terroristes sans scrupules, repentis, indics, délateurs, fantômes du passé et secrets trop longtemps gardés. Et malgré le fait que ces ingrédients soient pour le moins attendus, ça fonctionne parfaitement, le scénario est mené tambour battant autour d'un Tom Cleggan tantôt attachant tantôt froid comme un roulement à bille dont l'obsession est de tuer ceux qui veulent lui nuire avant qu'ils ne le retrouvent. Le procédé est classique mais l'intrigue est suffisamment solide pour qu'on se laisse faire avec plaisir. Les éditions Vents d'Ouest ne s'y sont pas trompé. Elles ont décidé de remettre le premier album en vente avec une nouvelle couverture, jugée plus alléchante. Tout indique que cette série deviendra très vite un succès de librairie. D'autant que, jusqu'ici, on a pas l'impression qu'Ange tire son histoire en longueur. Pourvu que ça dure.
« Le Chasch », volume Un du Cycle de Tschaï, par Morvan et Li-An, dans la collection Néopolis, chez Guy Delcourt.

C'est l'un des cycles les plus connus de la littérature de science-fiction des années soixante. On le doit à Jack Vance, auteur d'une quarantaine de romans qui fleurent bon le Fantasy et le Space Opera. L'adapter en BD semblait une évidence. De là à réussir l'adaptation en question... il y avait une marge. Et pourtant, cette marge, les auteurs de ce premier album ne l'ont pas transformée en écueil. Le scénario de Jean-David Morvan et le dessin de Li-An (rappelez-vous, l'auteur de « Planète lointaine », dans la collection Encrages) se rencontrent à merveille sur ce projet. La lecture de ce premier tome ne sent pas l'adaptation de roman. On jurerait qu'il s'agit d'une BD originale. Les personnages sont bien campés, surtout le héros, Adam Reith, le Terrien « égaré » sur Tschaï, toujours sûr de son bon droit. On regrettera simplement l'étroitesse de certaines pages, un peu comme si, devant la profusion d'éléments à livrer, les auteurs n'avaient par moment pas eu d'autre choix que celui de réduire la taille des cases. Chaque roman se déclinera en deux tomes, soit 92 pages, ce qui nous fera un total de pas loin de quatre cents pages (et huit tomes) pour raconter l'ensemble du cycle. On verra donc sur la longueur si les auteurs arrivent à conserver cette fraîcheur et cette maîtrise d'un univers réapproprié. Signalons que les couleurs de Scarlett Smulkowski (la coloriste de « Miss ») sont très réussies et privilégient des teintes sombres où l'on retrouve la prédominance du vert olive et du brun. Inutile de dire que l'intrigue elle-même est passionnante : le cycle de Tschaï s'est vendu à plus de 500.000 exemplaires !
Les yeux dans le bouillon par Thierry Bellefroid
« Les yeux dans le bouillon », par Broquet et Rabaté. Chez Casterman.

La notoriété de Pascal Rabaté -renforcée par l'Alph'Art du meilleur album obtenu en janvier pour Ibicus- suffira-t-elle à doper les ventes d'un album dont le dessin rebutera plus d'un lecteur ? Espérons-le, car la lecture des « yeux dans le bouillon » a été pour moi un réel moment de plaisir. On y retrouve cet humour délicieux qui caractérise Rabaté et qui rappelle « Un ver dans le fruit » ou « Les pieds dedans ». Un humour « campagnard » qui est plutôt un regard tendre et vache à la fois sur les beaufs de province dont Pascal se moque sans jamais cesser de les aimer. Il faut dire qu'il a une fois de plus choisi sa région pour cadre. Les caprices de la Loire fournissent la matière des histoires de cet album où l'on retrouve un personnage secondaire décidément récurrent dans l'oeuvre de Rabaté : le pinard. Et pas n'importe quel pinard, puisque le Savennières est son vin préféré, dont il ne se lasse pas de faire l'apologie d'un festival de BD à l'autre ! Un grand consommateur de Savennières raconte à une famille de vacanciers quelques-unes des histoires les plus inattendues arrivées dans la région à l'occasion de crues de la Loire. On « plonge » dedans à pieds joints et on découvre tout un monde villageois, avec ses petits travers et ses petites querelles, ses secrets mal gardés et ses personnages hauts en couleur. La dernière histoire est plutôt un clin d'oeil à la génération hippie, mais la précédente, celle du mari qui aimait davantage ses bouteilles que sa femme est un pur bijou façon Rabaté. On y trouve ce gentil cynisme, cette cruauté dans la sagesse qui coiffe souvent les récits de Pascal.
Reste le problème du dessin, dont je touchais un mot plus haut. Virginie Broquet n'a pas eu peur des visages disgracieux, difformes et irréguliers (ils m'ont parfois fait penser au Pétrus Barbygère de Sfar)! Elle n'a pas craint non plus d'aller piocher dans une palette de couleurs criarde à souhait, privilégiant des roses très Barbara Cartland et des pastels verts omniprésents. Il faut laisser ses préjugés au vestiaire pour lui emboîter le pas. Le mieux, si vous n'y arrivez pas, est peut-être de boire une petite ficelle de Savennières d'abord !

