Ce n'est qu'en fermant le livre que j'ai remarqué que "Là où vont nos pères" était publié dans la collection "Long courrier" de Dargaud, tant cette bande dessinée tranche avec la production actuelle (et le style Dargaud). Ce type d'ouvrage se rapproche au niveau graphique plus de la collection "Mirage"de Delcourt, à l'image d'un "Fritz Haber" de David Vandermeulen que d'une série de Dargaud. En effet, il s'agit ici d'une bande dessinée muette, mais qui, de part son étonnante palette de vignettes peut se passer de dialogue. "Là où vont nos pères" aurait pu être un portrait triste et poignant de l'immigration, mais non. L'auteur, Shaun Tan, a choisi une toute autre voie, qui oscille sans cesse entre Chaplin ("Modern times", ou encore "L'émigrant") et un monde à la Kafka, où tout nous est inconnu : alphabet, animaux, transports, language etc. Si j'ai été, dans un premier temps, assez désorienté par le scénario, j'avoue qu'il faut une seconde lecture pour bien appréhender la richesse de l'histoire. Mais c'est vrai que le scénario est peut-être étouffé par la beauté des illustrations, d'ailleurs, je n'ai eu de cesse de contempler les superbes pages à plusieurs reprises depuis que j'ai acheté cette bande dessinée. Ce livre est une fable, fable sur l'émigration, fable universelle et magnifiquement illustrée, et surtout qui ne sombre pas dans le misérabilisme mais au contraire dans l'optimisme et la joie de vivre. C'est beau, souvent sombre et angoissant, mais résolument tourné vers l'avenir, vers l'espoir (comme le montre la dernière page). Cette bd c'est le rêve américain sans le Krack de 29. Un petit ovni vient de débarquer ce mois-ci chez votre libraire... Achetez-le.