C'est un ouvrage qui ne passe pas inaperçu : Noir, mastoc dans les rayonnages du magasin, et surtout composé de pages cartonnées (peu malheureusement au regard de l'épaisseur du livre !). Avant même de l'ouvrir, c'est un livre qui se lit aussi avec les mains sur les plats 1 et 4 : contrastes de zones noires brillantes et lisses insérées dans une page noire mat et satinée. Jusqu'à présent mon bonheur est total. Mais, dès l'introduction, je suis un peu déçu : pourquoi quelqu'un comme Art Spiegelman se sent obligé d'expliquer le pourquoi du comment et surtout de se justifier sur cet ouvrage ? Je sais, je sais : il faut situer l’auteur, son histoire dans le contexte de l’avant et de l’après 11 septembre. Mais bon, quand on retourne le livre et que le prix (élevé) saute aux yeux, ce sont surtout les fans qui vont l’acheter, et eux ils savent… Passée cette légère déception et après une rotation du livre de 90°, je commence la lecture. J'adore finalement cette succession de pages de journal qui racontent le pendant et l'après 11/09 de l'auteur. Le dessin est percutant. Le style diffère de page en page et de strip en strip. Le découpage permet de lire chaque page comme bon me semble. Je me sens autorisé à aller plus vite que la narration, et je passe allègrement du bas vers la gauche et de la droite vers le haut. Je suis quand même surpris par l’utilisation cruelle que Art fait des héros des débuts des comics américains, mais cette ironie colle bien avec les propos de cet enchaînement de moments. Bizarrement, je n’arrive pas à qualifier ce livre de bande dessinée. Je le perçois comme un mélange de journalisme, d’autobiographie et d'art graphique. Et à la place de l'auteur, je même serais allé plus loin dans l'hétérogénéité : j'aurais proposé le supplément illustré sur du vrai papier journal et comme un fascicule indépendant. Message à l’éditeur : lors de la prochaine édition, remettez en ordre les renvois vers les planches dans le Supplément Illustré… ça ne fait pas sérieux.