L'Horloge (L'Horloge) par Thierry Bellefroid
« L'Horloge », par Roosevelt, tome 1. Chez Paquet.

Eh oui, je viens seulement de lire « L'Horloge », pourtant prépublié sur notre site il y a plusieurs semaines. Comme pour beaucoup d'entre vous, cette prépublication a surtout satisfait ma curiosité, mais je reste attaché au support papier lorsqu'il s'agit de lire une BD dans son intégralité. J'ai donc plongé dans cet ouvrage étrange et emboîté le pas au peintre José Roosevelt avec beaucoup de plaisir, même s'il faut reconnaître qu'on ne peut entreprendre la lecture d'un tel album à deux heures du matin, après une soirée arrosée avec des copains. Roosevelt est volontiers ésotérique, mystérieux, parfois un rien trop. Son discours sur la peinture est évidemment celui d'un vrai connaisseur. Et comme il nourrit l'intrigue, il s'agit de s'y accrocher, d'accepter de revenir en arrière, à certains moments, de lire certaines phrases en retournant aux tableaux des différents chapitres (il y en aura douze, voir interview de Roosevelt à ce sujet dans la partie « dossiers » de ce site). Mais si vous acceptez de fournir ce petit effort intellectuel, ce livre est aussi riche que mystérieux. On y fait des rencontres pour le moins inattendues. Pour preuve, le passage du premier au deuxième chapitre. Le premier est très intriguant, noir, violent et intellectuel à la fois. Le suivant est onirique, placé dans un rapport à la réalité totalement inversé, et mélange des codes du dessin animé (un personnage de canard aux yeux doux qui a un côté très Donald Duck) avec ceux de la peinture, dans des décors qui rappellent à certains moments l'influence de Moebius. Bref, tout ça semble partir un peu dans tous les sens et il faudra bien les 150 pages (trois volumes en tout) pour comprendre où l'auteur veut nous emmener. Sa quête philosophico-spirituelle est loin de se dévoiler dans son intégralité au fil de ce premier tome, mais s'y dégagent déjà une force et une originalité certaines qui donnent envie d'en savoir plus.
Capitaine Laguibole par Thierry Bellefroid
« Capitaine Laguibole », par Rossi et Abuli. Chez Albin Michel.

Abuli n'est pas un inconnu. Avec sa série « Torpédo », il a créé un modèle de BD basé sur l'exploitation de la violence gratuite et du sexe. Rossi n'est pas un inconnu non plus. Fils spirituel de Jean Giraud, il a repris avec beaucoup de talent le dessin des aventures de Jim Cutlass et réalisé en collaboration avec Le Tendre un album très remarqué, « La gloire d'Héra », dont le deuxième tome est en chantier. La rencontre entre les deux paraissait cependant assez improbable. Et elle donne finalement lieu à un album hybride où l'on retrouve la fascination d'Abuli pour la violence gratuite et les histoires amorales, mais avec une retenue parfois contre-nature qui vient notamment du dessin très propre de Rossi. Un dessin qui pour autant est le moins abouti et le moins enthousiasmant que nous ait livré Christian Rossi à ce jour. Certaines vignettes sont carrément bâclées et dans l'ensemble, les décors sont à peu près inexistants. Il y a bien quelques moments de grâce, mais ils sont trop rares pour sauver l'ensemble. Quant aux personnages, ils suivent le même chemin. Certains sont amusants, mais la plupart baladent une sérieuse dose de « déjà-vu » dans leurs fontes. Les histoires courtes ne permettent pas davantage de fouiller le sujet, ni de surprendre le lecteur. Bref, un album-kleenex qui devrait faire son trou grâce aux signatures de ses concepteurs. Je lui préfère franchement le récent « Sang & encre » (Omond-Martin) paru chez Delcourt, même si je lui trouve à lui aussi des défauts.
Le livre de Jack par Thierry Bellefroid
« Le livre de Jack » par Denis-Pierre Filippi et Olivier Boiscommun, paru aux Humanoïdes Associés.

Magnifique, c'est le premier mot qui me vient quand je repense à ce livre que je viens de refermer. Magnifique à plus d'un titre. Et tout d'abord, au plan du dessin et de la mise en couleurs. Boiscommun est ici plusieurs coudées au-dessus de Troll (trois tomes chez Delcourt) et nous invite à entrer dans un univers magistral, aux verts très soutenus (à la Loisel) sur fond de ciels dorés et de décors splendides. Il y a la maison (hantée ?) aussi belle et mystérieuse de l'extérieur qu'à l'intérieur, il y a les toits aussi (une constante chez Filippi, voir « Un drôle d'ange gardien » chez Delcourt), et puis ce mythe du loup-garou entièrement déformé (et mâtiné d'un zeste de remake de la Belle et la Bête). Tout cela servi par un superbe découpage, privilégiant quand il le faut des pleines pages magistrales et quand cela se justifie, au contraire, des très gros plans de regards particulièrement expressifs.
Depuis quelque temps, les Humanos semblent débaucher beaucoup de monde chez Guy Delcourt. Mais ce qui frappe, c'est que le passage de l'un à l'autre correspond apparemment à un travail en profondeur, un peu comme si Sébastien Gnaedig allait demander à ces auteurs de montrer ce qu'ils avaient vraiment dans le ventre. On ne peut que s'en réjouir. La lecture d'albums comme ce « Livre de Jack » est un vrai moment de bonheur. Je préfère ne pas trop m'étendre sur le scénario dont l'idée mérite d'être découverte à la lecture de l'album plutôt qu'avant, à la lecture d'une chronique. Plongez-vous donc sans hésiter dans cette très belle histoire. Vous ne le regretterez sûrement pas. D'autant que Filippi et Boiscommun n'iront pas au-delà de deux tomes, l'un s'appelant « Le livre de Jack » et l'autre, le prochain, « Le livre de Sam », qui explorera davantage l'univers de la compagne de Jack.
Du très beau travail.
Rapaces - tome 2 (Rapaces) par Thierry Bellefroid
« Rapaces II », par Dufaux et Marini, chez Dargaud.

Ca sent le cuir et le latex, chez les Marini-Dufaux. Y a qu'à regarder la couverture pour être fixé : Rapaces N°2 sera du même tonneau que le premier du même nom, on ne change pas une recette qui gagne. Alors, comme on est vite blasé dans le monde impitoyable de la BD, nos Marini-Dufaux vont encore un peu plus loin dans la panoplie fétichiste et dans les relations troubles entre protagonistes. Ne boudons pas notre plaisir, le dessin de Marini est suffisamment talentueux pour nous faire oublier que cette histoire flirte avec le glauque comme d'autres avec la poésie. Les créatures imaginées par le dessinateur suisse ont des atouts certes bien différents de la Cécile d'un Gibrat, mais auxquels les lecteurs masculins ne resteront pas insensibles. Et les décors baroques sont mieux exploités encore que dans le premier tome (la poursuite sur les toits du « Lost dogs » en est un bel exemple). Reste que tout ça a un petit air des plus malsains et des plus opportunistes. Car il est évident que si l'on prend un à un les éléments de « Rapaces », ils sont chacun comme autant de clichés du genre.

Que penser, dès lors, de ce nouvel opus ? D'abord, qu'il éclaire le lecteur, resté dans le flou à bien des égards, au terme du premier album. Le kyste derrière l'oreille, la malédiction, les deux Rapaces tout aussi immortels que les vieux vampires, tout cela était un peu confus, le scénariste a pensé à éclairer notre lanterne avant d'aller plus loin et c'est très bien. Ensuite, comme toujours quand on lit des histoires fantastiques de Jean Dufaux, on retrouve à la fois les mêmes obsessions ou les mêmes tics (notamment dans l'écriture) et les références à peine voilées à d'autres oeuvres, qu'elles soient littéraires ou cinématographiques. Passées les comparaisons, reconnaissons honnêtement que cet album est réglé comme du papier à musique pour emmener le lecteur sur les traces de la jolie Vicky. Le rythme y est, les images saisissantes aussi, sans compter une intrigue savamment distillée. Bref, si d'aucuns jugeront « Rapaces » profondément vulgaire et déplacé, il trouvera sa place dans la plupart des bibliothèques d'amateurs de récits de vampires. Car dans ce genre, il n'a guère à rougir de la comparaison avec la concurrence, si ce n'est le très récent « Je suis un vampire » paru en deux tomes chez Albin Michel et que l'on ne peut que chaudement recommander pour l'originalité de son traitement et sa brillante mise en scène. « Rapaces » sent le parfait produit d'époque, le glamour en toc et le papier glacé qui s'encanaille du bout des lèvres avec tout ce que le gore peut produire d'images sanguinolentes ou violentes. Mais tout cela, les Marini-Dufaux le font avec un indéniable talent. Et manifestement, en y prenant du plaisir. Ca se sent.
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